La Grande Illusion

Le cinéma Racine présente cet été un festival des "films maudits". C'est ainsi que nous nous retrouvâmes hier soir devant La Grande Illusion, sans trop savoir ce que c'était, faisant confiance au nom de Renoir.

C'est un film terriblement émouvant, moins à cause de lui-même qu'à cause de tout ce que nous savons qui attendait la France et l'Allemagne deux ans plus tard. C'est le témoin d'une époque à jamais révolue, celle où l'on pouvait encore concevoir une guerre en gants blancs, celle où l'on pouvait imaginer des prisonniers danser le french-cancan et manger du foie gras.
En 1937 ce film devait permettre de croire à la paix, de se convaincre que toute paix valait mieux que la guerre, que les hommes comme la nature se ressemblaient partout et se moquaient bien des frontières (cf. l'une des répliques de la fin); en 2007 il permet de constater qu'on n'y croit plus, que la guerre semble une malédiction permanente, toujours à l'œuvre dans quelques points du globe, et qu'elle est animée par une haine viscérale qui empêche le respect de l'adversaire tel celui mis en scène par Jean Renoir: la grande illusion, c'est finalement celle-ci, avoir cru à une dignité de la guerre.
Si le film ne tombe pas dans le cliché sentimental, c'est que sous l'apparente simplicité du propos le dilemme représenté est tragique, au sens classique du terme: confrontation de deux absolus, "les hommes sont frères" et "le devoir est le devoir", avec l'éternelle hiérarchie selon les sexes: la femme peut choisir la fraternité contre le devoir, l'homme doit choisir le devoir contre la fraternité.

«Des enfants qui jouent aux soldats, des soldats qui jouent comme des enfants»: si le film est si drôle, si l'on rit si souvent, c'est que l'enfance, l'esprit de l'enfance, affleure chez les soldats. Si la guerre est un sujet sérieux, si l'on risque la mort, alors il est important de ne pas la prendre au sérieux, et je pensais au Caporal épinglé, à Exobiographie, à L'épopée du Normandie-Niémen, tous livres évoquant la deuxième guerre mondiale eux aussi dans cet esprit léger, ce refus d'être sérieux.

J'aime particulièrement dans ce film son art de l'ellipse, son exigence de ne jamais rien montrer qu'on ait deviné: dès que le spectateur a compris ce que devraient être les images suivantes, la séquence est terminée, l'image fond, on passe à la suite. Il n'y a pas d'image inutile.


Dans les petits plaisirs, Carette chantant «Si tu veux faire mon bonheur, Marguerite...».
(Une recherche m'a amenée sur cet étonnant blog.)

Le château de Grosbois

Dimanche, ciel de pluie.



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