Vendredi soir 24 décembre, vers cinq heures du soir.

Abrutie par une à deux heures de conduite dans des conditions épouvantables (50 à 70 km/heure entre Pontarlier et la frontière suisse derrière des automobilistes plus que prudents, pluie gelant sur le pare-brise, impossible à chasser avec les essuie-glaces, nuit tombant), j'interprète mal le geste de la douanière suisse qui souhaite que je m'arrête et j'avance. Mécontente, elle nous fait signe de nous garer:
? On s'arrête quand un douanier demande de s'arrêter.
Nous n'essayons même pas de nous expliquer.

Elle est jeune, blonde et pas contente. Elle demande à voir le coffre. H. descend.
? Vous avez de l'alcool ?
? Oui, deux bouteilles de champagne, nous allons fêter Noël avec notre fils. Ah, et deux bouteilles de rouge, nous venons de Beaune.
? Et là-dedans?
? Ce sont des bouteilles de jus de fruit.
? Ouvrez !
H. s'exécute. Ce sont des bouteilles de jus de fruit achetées le matin même à un producteur au marché de Beaune.
? Vous avez de la viande?
? Du foie gras. (H. montre. Je suis au volant, nous suivons les gestes au bruit. Je pense que devant l'innocence de notre coffre, avec ses deux valises et ses cadeaux de Noël soigneusement enveloppés, la jeune douanière commence à regretter de nous avoir arrêtés.)
? Pas de viande rouge ?
? Non.
? Et ces herbes, qu'est-ce que c'est ?
? Du persil, et des mandarines, nous sommes passés au marché ce matin.

In petto, j'admire le sang-froid de H., qui n'a mis aucune ironie dans sa réponse. La douanière nous laisse repartir.



Ce n'est que deux jours plus tard, en racontant l'incident, que nous découvrirons que le sang-froid de H. n'avait rien de méritoire: l'allusion à l'herbe lui avait totalement échappé (et nous avions des champignons: cèpes et champignons de Paris...)

Si la douanière ne s'était pas laissée entraîner par son mécontentement et s'était contentée d'appliquer les règles de base de son métier, elle aurait eu de quoi nous refouler en France: nous avions oublié les papiers d'identité des enfants. Elle ne nous les a pas demandés.