Billets qui ont 'Amsterdam' comme ville.

Projets indécis

35 à 40 degrés en Italie, paraît-il. H. s'était chargé d'organiser les vacances et avait prévu de descendre toute la botte, mais il hésite de plus en plus devant les températures annoncées.
Je contre-propose Tallin. Après tout, nous ne savons pas combien de temps les pays baltes vont rester accessibles. Tarente ou Tallin, cela se décidera au dernier moment, le 15 août.

— Ah mais… Est-ce que l'Estonie fait partie de l'espace Schengen? Je risque d'avoir un problème.
— Comment ça?
— Mon passeport n'est pas à jour.
— Comment ça? Ni ta carte d'identité ni ton passeport ne sont valides? Tu m'as regardée faire refaire mon passeport en janvier sans réagir?

Comment peut-on s'en fiche à ce point-là? Cela vaut-il la peine de quitter la maison dans ces conditions d'indifférence, d'imprévoyance? Je dissimule mon découragement:
— Bon ben on suivra les frontières et on entrera là où on nous laissera passer.

============

Laura est venue pour la journée. Il y a longtemps que j'aurais dû l'inviter; là, c'est presque trop tard: dans une semaine nous partons en vacances et en septembre elle s'installe à Bourges. Elle a pour projet d'aller en février prochain rendre visite à sa sœur installée en Australie et d'y rester plusieurs mois. Il paraît que l'Australie permet facilement de travailler sur place mais est stricte sur ses lois migratoires.

Elle nous raconte la vie l'hiver dans un village de l'Ariège: «Mes parents habitent sur la place au-dessus du café. Tous les cafés sont fermés l'hiver sauf un mais personne n'y va parce qu'ils n'aiment pas le patron. Alors les gens vont chez mes parents. Ils toquent et ils entrent. C'est infernal, il y a tout le temps du monde et on n'arrive pas à s'en débarrasser. Ils s'installent.»
Ça me fait rire. J'imagine si bien. La vie de village regrettée par les romantiques.

Le soir O et Y passent chercher leur chatte. Ils nous racontent Madère (Ronaldo y a fait construire un aéroport qui paraît infernal pour les habitants, les avocatiers sont de grands arbres, les mangues pendent au bout de looongs fils nus et il ne reste qu'à les saisir) et Amsterdam (un restaurant spécialisé dans la cuisine à l'ail, un loueur de vélos très confiant et la boue divine ou céleste qui vend de la mousse au chocolat).
Ils racontent deux expériences de lieux encore dans les guides de voyage mais déserts depuis le covid: une place renommée pour sa vannerie à Madère et une galerie marchande à Amsterdam. Cela paraît les avoir beaucoup impressionnés.

En compagnie des nuages

Trois heures du matin le 25 juillet. Est-ce avoir écouté vers le soir une tranche de bifteck et la biographie de Jules Verne ou être dans un hôtel confortable, sympatique, infiniment silencieux et avec wifi ou la perspective de bientôt rentrer qui vient de me réveiller ? Nous avons fini notre voyage vers l'ouest, il va falloir plonger vers le sud, fermer la boucle, rentrer, et je n'en ai pas du tout envie.

Longue journée de conduite aujourd'hui.

Nous quittons l'auberge de jeunesse sans autre péripétie, direction Bargfeld, la maison d'Arno Schmidt (c'est la raison pour laquelle nous nous sommes arrêtés à Celle : le plus gros bourg alentour de Bargfeld). A Bargfeld, quelques minutes d'hésitation : le village est petit mais il y a malgré tout deux ou trois rues ou routes bordées de maison en briques rouges foncées. Les photos sur internet n'indiquent pas vraiment d'adresse. Je ne suis pas parvenue à comprendre si la fondation Arno Schmidt était installée dans la maison de l'écrivain ou ailleurs.
Nous trouvons facilement la fondation, au bout de l'une des rues de Bargfeld. Une plaque de cuivre précise que pour visiter il faut prendre rendez-vous et donne un numéro de téléphone, mais je ne me vois pas téléphoner en allemand pour demander à visiter une exposition sur l'Allemand le plus difficile à lire du XXe siècle alors que je n'en maîtrise pas la langue.
Le portillon est ouvert, nous décidons d'entrer, en tongs dans la rosée du jardin net et entretenu. Nous tournons l'angle de la maison. C'est alors que j'aperçois par la porte-fenêtre un homme en train de travailler sur un ordinateur. Nous rebroussons précipitamment chemin.

