Pas de sortie aujourd'hui, trop de vent pas assez, l'eau p'était trop p'humide...

Rameur en salle. Je prévois vingt minutes. Porte du hangar ouverte sur la Seine côté Nord, sur le bras où passent les péniches.
Je me concentre sur le geste technique. En deux coups de cuillères à pot, Vincent a corrigé un défaut majeur de position que je traînais depuis trente ans (enfin, pendant trente ans je n'ai pas ramé), c'est devenu plus facile, plus fluide. L'aviron est un sport de glisse.

Trois hommes entrent, et comme je m'étais mise sur le rameur du milieu, m'entourent. Je suis toute petite au milieu d'eux. Je constate que tandis que nous avons à peu près la même cadence (20 coups par minute (il faudrait que je descende à 15, pas facile), ils parcourent cinq cent mètres en 2min07. Il m'en faut 2'35''...

Chaque fois je découvre le lendemain que je me suis fait mal quelque part, les épaules, les biceps (pas simplement des courbatures, presque des froissements. Et il me reste une douleur inquiétante au majeur droit depuis novembre)... Chaque fois en commençant je me dis qu'il faut que je fasse attention, que ce n'est pas raisonnable, je n'ai plus l'âge... Et tandis que j'atteinds dix-sept minutes de rame, je sens que les muscles des cuisses se mettent à trembler et ne répondent plus. Encore trois minutes.
En fait j'adore ça. Ça m'amuse. Je suis curieuse de voir à quel moment ça commence à lâcher. Et comme je sors de Chatwin et des courses maritimes, j'ai l'impression d'être un navire en train de se démembrer.

Mais cela vide la tête aussi. Impossible de réfléchir. Plus assez de sucre? Ce soir encore je suis comateuse (ou: ce soir, je suis encore comateuse). Et les joues me brûlent, la peau sur les pommettes ne se remet pas complètement de la suée.
Je ne sais pas faire moins et de toute façon, je n'en ai pas envie.