Annette

En ouvrant ma boîte mail tard ce soir j'y ai trouvé une photo d'Annette.

J'avais huit ans, c'était mon premier automne en France, ma mère est entrée dans la salle de jeu au sous-sol de la maison que nous louions en attendant la construction de la nôtre et elle m'a dit: «Annette est morte.»

Je suppose qu'elle n'avait personne à qui le dire, personne à qui en parler.

Annette était notre voisine de la maison d'en face à In*ezgane. Son prestige tenait à ce qu'elle avait eu des jumeaux, de faux jumeaux. Son mari avait un nom alsacien. Ma mère critiquait beaucoup leur façon d'éduquer leurs enfants, de ne pas les éduquer, en somme. C'était les mêmes critiques qu'elle proférait à l'encontre de ma tante Marion: trop de joie et de fantaisie dans ces maisons pour que cela convienne à son austérité maternelle. (Mais elle devait avoir raison sur quelques points malgré tout, car je me souviens que le fils aîné, âgé de trois ou quatre ans, s'était très gravement brûlé le palais en mettant une prise électrique branchée dans la bouche.)

Annette est morte dans un accident de voiture, la poitrine défoncée par le volant. Sa petite fille est morte également. Je pense souvent à elle, chaque fois que je ne mets pas ma ceinture.

Le plus étonnant dans tout cela, c'est que la photo (ancienne, accompagnée d'une actuelle de la famille) a été transmise à ma mère par ma sœur, qui a retrouvé sur internet le fils aîné et a pris contact. Tout m'étonne: que ma sœur ait pris la peine de le chercher et de lui écrire, qu'il lui ait répondu, qu'elle ait pris la peine de transmettre les photos à maman.
Ma sœur avait six ans quand nous avons quitté le Maroc. De quoi se souvient-elle, qu'est ce qui lui est cher? Avait-elle des amis? Qu'est-ce qui l'a poussée à écrire? Autant de questions que je n'aurais jamais songé à poser.

Le dernier fils

Rencontre parents-profs.
O. m'avait dit que la prof de français ne l'aimait pas.
La vérité, c'est qu'elle a donné fin septembre un travail à faire en groupe. O. n'a rejoint aucun groupe et n'a rien fait. Est arrivé Noël et il n'avait pas rendu son devoir (la prof voulait une présentation originale (vidéos, etc) sur le thème des Lumières). La prof a accepté la rentrée comme dead line. O. n'a rien fait pendant les vacances, ne nous a parlé de rien.
Comme il a été malade, la prof lui laisse une dernière chance avant le zéro: rendre un travail sur l'Encyclopédie.
O. s'en fout. Si je n'avais pas été là ce soir, si je n'avais pas appris ces détails, je suppose qu'il n'aurait rien fait.
Je l'ai vu mentir, à la prof ou moi-même, en présence de l'autre qui pouvait démentir ce qu'il était en train d'affirmer.

Maintenant j'ai une présentation de L'Encyclopédie à préparer pour avant les vacances de février.

Livres lus en 2014

Même règle que l'année dernière : ne comptent que les livres lus du début à la fin. La date retenue est celle du jour de lecture de la dernière page. Je ne pourrai pas tenir un par semaine, j'aimerais atteindre deux par mois. J'ai déjà pris du retard.

- 27 janvier 2014 : fin du tome 1 d'Histoire de la philosophie occidentale de Bertrand Russel, 2012, Belles Lettres. A. Chevrier m'a dit que c'était un livre très connu en Chine.

- 19 février : Claude Mauriac, La terrasse de Malagar

- 19 février : Georges Chaulet, Fantômette et le trésor du pharaon.

- 1 mars : JK Rowling, Harry Potter und die Kammer des Schreckens

- 2 mars : JK Rowling, Harry Potter and the prisoner of Azhkaban. Le problème avec Harry Potter, c'est que ça fonctionne comme le chocolat: on se dit qu'on va manger un seul carreau, et on dévore la plaquette.

- 8 mars : Anne Wiazemski, Canines, parce que dans mes lectures à contraintes, il me fallait un Goncourt lycéen. Pas mon genre, envie de secouer l'héroïne en lui hurlant «mais réagis». L'auteur s'est-elle inspirée de moments de folie vécus, ou a-t-elle décrit des fantasmes?

-10 mars : Kleist, Penthésilée, traduit par Gracq. Langue magnifique dans sa simplicité. La tragédie du malentendu.

- 13 mars : Carole Martinez, Du domaine des Murmures. Je n'aurais jamais ouvert ça sans le club Sciences-Po. Ça se laisse lire, l'imitation d'un pseudo langage du Moyen-Âge est plaisante, surtout tenue si longtemps. Le livre se lit très vite, il est dispensable mais pas désagréable. (J'avoue que si je l'ai lu si vite, c'est que je n'avais pas envie de me replonger dans Descartes).

- 25 mars : J.K. Rowling, Une place à prendre. Très dispensable. Je suis déçue, j'espérais au moins le trait vif d'Agatha Christie. C'est nettement moins bon.

- 24 avril : Alfred Döblin, Voyage en Pologne.

- 28 avril : Mark Haddon, Le Bizarre Incident du chien pendant la nuit. Bien. Sur l'autisme.

- 29 avril : Thomas Berhardt, Béton.

- mai : Erich Maria Remarque, L'étincelle de vie. Sortir des camps et n'avoir nulle part ou aller, ne connaître plus personne. Ruine et désert (non ce n'est pas le sujet de livre. Mais j'ai pris conscience de cela en le lisant).