Nous logeons la clôture. La maison bleue est là, derrière, à travers les pins, le toit rongé de mousse. Elle est petite et haute. Le portail délabré est fermé par un canedas, au fond du jardin se trouve un cabanon gris presque aussi grand que la maison mais sans étage. Il n'y a rien après la propriété, un champ, des vaches (barrière électrifiée : aucune chance d'entrer par là).
Sans doute aurait-il suffit de sonner puisqu'il y avait quelqu'un. Je n'y ai pas vraiment pensé, je n'en ai pas vraiment eu envie. Je voulais voir la maison, les champs, le village, la région, la hauteur du ciel. Schmidt a été très pauvre toute sa vie, une vie bien plus difficile que celle de ce râleur de Thomas Bernhard, et sa maison est discrète, timide, derrière celle pimpante de la fondation. Ici nous sommes très loin du monde même si le village est actif, vivant, net. Comment était-il entre 1950 et 1970 ? Peut-être différent d'allure mais sans doute dans le même esprit.

Nous reprenons la route, Waze annonce huit heures de trajet jusqu'à Amsterdam si nous ne prenons pas l'autoroute. Il fait beau, frais, le paysage est à la fois homogène (bouleaux, champs, maisons de briques rouges) et varié. Nous écoutons la suite des aventures de Jack London. La pluie se met à tomber drue, le reste de la journée sera sous les averses. Kebab à Sulinger. Un instant je songe à pousser jusqu'à Brême mais la pluie m'en dissuade : le cœur n'y est pas.

La journée se poursuit, fatigante à rouler sans interruption. Bruit sec, caillou dans le pare-brise, éclat. Zut. Vaut-il mieux changer le pare-brise avant de rendre la voiture ou rendre la voiture ainsi et laisser le concessionnaire le changer à moindre prix (puisqu'il est concessionnaire) mais cependant nous le facturer au prix fort ? Nous écoutons quelques «pages arrachées à Chantal Thomas » pour m'apercevoir que je déteste ce genre, le genre libertinage XVIIIe siècle, qui me paraît toujours du Gérard de Villiers pour dîners en ville (autrement dit, du cul que les intellectuels peuvent reconnaître qu'ils lisent, alors qu'ils ne reconnaîtront pas lire Gérard de Villiers). Ça m'ennuie et me dégoûte, sans compter que lorsque c'est écrit par une femme, ces histoires de dépucelage par Louis XV (Le testament d'Olympe) me font penser à la collaboration des kapos à la garde de leurs pairs. Bref, au milieu du troisième épisode, nous abandonnons (à l'origine, si j'avais sélectionné ces podcasts, c'est que je connaissais Chantal Thomas par Comment supporter sa liberté).

Nous écoutons ensuite Thierry Frémaux expliquer la sélection du festival de Cannes 2016. C'est un peu difficile à suivre pour nous : nous ne connaissons pas tous les noms et certains titres sont donnés en anglais alors qu'un autre titre a été donné au film lors de sa sortie en France. J'explique à O. que les cinéphiles sont des extrémistes prêts à tuer. Je découvre que Frémaux vit la même expérience (par exemple les réactions de son équipe au visionnage de The Neon Demon : « ridicule » ou « magnifique ») : ainsi donc ce serait toujours ainsi, par nature ? Frémaux ne paraît pas le vivre mal. Mais pourquoi diable un film déclenche-t-il une telle volonté d'être le seul à posséder l'interprétation juste, d'être celui qui voit et comprend exactement ? Quel est ce besoin de voir ses goûts confirmés ? Ou ne s'agit-il pas de goûts mais de vision du monde ?
Je note en passant que Frémaux considère que l'interprétation d'Isabelle Huppert dans Elle possède une force comique. Si c'est le cas, la bande-annonce a vraiment été mal construite.

Nous sommes entrés aux Pays-Bas. Les maisons sont toujours en brique mais les toits ont changé (beaucoup de chaume), les jardins aussi, plus grands, plus nets. Il y a beaucoup de moutons et des vaches. Les bouleaux se sont fait rares. Pendant quelques kilomètres je guide O. à la carte pour tenter de suivre un canal, de passer par du « pitto » (Reeze, Ommen) puis j'abandonne, les routes font la largeur d'une voiture et demie, en cas de croisement il est prévu que l'on morde sur la piste cyclable et même sur l'accottement renforcé par des briques de ciment ajourées, il y a quelques cyclistes malgré la pluie, tout cela paraît dangereux.
Arrêt à Raalte après avoir échoué à trouver un café ou une station essence en bord de route même. Nous sommes épuisés et faisons des erreurs de débutant : un quart d'heure d'errance dans la zone industrielle avant de trouver le centre ville. Il est près de six heures. Café, gâteaux, changement de conducteur. Nous réglons Waze sur "le plus rapide sans autoroute". Je prends le volant après avoir préparé une nouvelle liste de podcasts.

