Alice du fromage

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Billets pour la catégorie 2006 :

samedi 30 septembre 2006

Les gommes

J'ai tendance à dire un petit peu trop ce que je pense (trop vite, trop tôt, problème de timing davantage que de fond (parce qu'après tout, le fond, hein, autant savoir à quoi s'en tenir)), et je suis heureuse d'avoir des amies qui me battent sur ce terrain.

J'aime beaucoup le très sobre «Non merci, je ne bois que de l'excellent vin» de A., refusant par ces mots un verre lors d'un dîner chez des amis. (Elle voulait dire, bien sûr, qu'elle ne faisait d'exception à sa sobriété coutumière que si une bouteille rare attisait sa curiosité.)

Le récit de Matoo m'a rappelé Florence. Nous avons quelques années d'écart, et tandis qu'elle passait ses premiers entretiens d'embauche, j'avais déjà un peu d'expérience et savais que lorsqu'on a vraiment besoin de travailler, il vaut mieux fermer sa gu…

Elle avait passé plusieurs entretiens dans de grandes banques pour travailler à l'international, et elle jugeait froidement les méthodes quelquefois puériles des recruteurs. Ce jugement, elle l'exprimait devant moi, mais également en entretien, ce qui était plus risqué.
Un jour, elle s'emballa devant un recruteur :
— Tout de même, ces tests, c'est n'importe quoi! De la graphologie à l'astrologie, les entreprises ne savent plus quoi inventer. Il y a même une banque — c'est arrivé à une amie — qui demande de raconter la vie d'une gomme !
— Oui, Mademoiselle, c'est nous, et j'allais vous le demander, répondit le recruteur penaud.

mercredi 27 septembre 2006

Transes

Je viens de terminer trois jours de "formation", sur un sujet tellement pipeau que je n'ose l'évoquer ici (de l'art de perdre son temps et d'enfoncer les portes ouvertes).
Mais bon, un animateur, six autres cobayes, chacun extrêmement poli, courtois, aimable, et même intéressant, quand il parlait de son expérience et non du sujet du stage.

Le problème, c'est que je dors. Si j'aime My own private Idaho, c'est aussi à cause des catalepsies du héros. Dès que j'arrête de bouger, de parler, de m'activer, je dors. J'ai parfois l'impression d'ouvrir la fenêtre et de planer comme le personnage de Folon, d'autres fois de tomber dans un puits, mais dans tous les cas, je m'évade du réel, je suis ailleurs.
Ce n'est pas de la rêverie, je dors réellement, si je garde les yeux ouverts (dans un ultime sursaut de politesse, comme durant ces trois jours), ils se révulsent, ils deviennent blancs (j'ai recueilli des témoignages), je peux ronfler (horreur et malédiction), je peux tomber (debout dans un train, c'est arrivé une fois). Je peux dormir en marchant, j'ai un témoin, il m'a rattrapée alors que je partais dans le fossé (marche de nuit, Paris-Mantes, 52 ou 54 km je ne sais plus).

Imaginez le supplice pendant trois jours, sept dans une salle, les tables en U, moi presque en face de l'animateur. Je lutte comme je peux, je me mords les doigts, je m'assois à l'extrême bord de ma chaise, je m'agite (on dirait que j'ai six ans). Et je dors.
Si ce n'était le fait que ce n'est absolument pas prévu par la vie sociale, j'adore ça.
Je ne tombe pas dans le sommeil, mais immédiatement dans le rêve, et pas dans un rêve léger qui mélangerait songe et réalité, comme dans les périodes d'endormissement ou de réveil : non, un rêve très lourd, épais, insaisissable, un autre monde, dont je ne me souviens pas et qui ne laisse ses marques que sur mon humeur : tristesse, colère, désespoir, apaisement, silence, calme, solitude (jamais joie ou rire).
Comme durant ces trois jours je lisais par ailleurs Roland furieux, mes rêves me laissaient une impression d'étoffes riches, de velours rouge sombre et de galop de chevaux, de fuites et poursuites dans les forêts, quand j'émergeais entre deux transparents powerpoint, entre deux phrases…

