Alice du fromage

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vendredi 30 novembre 2012

De quelle couleur est le blanc ?

Comme le temps passe vite. Ce billet aurait dû intervenir tout de suite ou peu après celui-ci. En effet, j'avais eu la surprise en cherchant la couleur évêque (enfin, je ne savais pas qu'elle portait ce nom, j'ai cherché "violet" et "mauve" dans google images et pris ce qui me convenait le mieux) de découvrir l'existence de la couleur cuisse de nymphe émue alors que je pensais que c'était une invention de Louÿs (vérification faite, chez Louÿs, il s'agit de "cuisse de nymphe calmée").

Il ne faut pas confondre "cuisse de nymphe émue" et "cuisse de nymphe" (nous avertit Wikipédia). Je découvris alors les teintes de blanc et leurs noms.

jeudi 29 novembre 2012

Courbatures

Depuis mes sorties en skiff de septembre, j'ai changé légèrement mon coup d'aviron sur le retour (et la sortie de l'eau également). J'ai trouvé une façon de dégager le cou des épaules durant le retour qui donne l'impression de tenir l'équilibre du bateau avec une ligne imaginaire horizontale reliant le milieu des deux omoplates.

La conséquence inattendue est que j'ai des courbatures dans les muscles qui constituent l'arrondi des épaules. Les deltoïdes, viens-je d'apprendre sur internet.

mercredi 28 novembre 2012

Retour aux fondamentaux

Je ne lis plus, je ne blogue plus, je regarde avec O. des vieux films qu'il na jamais vus. Vieux films dans tous les sens du terme, car ce sont souvent encore des cassettes. Cela donne un certain charme aux Indiana Jones, l'image déformée, un peu pixellisée, sur le grand écran plat prévu pour des supports plus modernes.
Mais pour Usual suspect, c'est plus gênant.

C'est très agréable de regarder ce film à côté de qulequ'un qui le découvre.

mardi 27 novembre 2012

Si vous avez des minutes de votre vie à perdre

Le web inutile (mais pas sans intérêt. Enfin, un certain intérêt.)

dimanche 25 novembre 2012

Week-end musical

Samedi, une après-midi à écouter Philippe Bernold donner des conseils aux élèves du conservatoire.

Je retiens l'idée d'énergie:
— Quand tu joues, il ne faut pas qu'on ait l'impression que tu t'ennuies, qu'on se dise "Oh la pauvre, il faut qu'elle joue". Ce que tu dois transmettre, c'est de l'énergie.
In petto, je me dis que c'est toujours vrai dès qu'on est face à un public.

Et à propos de la sonate à 2 flûtes en sol majeur de Wilhem Friedemann Bach : «ce n'était pas destiné à être joué en concert, encore moins en concervatoire et encore moins en conservatoire supérieur! C'était destiné à être joué par deux amis le soir, près de la cheminée. Alors regardez-vous, échangez des coups d'œil, ayez l'air de continuer une discussion.»

De la musique de chambre comme «conversation», il aura beaucoup insisté. Autre piste: «si vous voulez comprendre la forme sonate, choisissez un compositeur mineur, les grands la transforment aussitôt, elle n'est jamais pure chez eux.»



Ce matin, Si vous voulez vivre longtemps, vivez vieux, à Montreuil. Beaucoup de monde pour un dimanche à 11 heures.
Nous avons beaucoup ri, voir ici pour un vrai compte rendu.
Beaucoup aimé le logo en forme de poire. Il me plaît.

Le début de l'exposé sur la vie d'Erik Satie commence à peu près ainsi:
«Erik Satie est né à Honfleur le 17 mai 1866, comme Alphonse Allais. Enfin, Alphonse Allais n'est pas né en 1866, mais à Honfleur, le 20 octobre 1854, comme Rimbaud, mais lui, à Charleville-Mézières. Oui, Rimbaud et Alphonse Allais sont nés le même jour la même année, alors qu'Erik Satie et Arthur Rimbaud ne sont nés ni la même année, ni dans la même ville, ce qui leur fait au moins deux points communs.»

