Quatre garçons à la dérive dans le couloir :
— Qu'est-ce que vous faites là?
— Ils sont déjà trop alors ils nous ont virés.
— Bon allez venez.
— Mais y a que des filles!

Et effectivement, elles sont treize, quatre qui bricolent (travaillent), les autres qui papotent. Douze ou treize ans. Les garçons s'installent au bout de la table et commencent à cancaner à qui mieux mieux avec les pipelettes; j'écoute avec surprise, ce n'est que classement de beauté et question sur les tailles de soutien-gorge. Oui je suis surprise, car rien n'indique par ailleurs que la puberté ait commencé, ni leur physique poupin ni leur regard franc. Garçons et filles papotent, mais je ne comprends pas bien d'où leur vient leur intérêt, si ce n'est de par convention.

L'un d'entre eux fait une allusion lourde de sous-entendus, et sans même y penser je réponds avec un peu d'ironie. Antonin me regarde et dit, provocant et accusateur, pensant m'embarrasser:
— Mais Madame, vous en savez des choses!

Je suis debout, il est assis, contre-plongée, visage angélique boucles brunes dents baguées regard clair, il est adorable, gentil, souriant. Je réponds doucement:
— Tu sais, s'ils ont des enfants, c'est que les parents savent deux ou trois choses…
Il me regarde, ses yeux chavirent, pensifs, il bafouille sous le coup de la surprise:
— Je n'y avais jamais pensé…