Virée express à Berlin invitée par Gvgvsse à la deuxième Symphonie de Mahler par Simon Rattle. (Très) heureuse d'être là, à cause de l'invitation impromptue, miraculeuse, à cause de la grisaille secouée, à cause du bel automne, de la couleur des feuilles, de la douceur de l'air, de la Philharmonie bouton d'or, de Gv qui m'explique: «Quand Karajan a choisi cet endroit on lui a dit qu'il était fou, que c'était loin de tout; il a répondu: "un jour, ce sera au centre"». Interloquée, j'objecte que c'était un sacré pari malgré tout, qui aurait pu prédire cela? Réponse catégorique, royale: «Il ne savait pas que cela surviendrait si vite, mais c'était inéluctable: quel empire a vécu mille ans?»

Gv me donne quelques indications: l'œuvre de Schönberg jouée tout d'abord, la Seconde Symphonie directement enchaînée, le chœur déjà présent dans la salle, les fanfares jouées dans le lointain, des coulisses...
Je n'ose pas vraiment parler de musique, je me sens empêtrée dans les mots, un vocabulaire que je ne maîtrise pas. Je parlerais d'une atmosphère intime, la grande salle close comme une enclave protégée tandis que mon manque d'habitude me fait perdre régulièrement la musique que je cherche des yeux tandis qu'elle voyage d'instruments en instruments. Peut-être qu'il serait plus sage de carrément fermer les yeux, mais ce serait tout de même dommage, il n'en est pas question. Plaisir et surprise des contrastes de volumes et de timbres, de la musique infime à tonitruante, du son qui enfle et se tait, douceur du chant de la fin.
Ovation, standing ovation, Simon Rattle, les solistes Magdalena Kožená et Kate Royal et le récitant de Schönberg Hanns Zischler reviennent saluer. Devant moi, un vieux monsieur en tricot gris et une vieille dame en rouge descendent laborieusement les marches un bouquet de roses blanches à la main. Je pense qu'ils souhaitaient l'offrir à Magdalena Kožená mais ils sont trop âgés, ils marchent trop lentement, elle a quitté la scène quand ils arrivent devant. Ils attendent, elle ne revient pas, ils confient leurs fleurs à Simon Rattle.
La salle continue d'applaudir, les musiciens quittent leurs places, Simon Rattle revient, salue, se retourne vers les chaises vides et les associe aux applaudissements d'un geste de la main, tout le monde rit.
C'est fini.

Tandis que je balbutie quelques mots d'admiration, Gv commente sobrement : «Ce n'est jamais que le meilleur orchestre du monde... je me suis dis que si c'était ton premier concert Mahler, autant que ce ne soit pas par un orchestre de second ordre.» En moi quelque chose sourit d'une oreille à l'autre, amusée et gaie: oui évidemment, vu comme ça...

Dehors, Gv m'explique comment sont dirigés les musiciens des fanfares en coulisse. Il me raconte une anecdote survenue lors de la Seconde Symphonie donnée par Pierre Boulez pour ses 80 ans (anecdote que je viens de retrouver dans son blog) et le lien Mahler-Klemperer. Je pense que je ne l'oublierai plus.