Première Gymnopédie. Je la connais très bien, sans que je parvienne à retrouver l'origine de cette connaissance. Image de photos noir et blanc, de neige, où ai-je entendu, souvent, cette première gymnopédie? Servait-elle de thème dans une lecture de Modiano? Je ne sais plus.
Mais quelle douceur de commencer dimanche avec elle.

vendredi 23 novembre 2012

Mon fils me surprend

O. s'est acheté un chapeau blanc aux Etats-Unis. Il le porte et ils se voient, lui et son chapeau, puisqu'il mesure 1,85m à 14 ans.

Lui qui était très soucieux du regard des autres, attentif à s'habiller comme les autres, à se fondre dans la masse, à ne pas se différencier (ne pas avoir la télé et être en CHAM, ça suffit comme bizzareries) m'a expliqué il y a peu de temps que depuis qu'il a son chapeau, ça lui est devenu égal. Quand on le regarde, il se dit que c'est à cause de son chapeau et il le supporte sans broncher.

Mardi, il avait oublié son chapeau.

Mercredi, quai du RER:
— Et ton chapeau, tu l'as oublié?
— Mais non, mais il est blanc, tu comprends…
— ??? Euh...
— Mais si, à cause de mémé…

Bref, j'ai compris qu'il portait le deuil.

jeudi 22 novembre 2012

Des perturbations dans la force

Dîner avec R, mais pas en tête à tête. Finalement cela aura moins duré que je ne pensais. Ce n'est pas de la réconciliation mais de l'observation prudente. Prudence dans le choix des mots, conversation minée. La question que je me pose, entièrement théorique, est de savoir si je compte autant pour lui que lui pour moi.
Mais cela ne lui donne pas le droit de faire n'importe quoi.
Au contraire.

Je rentre pour apprendre qu'en gare de Yerres, une adolescente en a poussé une autre sous un train. Je n'aurai pas eu l'occasion de m'inquiéter, je suis rentrée trop tard.
J'apprends aussi que nous avons été déboutés en appel dans l'affaire des métabalises. Cela ne m'étonne pas. J'avais oublié que le délibéré était rendu aujourd'hui. Je n'y pense plus très souvent. Il faudra que je cherche pourquoi.

La fin du monde? c'est dépassé

Le billet s'intitule à peu près : De quoi diable parler avec votre cousin zarbi devenu adulte ? et propose quelques sujets pour la table de Thanksgiving. Je pense que cela pourrait servir à Noël.

Donc:

Dans son dernier livre, le pape affirme que Jésus est né "plusieurs" années plus tôt que ne le suggère le calendrier actuel. Nous serions maintenant aux environs de 2017. En quel sens cette hypothèse affecte-t-elle les calculs du calendrier maya?

mercredi 21 novembre 2012

Magique

La France, le pays où l'on peut en toute liberté de conscience décider de ne pas appliquer une loi sans que ce soit illégal.

Chaque jour je me réjouis car le monde m'étonne.



Et sinon je lis Ceux qui passent : peut-être devrait-on prévenir les préfets qu'«en toute liberté de conscience» ils ne sont pas obligés de faire raser les camps de migrants.

mardi 20 novembre 2012

Camping

Fuite sous l'évier de la cuisine (découverte dimanche comme il se doit). Lavé la vaisselle de deux jours dans la baignoire. (A tout prendre, je préfère avoir de l'eau et pas d'évier qu'un évier et pas d'eau.)

lundi 19 novembre 2012

Ma grand-mère maternelle

Je crois que Six feet under m'a appris à faire les oraisons funèbres. J'ai l'impression un peu perturbante que désormais je vais être chargée de celles de la famille.

Je ne me sens pas le goût d'écrire ici celle que j'ai prononcée aujourd'hui, parce que je l'ai prononcée, justement (ce qui est dit se dissout). Un jour peut-être.

