Je me souviens, lors de ce colloque sur les finances publiques, du discours de Pierre Joxe. Il venait d'obtenir un poste ou une mission à l'ONU, nous avouant en riant que c'était le dernier examen (en date) qu'il avait eu à passer (un examen d'anglais, il me semble).

«En survolant en hélicoptère une livraison de jeeps pour une mission de l'ONU en Afrique, nous nous sommes aperçus qu'au centre parfait de ce carré de centaines de voitures, extérieurement lisse et sans faille, il manquait des dizaines de véhicules. On ne pouvait s'en apercevoir à pied. Il faut revenir aux fondamentaux, à l'inventaire physique.»

Je me souviens d'une de mes profs de comptabilité, expert-comptable, au physique à la Simone Signoret de la fin, qui proclamait «Un comptable, c'est un con derrière une table», qui nous racontait les inventaires à quatre heures du matin dans les usines de BTP sur les quais de la Seine, déroulant les câbles pour les mesurer avant valorisation.
Je me souviens de la fraude de ce poissonnier d'Auchan qui, lors des inventaires de fin d'année, valorisait habilement la lotte au prix du merlan ou vice-versa, tandis que nous n'y voyions que du feu, incapables que nous étions de faire la différence d'un seul coup d'œil entre deux filets de poisson.

J'ai appris à H. quand il a commencé à tenir sa comptabilité de société ce principe simple: à une écriture doit correspondre un justificatif, au justificatif doit correspondre un mouvement dans la sphère "réelle", un achat ou une vente, d'un bien ou d'un service (même les provisions pour risque ou les dotations aux amortissements ont pour origine un événement ou un bien réel (vient ensuite le calcul des encours de production et le début des ennuis. Passons.)).

Mais qu'est-ce que la sphère réelle en finances? Où est l'argent? Existe-t-il? Ne s'agit-il que de manque à gagner, de gains potentiels qui ne seront pas réalisés? De quoi parle-t-on exactement?
Quelqu'un le sait-il?
Et au fur à mesure que se découvrent les crashs et les fraudes, j'ai l'impression que la réponse est non.