Est-ce que cela se voit, est-ce que cela s'est vu ? Un peu, beaucoup ? Comme c'est malgré tout très gênant et irrépressible, je préviens en riant, sans insister, au premier déjeuner pris ensemble : «Oh là là, je vais encore dormir cette après-midi !»
Sourires polis et bienveillants.
Je croise des regards l'après-midi, un visage qui mime l'endormissement en souriant : bon, donc je viens de dormir et cela s'est vu. Car je n'ai aucun moyen de savoir moi-même ce qui se passe, ce que je fais, combien de temps ça dure, quelques secondes, une, dix, trente? Plus? (Non, ce n'est pas possible que ce soit plus. Ou bien si?)

J'ai lu un jour qu'il fallait sept minutes pour s'endormir. Je pense pouvoir m'endormir en trente secondes, une minute.

C'est tout de même très gênant. J'espère ne pas avoir été trop impolie, j'espère que mon impression d'avoir passé des heures entières à lutter contre le sommeil est fausse, que ce n'était que quelques minutes et que mon embarras me fait gonfler ces minutes.
Mais je ne peux en être sûre.

lundi 18 septembre 2006

Who rules China ?

En faisant un peu de ménage dans ma messagerie ce matin, je retrouve ce dialogue, reçu en novembre 2002.

We take you now to the Oval Office.

George: Condi! Nice to see you. What's happening?
Condi: Sir, I have the report here about the new leader of China.
George: Great. Lay it on me.
Condi: Hu is the new leader of China.
George: That's what I want to know.
Condi: That's what I'm telling you.
George: That's what I'm asking you. Who is the new leader of China?
Condi: Yes.
George: I mean the fellow's name.
Condi: Hu.
George: The guy in China.
Condi: Hu.
George: The new leader of China.
Condi: Hu.
George: The Chinaman!
Condi: Hu is leading China.
George: Now whaddya' asking me for?
Condi: I'm telling you Hu is leading China.
George: Well, I'm asking you. Who is leading China?
Condi: That's the man's name.
George: That's who's name?
Condi: Yes.
George: Will you or will you not tell me the name of the new leader of China?
Condi: Yes, sir.
George: Yassir? Yassir Arafat is in China? I thought he was in the Middle East.
Condi: That's correct.
George: Then who is in China?
Condi: Yes, sir.
George: Yassir is in China?
Condi: No, sir.
George: Then who is?
Condi: Yes, sir.
George: Yassir?
Condi: No, sir.
George: Look, Condi. I need to know the name of the new leader of China. Get me the Secretary General of the U.N. on the phone.
Condi: Kofi?
George: No, thanks.
Condi: You want Kofi?
George: No.
Condi: You don't want Kofi.
George: No. But now that you mention it, I could use a glass of milk. And then get me the U.N.
Condi: Yes, sir.
George: Not Yassir! The guy at the U.N.
Condi: Kofi?
George: Milk! Will you please make the call?
Condi: And call who?
George: Who is the guy at the U.N?
Condi: Hu is the guy in China.
George: Will you stay out of China?!
Condi: Yes, sir.
George: And stay out of the Middle East! Just get me the guy at the U.N.
Condi: Kofi.
George: All right! With cream and two sugars. Now get on the phone.

(Condi picks up the phone.)
Condi: Rice, here. George: Rice? Good idea. And a couple of egg rolls, too. Maybe we should send some to the guy in China. And the Middle East. Can you get Chinese food in the Middle East?

dimanche 17 septembre 2006

Lucia di Lammermoor

La mise en scène est terrifiante ou stupide, si la chanteuse s'en sort sans une entorse ou une fracture avant la fin des représentations, ce sera un miracle.
Elle chante magnifiquement, pourquoi lui demander de courir, de traîner des cordes, de faire de la poutre? C'est un test, une épreuve pour Intervilles?
Heureusement, elle chante magnifiquement, et l'on finit par oublier tout le reste.

J'ai pleuré comme une Madeleine.