Une page se tourne.

jeudi 15 novembre 2012

Mariage interdit

Appris un peu par hasard ce week-end que je n'avais pas le droit d'épouser mon beau-père (c'est la loi).

— Et bientôt, tu n'auras pas le droit d'épouser ta belle-mère non plus.

Relecture du passé

Appris au détour d'une conversation que mon pénultième chef était surnommé "fifilles" (à prononcer mains en avant qui gigotent, bave aux lèvres).

Une fois encore, je n'avais rien remarqué, ou si peu.

mercredi 14 novembre 2012

La confusion des sentiments

Appris que l'abominable homme des blogs était passé à la télé pour la journée de la gentillesse.

1/ c'est intensément réjouissant comme illustration du fonctionnement de la télé.
2/ je préfère le savoir là que sur Canal Académie ou dans les cahiers de l'Herne. Amuseur public, c'est davantage sa place.
3/ je suis rassurée sur son état: il n'est pas en train de dépérir.
4/ je suis inquiète des nouveaux moyens de nuire qu'il va découvrir là (et en particulier de nous nuire, bien entendu).
5/ et puis malgré tout, le sentiment d'une injustice, le sentiment que ce monde manque de rectitude. Cependant, je crois vraiment que "si tu t'assois au bord de la rivière, tu verras passer le corps de ton ennemi". Attendons calmement.

mardi 13 novembre 2012

Menaces sur le mariage

Gleeden, «le premier site de rencontres extra-conjugales pensé par des femmes», actuellement en affiche de 4x3 m dans le métro.

lundi 12 novembre 2012

Le prof de philo était habillé en bleu

Chaque fois que je le vois il me paraît un peu plus âgé que dans mon souvenir (c'est la troisième fois) (mais comme j'avais commencé par vingt-cinq ans, il est encore jeune), un peu plus fatigué (si pâle et les traits si tirés) et très doux. Contrairement au précédent habité par l'ardeur de son sujet, celui-ci glisse plutôt vers la contemplation. L'un paraissait en transes, l'autre translucide, éclairé par une bougie intérieure.

Ce soir il portait un pull irlandais bleu pétrole qui iradiait différemment son visage. J'ai eu autrefois une prof de philo que je trouvais à son meilleur en col roulé violet, couleur évêque.

samedi 10 novembre 2012

Mariage gay

H. a licencié un collaborateur. Motif officiel: refus d'obéir aux ordres.
Motif détaillé qui ne sera pas exposé davantage à moins que cela ne soit nécessaire (inspection du travail, prud'hommes, etc): refus de travailler aux adaptations nécessaires d'un logiciel suite à la possibilité de se marier pour les homosexuels. Ses convictions religieuses le lui interdisent, argue le collaborateur.

Personne ne me demande mon avis, mais je vais quand même le donner (c'est un peu le principe du blog).
Tout sonne faux dans ce que je pense, parce que mes convictions sont réactionnaires et mes conclusions progressistes. Entre les deux interviennent mes amis, mes connaissances, des cas particuliers qui font que je suis prête à reculer sur tous les fronts.

Je suis bien embarrassée, je trouve cette histoire de mariage stupide, parce que rien à faire, le mariage reste pour moi un instrument historique d'oppression [1] et je trouve étrange de le désirer.
D'un autre côté je sais que Matoo en rêve défend l'idée pour des raisons d'égalité de droits, et l'idée de voir Matoo et Colin en smoking blanc comme le Capitaine et le Lapin (non, ils ne sont pas en smoking blanc, j'ai fantasmé ou confondu) en train de se jurer fidélité et assistance (et c'est peut-être le tout du mariage: assistance, plus encore que fidélité: vieillir ensemble, le plus difficile, le plus important, ce qui fait que tout cela est une aventure et non pas un encroûtement) me réjouit et je ne vois pas très bien au nom de quoi le leur refuser.

