Ce sont réellement leurs prénoms, ou du moins ceux que j'ai toujours entendus, même si je suppose que cela doit cacher un Charles et un Robert. Chip est le mari de Ruth, Bob de Jane et Tom de Lucy. Elles sont sœurs, ils sont beaux-frères.

Ils viennent de passer trois semaines en France sur les champs de la bataille de la Grande Guerre. Ils doivent rentrer samedi aux Etats-Unis — si Air France les y autorise (j'ai un peu honte).
Nous devions les voir avant leur départ, nous les avons invités au Bouillon Racine. Inévitablement ils prennent du foie gras. Je n'ai jamais rencontré d'étranger partageant aussi naturellement les valeurs de douceur de vivre et de gastronomie françaises que Chip. C'est un plaisir de lui conseiller de prendre son petit déjeuner en terrasse aux Deux Magots (qu'il voulait absolument voir) à huit heures du matin au mois d'août pour sentir le vrai Paris s'étirer au réveil ou de lui faire prendre "des risques", comme manger du confit de canard, par exemple… (je sais, je sais… il garde un souvenir impérissable de la fois, il y a bien lontemps, où je l'ai convaincu d'essayer une viande autre que le poulet ou le bœuf, soit le fameux confit de canard. Je suis heureuse de les avoir invités, lui et Ruth, au pub Renault du temps où c'était encore le pub Renault, avec compartiments de train et service par un maître d'hôtel (conversation en commentant le décor Art déco du Bouillon Racine: je lui apprends que le pub Renault tel qu'il l'a connu n'existe plus)).
Cette fois-ci je l'entraîne à manger une canette aux griottes, ce qui est plus exotique. Notons au passage que je découvre qu'aucun des trois ne sait que la viande de porc doit toujours être très bien cuite, pour éviter d'attrapper des parasites (ils s'attendaient à ce qu'on leur demande "quelle cuisson?" pour cette viande-là aussi).

Nous discutons presque à bâtons rompus, pas si simple en anglais avec notre accent, la fatigue et le bruit. En quittant le restaurant, détour pour voir la Sorbonne .

La France, son vin, ses fromages, ses grèves (je leur cite Bruce Willis John Malkovich dans Red 2, «Vous venez souvent à Paris à cette époque? — Oui, pour la pluie et les grèves», ils rient). J'espère tout de même qu'ils n'auront pas trop de problèmes pour rentrer chez eux.