Premier entraînement ensemble. A ma grande confusion, je m'aperçois que dans mon obsession de "faire un bateau de filles", j'avais lu Stéphanie pour Stéphane.
Le bateau avance bien. Son point faible risque d'être son barreur, un rameur de peu d'expérience qui ne semble pas se rendre compte que son poste est extrêmement important, d'autant que nous aurons deux virages serrés à accomplir. Il y aura également des décisions à prendre, choisir le chemin le plus court sans gêner les autres bateaux ou les mettre en danger… Notre barreur, que je n'avais jamais vu, paraît inconscient de ses responsabilités. Nous ne sommes pas sûrs non plus qu'il ait compris qu'il ne ramerait pas le jour de la course… Tout cela est embarrassant.

Demain, ayant catéchisme, j'ai demandé à nous entraîner tôt, dès huit heures, de façon à être revenue à Yerres à onze heures. C'est un sacrifice pour Stéphane qui travaille en équipe très tôt le matin en semaine (quatre heures, cinq heures du matin). Le barreur ne pourra pas être là, je pense à O. et m'engage à amener un barreur.

Sur le chemin aller, retour, j'écoute des podcasts, «une vie, une œuvre». Quand je connais l'auteur (Boulgakov, Faulkner) je n'apprends pas grand chose mais les nombreux extraits lus sont agréables, quand je ne connais pas l'auteur cela devient un formidable attiseur de curiosité. Ce matin, Ingeboch Bachmann, dont le nom ne m'évoque que sa mort (brûlée vive) et Une visite à Klagenfurt, livre feuilleté maintes fois sans jamais avoir été vraiment lu. Il me semble me souvenir qu'elle détestait sa ville et ne voulait pas y revenir — et qu'on l'y a enterrée (à vérifier). Berhnard, Bachmann, quelle détestation de l'Autriche. Pourra-t-on passer à Klagenfurt et devant la maison de Berhnard cet été? Est-ce deux points éloignés, séparés par des montagnes difficiles? Je me pencherai sur cela en mai.

O. ne montre aucun enthousiasme à se lever à six heures et demie pour barrer et me suggère de téléphoner à C. qui à ma grande surprise accepte aussitôt (mais après tout c'est le plus sportif de la famille) — ce qui suppose qu'il vienne dormir à la maison pour être à l'heure demain — tout en ajoutant au moment de raccrocher: «dis à O. de m'appeler s'il a des remords». Il avait raison, O. a des remords, il barrera. C. viendra malgré tout demain, pour déjeuner.

Je fainéante toute l'après-midi (je fais avec les tâches et l'étendue de temps disponible devant moi ce que faisait Pierrette avec son pot au lait) et ce n'est que vers le soir que j'envoie les sms aux parents pour leur rappeler le catéchisme (il faut dire que je n'ai pas envie d'envoyer ce sms, je ne le fais qu'à la demande d'Anne, l'animatrice de l'équipe (qui se désole que ses mails et sms ne soient pas lus davantage): je considère que les parents sont adultes et responsables, c'est à eux de tenir leur agenda). C'est alors que patatras: je reçois le coup de fil inquiet d'un parent qui ne comprend plus: j'ai indiqué onze heures, Anne a indiqué neuf heures demain matin, quelle est heure du rendez-vous?
Aaarghh, que se passe-t-il? J'appelle Anne, c'est bien neuf heures, elle veut faire écrire une prière universelle aux enfants.
Aaarghh bis, je déteste cela deux fois, écrire une prière universelle et la faire écrire par des enfants, c'est toujours l'animateur qui s'y colle, c'est totalement artificiel.
Aaarghh ter, et mon aviron, mais ce n'est pas possible! j'ai obligé quatre personnes à se lever aux aurores pour rien: car si c'est à neuf heures, soit j'annulais le catéchisme, soit j'annulais l'entraînement, il était impossible de faire les deux.
Très remontée, j'appelle Anne, nous comptons les enfants, beaucoup d'absents, elle me dit qu'elle les prendra dans son groupe, qu'elle prendra à la fois ce qui viendront à neuf heures et ceux qui viendront à onze heures. Je me sens très mal, sentiment de trahison par rapport aux enfants, sentiment de tromperie par rapport à Stéphane, culpabilité par rapport à Anne qui va me remplacer — et deux fois. Je lui dis de m'appeler quand elle change quelque chose, que je n'étais pas au courant; je suis très vive à mon habitude, je sens ma vivacité, ma fébrilité, et j'ai honte face à sa douceur tandis que je parle. Comment puis-je ne pas être plus tranquille, de toute façon c'est trop tard — et inconciliable. (Hervé me dit: "mais c'est toi qui rends service, tu n'as pas à t'excuser", ce qui ne fait qu'accroître mon malaise: comment expliquer cette impression radicale de manquer à sa parole, ce que je me suis reproché si souvent que je ne le supporte plus?)
Pour mettre le comble à ma culpabilité, je m'aperçois vers minuit qu'elle m'a écrit le 8 mars, j'aurais dû être au courant — je n'avais pas regardé mes mails depuis le 7. Je dors très mal.

(C'est dommage, la dernière fois j'ai terminé en catastrophe, je voulais revoir la période du Carême, leur parler des trois piliers de la foi, l'aumône, le jeûne, la prière (qui nous vient directement des juifs et qui est repris tel quel par les musulmans): ne jamais séparer le jeûne (le Carême) de l'aumône, il ne s'agit pas de s'affamer pour être vertueux, il s'agit surtout de se solidariser avec les plus pauvres.)