Une tranche de bifteck de Jack London. Quarante minutes de combat de boxe.
N344, 221, 415, 201.
Il pleut par intermittence. Nous décapotons dès que possible. Les nuages sont magnifiques. Depuis longtemps, depuis Melk au moins, le ciel nous présente des paysages de tableaux, une véritable invitation ou initiation à la peinture. Ce soir, à la faveur des orages et du soleil qui tombe lentement devant nous, les nuages d'une consistance épaisse et ferme présentent sur la largeur de l'horizon, vaste aux Pays-Bas, toutes les lumières, du plus sombre au plus lumineux, sans oublier les traits filtés du soleil contre les dernières parcelles de bleu.
Canaux, lacs (salés ou eau douce ?), bateaux, un pair oar, une yolette, enchantement. Nous enchaînons sur une biographie étincelante de Jules Verne en vingt minutes qui fait rire O. aux éclats (arrêt du podcast le temps de reprendre son souffle afin de ne pas perdre un mot du récit).
Si vous ne devez écouter qu'une émission, que cela soit celle-ci.

Arrivée à Amsterdam, hôtel au sud, à deux pas du tramway. Accueil chaleureux sur un mode logique c'est-à-dire informatisé, wifi gratuit (sans mot de passe) et efficace, la civilisation, enfin ! (J'assume de juger un pays, une ville, un hôtel, à sa capacité à utiliser l'informatique et à mettre de l'internet à disposition. C'est pour moi bien plus que de la technologie : c'est un état d'esprit, celui qui consiste à faciliter sa vie et celle de ses contemporains.)
La chambre nous fait rire : douche et WC chacun dans une colonne de verre dépoli dont les portes coulissent en demi-cercle. Tout est blanc, desaïgné à l'excès. Nous descendons profiter de notre cocktail de bienvenue et dînons sur place, le moral remonté au beau fixe.

Rijksmuseum

Je pensais que nous resterions jusqu'au week-end mais une réunion vendredi matin obligeait Hervé à rentrer.

Journée (mini-journée, de midi à quatre heures, le temps de se lever puis le temps de repasser par le B&B récupérer la valise) au Rijksmuseum qui était en grande partie fermé quand nous sommes venus en janvier 2013.
Nous retrouvons l'horloge de Maarten Baas qui fait rêver Hervé.

Je propose pour une fois de parcourir toutes les salles "en courant", afin d'avoir une idée générale, un peu comme on feuillette un livre, plutôt que prendre notre temps dans les premières salles pour se retrouver à court de temps pour les dernières.
Cette idée sera plus ou moins respectée, mais au moins nous commençons par le dernier étage (1900-1950) sans réussir à trouver "l'autre" troisième étage (le musée a un corps principal et deux ailes plus hautes, ce qui fait que les étages les plus hauts ne communiquent pas); nous avançons à marche forcée, retrouvons quelques vieux amis (le cygne, les Vermeer), de très belles natures mortes et des marines en grisaille, le hall principal est gigantesque, il y a des courants d'air, nous trouvons par hasard l'autre troisième étage, 1950-2000 c'est vraiment un autre monde, principalement hideux. Souvenirs des colonies, décolonisation.
Nous passons un long moment dans la dernière pièce à essayer de comprendre un film non sous-titré sur la mise en place d'une digue dans les années 1950 ou 60: d'énormes caissons flottants sont tractés par bateau à l'entrée d'un canal puis sont coulés en les laissant s'emplir d'eau. (Impossible de trouver une vidéo sur le net, je n'ai pas les bons mots clés). C'est très impressionnant. Je me demande quelles sont les réflexions de cette ville et de ce pays sur le réchauffement climatique. Se sont-ils rapprochés des îles du Pacifique qui risquent de disparaître? En quoi les problèmes qu'ils rencontrent sont-ils différents de ceux de Venise?

Nous redescendons, meubles, porcelaines, Renaissance. J'aime de plus en plus les objets. Je suis interloquée par le cartouche d'une sculpture de Saint Augustin: faut-il comprendre que la ville serait Hippone? Mais c'est faux, il s'agit de la cité céleste, cela me paraît évident, ce n'est pas pour rien qu'un ange souffle dessus. Est-ce que je me trompe?
Salle des maquettes, j'adore, c'est fou ce qui a été inventé, des "chameaux" pour porter les navires trop lourds et leur permettre d'accoster au port… Magnifique.

Librairie pour les cartes postales; comme d'habitude j'y découvre tout ce que nous n'avons pas vu (l'art oriental, Van Gogh,…) Il faudrait commencer par les librairies.
Cafétéria du musée, cartes postales, retour à la chambre, retour à la gare, retour en Thalys, retour, retour, retour.