Mariage

Il faut bien entendu distinguer mariage civil du mariage religieux.

Concernant le mariage civil, j'entends certains dire que le PACS existe. Certes, mais il est faux de croire que cela donne les mêmes droits que le mariage. Je ne vais pas faire la liste des différences juridiques parce que je ne les connais pas, mais rien n'empêche une entreprise privée de faire une différence entre ses clients mariés ou pacsés ou en union libre.
Je peux citer mon propre métier. Je travaille dans une mutuelle de santé qui intervient en surcomplémentaire pour les salariés de sept filiales du groupe, la complémentaire étant assurée par le régime de branche. J'ai eu la surprise d'apprendre que cette complémentaire, qui couvre tous les salariés des sociétés d'assurance, n'accorde aucun droit aux Pacsés. Seul le conjoint marié[2] est reconnu et remboursé de la même manière que le salarié cotisant.
D'autres citeront des circonstances douloureuses, par exemple les conjoints homosexuels ne pouvant accéder au lit de leur ami hospitalisé au motif «qu'ils ne font pas partie de la famille». (J'espère que cela a tendu à disparaître avec l'expérience du sida.)
Etc, etc. Si le mariage est une façon élégante et rapide de résoudre d'un coup tous ces dysfonctionnements, allons-y. Je songe qu'il sera accompagné de son cortège de tristesses, divorces et désillusions, mais peut-être est-ce inévitable.

Concernant le mariage religieux, je ne peux parler que du mariage catholique. (Les protestants s'y opposent moins, car chez les réformés le mariage n'est pas un sacrement. Les autres religions je ne sais pas.)
L'Eglise est contre et je ne le discute pas. J'accepte sans discuter, comme j'accepte que les femmes ne puissent pas administrer les sacrements ou devenir jésuites, que les divorcés soient excommuniés, etc, etc. (Finalement être catholique, c'est souvent s'entendre dire non, et c'est sans doute structurant aussi.) Accepter ou ne pas se dire catholique, puisque c'est justement cette acceptation qui définit une appartenance (ce qui ne veut pas dire qu'une fois le porte-parole de l'Eglise ou de l'évêque rentré dans ses appartements, la discussion ne reprend pas et que le travail d'articulation autour du mot "amour" ne bat pas son plein).
Ce qui me fait sourire, c'est que l'Eglise se retrouve face à son ambiguïté en ce qui concerne le mariage: ce qu'elle veut régir en réalité, c'est qui s'unit à qui[3] et combien de petits catholiques (le plus possible) sortiront de cette union — un enjeu de pouvoir, en somme; mais ce dont elle nous parle désormais quand il s'agit de mariage, c'est d'amour, le mariage comme sacrement étant censé représenter l'union de l'Eglise et du Christ: quand deux personnes viennent lui dire qu'elles veulent se marier devant le Christ parce qu'elles s'aiment, au nom de quoi peut-elle le leur refuser?

Un prêtre rencontré lors d'un colloque fin octobre à qui je faisais remarquer qu'il s'agissait de mariage civil et que l'Eglise n'était pas concernée m'a répondu:
— Mais quand ils auront le mariage civil, ils voudront le mariage religieux!
— Et alors?
— Et alors ils mettent en danger la famille!
— Ah non, ma famille n'est pas du tout mise en danger par le mariage homo.

(Cette idée m'a parue extravagante, et en y réfléchissant je me suis dit que c'était plutôt le contraire. Enfin non, il ne s'agit ni du contraire ni du mariage, mais la fréquentation d'homos, seuls ou en couple, enrichit ma famille et lui permet de faire cette expérience fondamentale: on ne peut rien dire, rien savoir d'une personne avant de la rencontrer et de se faire sa propre opinion, qui ne dépend ni du sexe, de la couleur, de la religion, de l'âge, de la préférence sexuelle, mais de "parce que c'était lui, parce que c'était moi".)

