Je suis arrivée très tôt à l'aéroport, par peur du surbooking (à la suite d'une erreur, je n'avais pas confirmé en ligne).
Tout s'est bien passé. J'ai passé ma journée à lire Auguste Valensin, à l'aéroport, dans l'avion, à l'aéroport.

Temps magnifique sur la partie de l'Europe que j'ai survolée, les montagnes des Vosges se devinent par les vallées, les Dolomites, molaires grises, sont impressionnantes. Peu avant Trieste, deux cours d'eau ont la couleur du sable (tant la couleur du sable qu'il faudra que je vérifie qu'il s'agit bien de cours d'eau quand j'aurais une connexion stable (voilà)). Ils s'élargissent en partant vers l'ouest alors que l'Adriatique est à deux pas. Bleu de l'Adriatique, îles de l'Adriatique (je songe aux souvenirs émerveillés de Paul Rivière), maisons éparpillées de la Grèce (Athènes compte cinq millions d'habitants, plus de la moitié de la population grecque).

La compagnie Aegean airline me ravit, elle fonctionne à l'ancienne: musique douce au décollage et à l'atterrissage, bonbon au décollage, hôtesses de l'air en bleu marine…
Je suis à côté d'une vieille Anglaise qui lit un roman d'amour sur une lectrice (c'est le mot, je crois?), elle me fait penser à Agatha Christie partant en Mésopotamie. L'avion a moins de charme, décidément. J'ai failli venir en car, pour le voyage. Mais il n'y avait pas de départ tous les jours, il fallait partir vendredi, j'ai renoncé — déjà que H. supporte mal cette absence. Je pars coupable.

Athènes, bus (réservé à notre groupe), centre Manrèse à Inoï (prononcé Inouï, les vignes). Ce qui me frappe à Athènes (l'aéroport, je n'ai rien vu d'Athènes), c'est le vent. Les cyprès penchés confirment qu'il doit être constant. Il fait bon. Nous roulons une heure dans la montagne — ce n'est pas loin, mais le bus est lent, la route étroite et en lacets. Je déchiffre à peu près naturellement les panneaux (je suis contente), mais ne distingue plus le gamma du lambda majuscules. (J'apprendrai plus tard que le B se prononce "v" et le "H" davantage "i" que "è"). Des oliviers, un quart de bâtiments qui tombent en ruines, un quart de maisons immobilisées au milieu de leur construction. Le reste est pimpant, repeint. Toujours le sud me frappe par ses teintes jaune et rouille. Terre rouge, oliviers, champs jaunes. Beaucoup d'oliviers, pas très hauts mais certains très gros, anciens. Nous sommes une cinquantaine, la plupart de mon âge ou plus, une poignée de vingt ans, une poignée de couples.

20 h. Apéritif (deux ou trois ouzo), repas sous le pin, quelques explications. Nous sommes répartis en groupes de six, à la fois pour le "service" (nous devrons aider à tour de rôle à servir et desservir, nous occuper de la vaisselle) et pour les discussions suite aux exposés des intervenants. Il ne faut jeter aucun papier dans les toilettes, les tuyaux sont trop étroits, il faut utiliser la poubelle. Ne pas gaspiller d'eau, douche courte.
Repas. Je suis à la même table que quelqu'un qui a terminé le cycle C l'année dernière. Nous avons des étiquettes avec nos prénoms, j'espère que chacun portera la sienne le plus longtemps possible durant la semaine, car associer têtes et noms me reste toujours aussi difficile.

Je découvre que certains ne dormiront pas sur place mais à l'hôtel à Villia, à une dizaine de kilomètres vers l'ouest. J'en fais partie. Je le regrette un peu (j'anticipais déjà les balades dans les collines), mais j'ai une chambre seule (je pensais être à deux), silencieuse, et le lit est excellent. Tant mieux, je vais pouvoir travailler (pensé-je en imaginant déjà des heures d'ordinateur et de courrier, tout en sachant très bien que je vais dormir — parce que je n'ai plus envie de tirer sur la machine).

Avant de me coucher je vérifie le wifi par acquis de conscience. Pour la première fois depuis que j'ai ce portable, il n'y a aucun réseau recensé autour de l'hôtel, rien n'apparaît dans la fenêtre "afficher les réseaux disponibles". Ce vide est une surprise et une curiosité.