- juillet : Hervé Guibert, A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie.

- 16 juillet : Eugène Satitzakaya, Fou trop poli, Minuit, 2005.

- 30 juillet : Bernard Pouy, Samedi 14, poche Pocket 2014.

- 9 août : Dostoïevski, L'Idiot, poche publié en 1968.

- 18 août : Contes polonais traduits et adaptés par Agnieszka Macias, L'école des loisirs, 2007.

- 20 août : Pape François, Evangelii Gaudium, Exhortation apostolique en conclusion de l'année de la foi, 24 novembre 2013

- 21 août : San-Antonio, On t'enverra du monde, Fleuve noir, 1959. A. me l'a passé pour m'occuper sur le quai du RER (plutôt que Le Droit canonique : pas facile de prendre des notes debout). Premier San-A depuis une éternité. Pourrait servir d'illustration à un manuel sur les figures de style. J'avais complètement oublié l'intrigue (Berthe a disparu. No spoil.)

- 25 août : Claude Mauriac, Aimer de Gaulle Grasset, 1978.

- 31 août : Dominique Le Tourneau, Le Droit canonique, Que sais-je, 2002.

- 3 septembre : Lieutenant X, Langelot et les crocodiles, bibliothèque verte. Sur un coup de tête au petit déjeuner.

- 3 septembre : Joseph Brodsky, Vingt sonnets à Marie Stuart, Les Doigts dans la prose, 2012. Un livre important pour comprendre ce qu'est un parti pris en traduction.

- 4 septembre : Marie-Hélène Lafon, Album, Buchet-Chastel, 2012.

- 9 septembre : Jon Kabat-Zinn, Là où tu vas, tu es, JC Lattès, 2012. Seconde lecture. Pas arrêtée par les mêmes passages que la première fois.

- 13 septembre : Mikhaïl Boulgakov, Récits d'un jeune médecin, Seuil. Bizarrement, certaines phrases, certains passages, m'évoquent la musique de Lettres de mon moulin. Le détachement de soi et l'intimité, je suppose, le récit anecdotique à la portée universelle. Et le ton, mais c'est peut-être dû à la traduction. Quelques incohérences dans l'utilisation des temps qui n'ont pas été "lissés" (application des règles de concordance), peut-être pour rendre le texte original.

- 19 septembre, Karl Löwith, Max Weber et Karl Marx, Payot 2009 (1932)

- 23 septembre, collectif, Un été avec Proust, éditions des Equateurs 2014. Emprunté lors du dernier "dîner littéraire". De bonnes analyses pour poser des jalons, amour déçu, attente, désir, possession, qui me fait comprendre pourquoi je n'aime pas Proust et pourquoi, au-delà des thèmes traités, il est incontournable et irrésistible (et ce que j'aime chez Proust, c'est vraiment sa phrase, ses mots, sa syntaxe, sa musique).

- 25 septembre, Tabish Khair, How to fight Islamic Terror from the Missionary Position, Interlin Books, 2014. Drôle puis mélancolique. Un peu surprise que Guillaume m'envoie ça. De la difficulté de s'intégrer, du danger de s'intégrer.

- 8 octobre, Ryszard Kapuscinski, Le Shah, 1982, Champs Flammarion 2010

- 9 octobre, Friedrich Schiller, Marie Stuart, L'Arche, 1998. Je l'avais commencé début septembre, prêté avant de l'avoir fini. Je l'ai récupéré hier.

- 25 octobre, Charles Palliser, L'héritage de John Huffman, Phébus, 1990

- 26 octobre, Charles Palliser, Les faubourgs de l'enfer et Le destin de Mary, Phébus, 1990

- 28 octobre, Charles Palliser, La clé introuvable et Le secret des cinq roses, Phébus, 1990

- 1 novembre, Miljenko Jergović, Sarajevo Marlboro, eds archipelago books 2004

- 6 novembre, Claude Mauriac, La marquise sortit à cinq heures, Albin Michel 1961

- 6 novembre, Jack Kerouac, Satori à Paris, Folio (original 1966, Gallimard 1971)

- 7 novembre, Antoni Casas Ros, Lento, 2014, Christophe Lucquin éditeur

- 21 novembre, Patrick Modiano, Dora Bruder, 1997, Gallimard

- 24 novembre, Patrick Modiano, Livret de famille, 1977, Folio

- 25 novembre, Florence Aubenas, En France, 2014, édition de l'Olivier

- 3 décembre, Daniel Ferrer, Logiques du brouillon, 2011, Seuil. Deuxième lecture.

- 5 décembre, Patrick de Laubier, Mendiants de Dieu, 2013, Seuil. Parole et Silence

A - 9 décembre, Honoré de Balzac, Une ténébreuse affaire, 1841

A - 10 décembre, Honoré de Balzac, Le curé de Tours, 1832

- 19 décembre, Epître aux Colossiens

- 22 décembre, Eric Metaxas, Bonhoeffer, pasteur, martyr, prophète, espion, 2014, éd Première Partie (2010 aux Etats-Unis)

- 27 décembre, Emmanuel Carrère, Le détroit de Behring, 1986, P.O.L

- 29 décembre, Patrick Modiano, Quartier perdu, 1984, Gallimard, collection blanche

A - 31 décembre, Honoré de Balzac, La fille aux yeux d'or, 1835. Il m'a fallu un long moment pour comprendre ce qui avait vexé Henri de Morsay. Le début est bon pour dégoûter de Balzac n'importe quel adolescent.

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