Tout cela pourrait faire croire que je suis pour le mariage religieux gay. Mais non, pas vraiment. En réalité, j'ai une vraie difficulté à réfléchir au mariage. Je trouve qu'il n'a aucun sens si le divorce est autorisé. En fait je ne suis pas sûre d'être favorable au mariage hétérosexuel non plus. Si, mais avec réserve. Je demande des quotas. Les mariés se rendent-ils comptent de la galère (sens premier, bateau avec des rames) dans laquelle ils embarquent? N'y allez pas, vous êtes fous!

Adoption

Là, c'est beaucoup plus simple: c'est oui. J'ai exactement la même position pour les couples homosexuels que pour les couples hétérosexuels (oui, je parle de couple. Adopter un enfant quand on est célibataire (à moins de situations très particulières qui régularisent des situations anciennes, des situations de fait) me paraît une mauvaise idée. C'est dur, on a besoin d'être deux, ne serait-ce que pour confronter ses réactions ou ses opinions. Répondre à «Et maintenant, que faire?» est plus facile à deux.)

J'avais été frappée par la phrase: «Adopter, c'est donner des parents à un enfant, pas un enfant à des parents».

Oui à l'adoption d'enfants nés ou déjà conçus, non à la procréation assistée. A quoi bon mettre au monde des enfants supplémentaires? Pour avoir le sien, le vôtre? Mais cela est la plus grande tromperie, la plus grande illusion. Ce ne sera jamais le vôtre, il sera toujours lui, il vous échappera toujours. A tous ceux qui s'imaginent "leur" enfant comme un prolongement d'eux-mêmes, je demanderai s'ils ont l'impression d'être le prolongement de leurs propres parents.
(Et puis ce sujet-là fait ressortir mon côté féministe: la PMA, c'est se servir du corps des femmes pour faire de la recherche, avec leur consentement plus ou moins inconsciemment contraint (quand on vous demande au moment du prélèvement d'ovules, alors que vous êtes déjà sur la table d'opération: «Ça ne vous dérange pas qu'on en prélève un peu plus pour des couples stériles?», que voulez-vous répondre? Et que dire des femmes stimulées hormonalement alors que c'est l'homme qui est stérile ou hypofertile? (Combien de cancers chez ces femmes-là?) Et quel est le statut des embryons congelés? (un sacré casse-tête juridique, mais je ne peux que frissonner en imaginant des embryons issus de moi être utilisés pour des expériences scientifiques.))

Mais bien entendu, une fois encore, l'amitié me fait taire: comment ne pas être heureuse pour Rémi et sa fille Julie née en septembre?

Notes

[1] Pourquoi s'être mariée alors? Question très compliquée, mais certainement pas pour des raisons sentimentales ou symboliques. La réponse contenant le plus d'exactitude serait "pour quelque chose de l'ordre du pari de Pascal". Mais laissons mes névroses de côté et poursuivons.

[2] Vous aurez compris que ce masculin ne fait qu'appliquer la grammaire française et couvre les deux genres du genre humain.

[3] J'ai trouvé ce terme moins violent que "qui baise avec qui", mais c'est bien de ça qu'il s'agit.

vendredi 9 novembre 2012

Une rencontre

Dix heures et demie, les Halles, je suis en retard pour mon cours d'allemand, je vais prendre la ligne 4, pas à la station les Halles mais à Chatelet en prenant le couloir de la ligne 14; il faut connaître l'astuce car la direction "porte d'Orléans" n'est pas indiquée dans le couloir. Direction réservée aux initiés.

Contre le mur du couloir de la ligne 14 je remarque une très jeune femme asiatique, menue, en manteau gris et toque noire à la Audrey Hepburn. Elle se tient au mur, elle titube, j'hésite, je m'approche, que vais-je pouvoir faire, il n'y a rien pour s'assoir (c'est le lieu où arrivent les immenses tapis roulants des Halles, pour ceux qui connaissent):
— Ça va? Vous voulez de l'aide?
Elle me sourit, elle est toute pâle, elle me répond en français mais je ne comprends pas très bien, son accent est fort, elle parle de Louvre, je crois.