(— Mais c'est idiot, elle n'avait qu'à se sauver et à épouser qui elle voulait.
— Ma chérie, les tragédies sont toujours très bêtes, il suffirait de ne pas se préoccuper de son devoir, de sa famille ou de sa patrie, pour qu'il n'y ait pas de tragédie. C'est d'ailleurs pour cela qu'il n'y a plus de tragédie. Tu comprends?
Elle n'a pas l'air convaincue.)


ajout le 14 décembre 2009
Trois ans plus tard, mon fils se souvient surtout que je me suis exclamée à un moment de la mise en scène: «Mais ils forniquent dans la brouette!»

lundi 11 septembre 2006

A la mémoire de D.

Cela s'est presque passé comme pour tout le monde. Je décrochai le téléphone qui sonnait et dit à H. :
— Ne dis rien, je sais ce qui se passe.
— Hein ? Mais comment es-tu au courant ?
— Tu plaisantes, tout le monde est au courant.
— Tu sais que le frère d'E. est mort ?

D. avait fait une crise cardiaque en février. Il est mort en septembre, à trente-six ans, sans être sorti du coma. C'était le frère vrai jumeau de notre ami E., chez qui nous passons souvent une semaine l'été, dans le Dauphiné.

Un soir que nous discutions des différences et ressemblances entre vrais jumeaux, E. nous livra l'observation suivante : « Nous n'avions pas forcément le mêmes goûts. Par exemple, il arrivait souvent qu'on soit d'avis opposé sur un film; mais lorsqu'on étudiait ce qui nous faisait l'aimer ou le détester, on s'apercevait que c'étaient les mêmes raisons qui nous menaient à des conclusions différentes. »
Et il conclut : « Nous sommes bien plus prédéterminés que nous le pensons.»


Laissez-moi vous confier le soulagement de voir E. revenir, cette année seulement, lentement, à une vie normale.

mercredi 6 septembre 2006

Les mots en f

J'aime les mots en f : farfelu, frivole, frivolité, frimousse, frisé, folie, fantôme, fiction, fumée, fumeux, faribole, fable, fabliau, fascinant, fascination, fronce, froncé, futile, futon, fuligineuse, farouche, féroce, furieux, flamboyant, fleuve, fil, fiole, flacon, flammèche, flemme, farine, fastigié, fabuleux, fatigué, famélique, frêle, fragile, foutaise, foudre, foudroyant, firmament.

PS1 - petit plaisir
La Slovénie adoptera l'euro en janvier prochain. (Devant mon air sincèrement heureux, ma collègue a éclaté de rire. Je suis une incomprise.)

PS2 - grand soulagement
Après huit heures d'opération à cœur ouvert, JM va bien. J'ai une furieuse envie de lui passer un savon pour nous avoir fait aussi peur.

lundi 4 septembre 2006

Mumm n'a pas besoin de Prince Albert

Le dernier commentaire en date de Mumm sur ce blog fait référence à ce billet.

Je vais donc dévoiler un moment fort de cette soirée dont j'avais soigneusement donné une image si sérieuse.


Ce soir-là, Mumm, Livy et moi allâmes dîner dans une brasserie en face de la fontaine Saint-Michel. Je ne sais plus très bien comment nous en sommes arrivés là (je rappelle que c'était la première fois que je rencontrais Mumm et Livy, et que si Mumm était une vieille fréquentation internautique, je ne connaissais de Livy que son sourire), peut-être avons-nous évoqué l'un des derniers billets de Mumm qui parlait de son goût pour la vaisselle. Quoi qu'il en soit, je me retrouvai à raconter une histoire drôle, une histoire en fait moyennement drôle qui me fait surtout rire à cause des circonstances dans lesquelles je l'ai entendue, ce qui fait qu'il me faut raconter et l'histoire et les circonstances, ce qui rend le récit si laborieux qu'à la fin ce n'est plus drôle du tout.

