Jeudi soir, RER. Ils montent au dernier moment, il n'y a plus de place, ils restent debout. Ils sont jeunes, quinze ou seize ans, et joyeux. Elle est petite, vive, souriante, les dents blanches, les cheveux et les yeux très noirs, il est café au lait, le visage tavelé, intimidé, visiblement heureux d'être là avec elle qui est jolie et parle tout le temps.
Je n'écoute pas mais j'entends, comme tous les voyageurs sur la plateforme. Peu à peu nous écouterons, nous sourirons.

— … une vraie geule d'enterrement !
— … (sourire interrogateur et embarrassé de qui ne comprend pas)
— Tu ne sais pas ce que c'est qu'une gueule d'enterrement ?
— Non, dit-il dans un souffle, sans perdre le sourire qui ne le quitte pas, mais gêné de son ignorance.
— Mais c'est facile à comprendre, quand même!
— …
— Quelle tête tu ferais à un enterrement ?
— …
Il secoue la tête, souriant, non vraiment, il ne sait pas. J'ai dans l'idée qu'elle l'éblouit trop pour qu'il réfléchisse. La plateforme sourit, nous pensons tous la même chose.
Elle éclate de rire :
(Incrédule) Tu ferais cette tête-là à un enterrement? (Moqueuse et définitive) Eh bien, je ne t'inviterai pas à mon enterrement !