Oui elle a mangé quelque chose ce matin, elle ne comprend pas ce qu'elle a, elle paraît se ressaisir, j'aimerais la conduire jusqu'aux quais, en général il y a de quoi s'y assoir. Je finis par comprendre que c'est la ligne 14 qu'elle veut prendre, la station Pyramide, deviné-je. Elle s'accroche à mon bras, elle ne pèse rien, elle est si menue, elle sourit bravement, elle est pâle. Il lui faudrait du sucre, je n'ai rien sur moi, pas un seul de ces petits gâteaux que je récupère quand je prends un café au café.
Non, elle a mangé, du riz et des gâteaux (du riz au petit déjeuner? C'est une idée d'asiatique, ça!), elle ne comprend pas. Une inspiration me vient, je crains un peu de la choquer:
— Vous n'êtes pas enceinte? pregnant?
L'idée semble atteindre son cerveau au ralenti. Ses yeux s'arrondissent, sa bouche sourit, la lumière éclaire son visage comme si elle comprenait enfin (ouf, elle n'est pas choquée):
— j'ai oublié… le mois dernier… le bébé…
(Elle a oublié quoi? sa pilule? Elle a fait une fausse-couche le mois dernier? Elle a oublié qu'elle est enceinte? Non, ça, ce n'est pas possible, elle paraît trop surprise.)
Je suis soulagée, la nouvelle n'a pas l'air de la catastropher, elle semble heureuse, j'ai envie de rire:
— Vous savez, ça arrive…

Je l'accompagne sur le quai de la 14, lui trouve un siège.
— Reposez-vous avant de partir.
Elle est confuse, a peur de m'avoir mise en retard:
— Si vous tombez dans le métro (je fais avec les mains le geste de s'évanouir avec grâce), il y aura les pompiers… firemen… beaucoup de monde, beaucoup de bruit… Reposez-vous. Je peux vous laisser?
Elle dit oui, elle est encore sous le coup de la nouvelle, je l'abandonne, lumineuse sur le quai.


Je me demande si elle était vraiment enceinte, si mon intuition était juste. C'est dommage, je ne le saurai jamais.

jeudi 8 novembre 2012

Gender study

— C'est facile: un tentacule comme un testicule.
— Hum, je ne suis pas convaincue. A partir de maintenant je dirai une testicule, ça sonne pas mal.

mercredi 7 novembre 2012

Le procès de Charlotte Corday à l'Epée de Bois

Rendez-vous à Vincennes, je sors devant le château, je ne sais plus à l'angle de quel carrefour je dois les retrouver. Heureusement j'ai mon téléphone:
— Prends à l'est.
— Mais il fait nuit, comment veux-tu que je sache où est l'est?

Discussion à bâtons rompus. Pessoa en livre de voiture comme il y a des livres de chevet. De quoi avons-nous parlé dans la voiture, Prague déjà? Je ne crois pas.

Soupe, tarte salée, assiette de fromage, une bouteille pour trois. Le foyer de ce théâtre est très chaleureux, lambrissé, j'ai un coup de cœur pour cette pièce.

Nous parlons lectures. Aragon et Drieu La Rochelle, lire Gilles en même temps qu'Aurélien, histoire d'une bagarre de rue entre Aragon et ?? Cocteau??, deux folles brune et blonde, et la foule qui se met à parier (dans Gilles).
— Mais Aragon, c'était tout de même un salaud, un sacré menteur.
— J'ai eu la chance de le lire dans l'édition de ses œuvres dans les années 70; il écrivait des préfaces démesurées, c'était complètement fou, quatre cents pages de préface pour une vingtaine de pages comme Le Paysan de Paris.
— Celui que j'aime bien, c'est Breton, il ne s'est jamais compromis.

