Quatre jours chez mes parents.
Lundi, fin de matinée.
Hier, j'ai réussi (ce n'est pas difficile, le difficile serait plutôt l'inverse) à faire pleurer ma mère en faisant remarquer au petit déjeuner après qu'elle eut crié à travers la maison aux enfants captivés par la télévision «Allez-vous laver les dents!» «Tu aurais dû être colonel d'active, tu aurais été bien plus heureuse». C. a précisé «Maréchal des logis chef», papa a ri et ma mère s'est mise à pleurer.
Ce matin, considérant sans doute que j'avais assez dormi (à 9h30, certes, mais je suis rentrée hier très tard de chez ma grand-mère, et puis après tout c'est mon premier jour officiel de vacances), elle a fait entrer le chat dans ma chambre (j'ai entendu la porte qui s'ouvrait et se refermait), chat qui s'est mis à miauler dix minutes plus tard pour sortir.
Je me suis levée.

Après une journée passée hier avec mes tantes soixantenaires et leurs souvenirs de bureau («Ce qui a tué la vie de bureau, ce sont les horaires variables» (Je résume: Les horaires fixes obligeant à être présents de 8 heures à midi et de 14 heures à 18, il se développait une intense vie communautaire entre midi et deux heures, sorties sous les cerisiers, visites aux collègues en congé de maternité, atelier tricot ou crochet. En raccoursissant la pause déjeuner à quarante-cinq minutes, les horaires variables ont entraîné chacune à ne plus songer qu'à rentrer chez elles le plus vite possible.[1] (Et je voyais naître chez elles la nostalgie de cette vie policée et amicale, nostalgie que je comprends si bien en constatant que mes enfants ne connaîtront jamais le plaisir des interminables parties de tarot entre midi et deux en attendant la reprise des cours: il n'ont qu'une demi-heure pour déjeuner)), leurs regrets d'une organisation fixe, plus militaire, je songeais que toute une génération avait sans doute été marquée par sa vie en internat à partir de onze ans, seule manière d'aller au collège quand on habitait dans des communes reculées.
Il y aurait sans doute une étude à mener sur les impacts de la vie en internat sur les comportements sociaux des enfants nés dans les années quarante.

En attendant, n'ayant moi-même aucun goût pour la vie de caserne, je tape ici ma rage d'avoir été réveillée pour rien, au nom d'un principe.

Notes

[1] Un jour, je parlerais de Petit abécédaire des entreprises malheureuses, qui entre autres décrit concrètement les conséquences de 1968 sur la vie de bureau