Néanmoins, ne reculant devant rien, je me lançai :
«Ça me rappelle une histoire drôle qu'on a raconté à table un jour qu'étaient présents de nombreux copains. C'est deux petits vieux qui discutent : «Et toi, tu fais ça encore souvent?
«— Bah oui, la Marie, el' m'empoigne la zigounette une fois par jour.
«— Wouaouh, une fois par jour !?
«— Ben oui. Je me mets sur le lit, elle la prend, elle la lâche, si ma zigounette tombe à droite je fais la vaisselle, si elle tombe à gauche, c'est Marie qui fait la vaisselle.
On s'est tous mis à rire poliment, sauf une copine qui a demandé avec beaucoup d'innocence: «Je ne comprends pas ce qu'il y a de drôle»; avec tant de naïveté que nous avons éclaté de rire en nous exclamant en c?ur : «Ça tombe toujours du même côté!», laissant la copine rouge de confusion.»

C'est alors que Mumm déclara :
— Pas moi.
— Hein?
— Pas moi. La mienne est au milieu. Je n'ai jamais compris ces histoires de porter à droite ou à gauche.

Plus tard, Livy suggéra un moyen de vérifier si la bite de Mumm était vraiment au milieu et elle se leva pour aller aux toilettes. Je me souviens du mouvement de recul de Mumm, et de l'éclat de rire de Livy : «Mais non, je ne veux pas vérifier ni moi-même ni maintenant». En face d'eux, j'étais morte de rire (intérieurement) et incrédule : pas mal pour une première rencontre.


(Incidemment, ceci est mon centième billet en ligne.)

samedi 2 septembre 2006

Harcèlement sexuel

Je sors du métro, station Madeleine, rue Tronchet.
En arrivant en haut des escaliers, je remarque deux jeunes femmes qui s'insurgent, un certain émoi autour de moi, des yeux posés sur moi. Je m'informe:
— Que se passe-t-il?
— Vous n'avez pas vu? Un homme qui regardait sous votre jupe.
Je me retourne. Je vois un dos qui descend l'escalier.
— Celui-là? (Prête à redescendre pour le regarder dans les yeux, histoire de voir. Toujours curieuse de voir les gens en face, leur courage ou leur dérobade.)
— Non, un noir, il s'est presque couché sur les marches.
Je ne comprends pas vraiment, tout cela me paraît improbable (pourquoi moi? ce n'est pas moi que je choisirais pour ce genre de sport), trop bu, pensée lente. Je remarque:
— Il n'a pas dû voir grand chose avec la forme de ma robe.
Je m'éloigne.

C'est drôle, cela m'est indifférent (plus exactement, je m'en fous). Il y a quelques années, j'aurais été furieuse et je me serais sentie humiliée. Aujourd'hui, ce serait plutôt du mépris. Tout ce que j'arrive à faire, c'est à penser à Skot (vous bloguez trop quand…). D'après Zvezdo, c'est un honnête père de famille (Bon. Toutes choses égales par ailleurs, je suppose). Il serait bien attrapé si certains venaient à pratiquer ce qu'il prose voir le 19 juillet.

Et je me dis que cela fait un sujet de billet, rien ne se perd.

vendredi 1 septembre 2006

Il ne faut pas confondre

— Il m'a insultée, il m'a traitée de crétine!
— Non, ce n'est pas cela une insulte. Il y a très peu d'insultes, con, connard, salaud, salope, c'est à peu près tout.
— Mais qu'est-ce que c'est, "crétin"? C'est quoi la différence avec une insulte?
— "Crétin", c'est une opinion. Une insulte, c'est vulgaire et grossier. Il ne faut pas insulter, car quand tu insultes, tu prouves que tu ne sais plus quoi dire, que tu as perdu. Il faut surprendre l'autre, utiliser des mots auxquels il ne s'attend pas ou se moquer de lui. Tu peux le traiter de chameau, par exemple. Pour t'entraîner, tu peux utiliser le vocabulaine du capitaine Haddock.
— Marin d'eau douce, flibustier!
— Tu sais ce que c'est, un flibustier?
— Non.
— C'est un pirate ou un corsaire. Tu sais ce que c'est, un corsaire?
— Oui, c'est ça, répond-elle en promenant les mains le long de son buste.
— Non, ça, c'est un corset.
Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.