— Dans les années 70 je voyageais en Ukraine (je n'avais même pas vraiment conscience d'être en Ukraine). J'avais acheté le Monde à Varsovie. Je laisse ma voiture quelques instants, et quand je reviens, un homme me dit: «J'aimerais Le Monde».
— Vous parliez en quelle langue?
— En français, il parlait un français parfait, en Roumanie aussi, d'ailleurs. Je lui fais remarquer qu'il y a des poules sur la nationale et il me répond: «Ici, les poules sont libres.»
— C'est génial! Je me souviens quand j'ai pris le transsibérien de m'être arrêté dans un hôtel paumé de Bouriatie, et la femme qui le tenait parlait un français parfait. Nous avons raté beaucoup d'occasions il y a une dizaine d'années; c'est comme au Vietnam…
— Oui, nous étions aimés… Nous n'avons pas été à la hauteur de l'amour qu'on nous portait.

Se joue à l'Epée de Bois Cyrano de Bergerac.
— Un de nos désaccords.
Je suis surprise. Je ne m'en souvenais pas. Cyrano ne serait pas une grande œuvre? Mais quelle importance? Les trois mousquetaires non plus, et pourtant je défendrai toujours d'Artagnan. D'Artagnan ou Cyrano donnent une ardeur que ne donne pas Mallarmé, c'est important aussi. «— Et c'est? — Mon panache.»

Biographie de Casement par Vargas Llosa (Le rêve du Celte). Voyage d'étude, enquête, comment dire sans être anachronique, au Congo belge. Horreur, "le musée des mains coupées" à Bruxelles, on estime à dix millions les morts congolais («ce qui est beaucoup avec les moyens de l'époque»); c'est suite au rapport de Casement, indépendant, non-belge, que le Congo cessa d'être la propriété personnelle du roi.
— Il connaissait très bien Conrad. Sa fin fut dramatique. Il est parti en Allemagne au début de la [première] guerre mondiale et a été débarqué sur le sol irlandais juste avant le soulèvement de Pâques. Les Anglais ont fait un massacre et Casement a été condamné à mort. Conrad et Shaw ont refusé de signer la pétiton qui demandait sa grâce.

Pièce de Benoît, Le procès de Charlotte Corday. Plus tragique, plus violente, moins psychologique, moins nuancée que dans sa première mouture de 2009.

Encore un verre dans une brasserie de Vincennes. Le temps passe trop vite, beaucoup trop vite. Les serveurs commencent à ranger vers minuit, nous plaisantons avec eux, «on travaille demain» nous disent-ils. Je ne réponds pas que moi aussi, et plus tôt qu'eux.

lundi 5 novembre 2012

Grec ancien

Je suis en train de tomber dans le grec ancien.

H. se moque parce que c'est du faux grec, évidemment, la Septante, ce n'est pas Eschyle. Et encore, même pas la Septante, mais le Nouveau Testament.

En attendant je m'amuse bien. Les trajets en RER en sont raccourcis. J'aime la façon dont le doute remonte de strate en strate, douter d'une construction, douter du sens d'un mot, douter de la graphie correcte du copiste… et remplacer les mots, proposer l'ajout ou le retrait d'une syllable, recréer le texte, mettre cinquante ans à stabiliser une hypothèse à force de discussions entre savants.

Quel travail, quelle ascèse. Tout ce qui approche de la folie me plaît, cet irrationnel le plus pur sous couvert de scientificité.


Philo. Ce soir Saint Augustin. De Trinitate. J'ai l'impression de tomber en enfance, je revois ma première année de catéchisme, tout cela est tellement naturel, tellement immédiat que j'en deviens perplexe. Je devrais faire une recherche, il devrait être possible de retrouver les pères blancs qui faisaient le catéchisme à Agadir. Je donnerais ma main à couper qu'ils étaient imprégnés d'augustinisme.

dimanche 4 novembre 2012

Encore

Encore un changement d'ordinateur. Depuis mars je travaillais sur deux portables, ayant reçu en cadeau un MacBook Air auquel je me suis beaucoup attachée: exactement la bonne taille pour mes mains, le bon poids pour mon sac, les bonnes dimensions pour la discrétion, le rêve. J'ai pris l'habitude de l'emmener partout, alors que l'autre a toujours été beaucoup plus fixe car plus lourd.
Les fichiers sur lesquels je travaillais étaient dans deux dropboxes synchronisées avec le portable principal qui conservait également mes photos et iTunes.

C'est fini, tout a été rapatrié sur le "petit" (dit bien évidemment "my precious") et le grand va être vendu. Il va falloir que je m'habitue à Lion. Je perds le compte des ordinateurs que j'ai eus, mais j'espère que celui-ci va durer (Je les use. Ils paraissent inusables, juste suceptibles d'obsolescence, mais je sais que je les use. Je les sens s'essouffler progressivement sous mes doigts, se mettre à souffler et perdre souffle.)

(Dans l'autre sens nous venons de remplacer le téléphone de la maison par un téléphone filaire: fatigués de courir après les récepteurs abandonnés dans les étages, fatigués des batteries déchargées, fatigués de mal entendre. J'ai réussi à trouver un câble RJ9 de cinq mètres, fil en spirale.)

samedi 3 novembre 2012

Skyfall

Un James Bond qui m'a beaucoup plu.
Normal, dit PZ, ce n'est pas un James Bond. Et effectivement, les Bourne sont passés par là, Skyfall est un film construit et non une suite de situations liées par un lien ténu. Recentrage sur les personnages, ce n'est plus le monde qu'on sauve, c'est M. qu'on juge. («Avez-vous médité sur vos péchés?») Mais toujours pour la gloire de l'Angleterre.

Un Bond psychanalytique et un méchant excellent.

Je veux voir Q à poil, je veux savoir si c'est un faux maigre.
(Et pour énerver James Bond (une colère toute intérieure), il suffit d'abîmer son Austin Martin.)

Le français a la cote, entre Looper qui commence en français (ou presque) et la mère de James Bond qui est française. Ça change d'il y a quelques années après la guerre d'Irak, quand le traître n'était plus allemand, mais français.

Tendance actuelle: les "vieux" n'ont pas envie de passer la main, ou tout au moins pas sans que la jeune génération rende hommage au travail accompli et reconnaisse que leurs méthodes ont/avaient parfois du bon.

vendredi 2 novembre 2012

Pont

Je fais semblant de me plaindre de devoir aller travailler, mais en réalité j'aime beaucoup ces jours de pont. Tout est calme, l'entreprise silencieuse, partout est assurée une permanence mais les gens ne sont pas débordés: jour idéal pour téléphoner et demander des explications sur des mécanismes et des processus mal maîtrisés, pour avancer sur des sujets un peu délicats.

jeudi 1 novembre 2012

Journée perdue

Très classiquement, rien fait de ce que j'aurais dû faire. Cela va devenir gênant.

Vu Un après-midi de chien (référence incompréhensible en français: "dog day", c'est le contraire d'un froid de canard, c'est une chaleur de chien (quelle expression en français?)) sur les conseils de Jack Krick rencontré à Philadelphie. Le visage poupin d'Al Pacino, la sueur ruisselant sur les acteurs. Mariage gay, mais oui (1972), et hold-up pour payer l'opération d'un transsexuel. On ne fait pas plus dans l'actualité.

Vu quelques minutes du premier Star Wars, mais qui ne ressemble plus du tout à mon souvenir, maintenant brillant et coloré sur un grand écran plat, à l'époque pixellisé et fumeux sur les murs du salon, cassette projetée via un énorme projecteur emprunté aux militaires (chut). Trop brillant, trop propre, trop parfait, rendez-moi mon vieux film!

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