Journée à Amsterdam

Quitté l'appartement assez tard. Vent froid. J'avais oublié l'irréel des façades. Les canaux sont vides, inutilisés. Ce n'est pas Venise, la vie de Venise sur les canaux. J'avais oublié aussi les vélos, tant de vélos, si rapides et décidés. Quelle drôle de ville, sa netteté me met mal à l'aise (tous ces intérieurs parfaits en vitrine, tous ces bureaux de designers, toutes ces chaises blanches) et pourtant je pourrais bien travailler ici, dans ce silence studieux.

Pouvoir d'achat: Hervé manque de s'évanouir devant une petite bombe de mousse à raser Gillette à quatre-vingts centimes (recherche sur l'iphone du prix en France: plus de deux euros pour une marque propre de moindre contenance).

Musée de l'Hermitage. Expositions de services de vaisselle des tsars (se terminant curieusement par un service offert… à Staline qui ne s'en est jamais servi) et de portraits de groupe, véritable ode aux défenseurs de la ville à l'Âge d'or. La ville avait un système de prise en charge des pauvres très développé car la misère était mauvaise pour le commerce (étonnant que tout cela n'est pas produit d'écrivain à la Dickens). Les bâtiments du musée étaient eux-même un hospice pour les femmes seules de plus de cinquante ans.
L'exposition se termine en expliquant que les associations restent exceptionnellement développées à Amsterdam, avec des décisions collégiales sur la base du consensus (et non de la majorité), ce qui me laisse pantoise: arrive-t-on à prendre de bonnes décisions par consensus? N'est-on pas condamné aux demi-mesures? Il faudra que je regarde le comportement des Pays-Bas dans les institutions européennes.

Hervé laisse un pourboire au vestiaire: «Je viens de laisser trois bombes de mousse à raser».

Concert d'adieux de Mariss Jansons au Concertgebouw (c'est pour cela que nous sommes là). 4e de Mahler très tendre. Le son de cet orchestre est vraiment particulier, attentif, je n'ose dire "prévenant" ou "attentionné".

Amsterdam le soir

Deux abus de pouvoir dans la matinée: le pharmacien qui profite du mécanisme du tiers payant pour escroquer une vieille dame (en comptant sur le fait que personne ne l'écoutera, je suppose) et le syndiqué qui profite de ses relations privilégiées avec les DP (délégués du personnel) pour menacer la RH d'un scandale et exiger le remboursement de frais prescrits.
Enervée.

Thalys sans problème; Amsterdam. Chambre sous les toits qui ne permet pas de lire au lit (pas grave, nous ne sommes pas venus pour lire au lit) et dix ans de Donald Duck reliés — hélas en hollandais (j'aurais dû prendre une photo).

La réalité dépasse la fiction

Il y a quelques années, j'avais mis une demi-minute à comprendre l'absurdité d'un article de journal parlant de "graines de bonsaï" un premier avril…

… ce qui fait que j'ai soigneusement photographié ces paquets de graines à Amsterdam, attendant mon heure.


Ramer à Amsterdam

Avec retard je récupère des photos, dont celle-ci prise au centre d'Amsterdam.
C'est un bateau très lourd, comme vous n'en verrez pas en France: un bateau large, dit canoë français, qui est déjà pataud et réservé aux débutants ou aux conditions de navigation difficiles, mais avec en plus un barreur, ce qui se comprend dans les caneaux étroits d'Amsterdam, puisque l'aviron se pratique en reculant.

Deux rameurs, un barreur, un bateau large : la lourdeur incarnée, mais le plaisir d'être sur l'eau.


Amsterdam, la ville où vous apprendrez à faire vos créneaux

2013_0105_parking_Amsterdam_100.jpg



Je n'ai pas élucidé la façon dont le conducteur sortait de voiture. J'ai suggéré que les Amstellodamois ne conduisent que des voitures anglaises (avec le volant à droite), et je me suis fait traiter de tête de linote. Quand je disais que personne ne comprend mon humour.

Pour le reste, j'aime beaucoup cette ville: les villes avec peu de voitures sont vraiment mes favorites.

Une vraie journée de touristes

Musée Rijksmuseum. Pas de queue. Nous mettons deux minutes à comprendre les chiffres sur la façade, 98 23 14 : jours, heures, minutes avant l'ouverture du musée rénové.
En attendant nous avons droit à une version réduite, quelques salles, Rembrandt, Vermeer, bien sûr, mais aussi de très beaux objets et meubles. Et une horloge très amusante et résolument moderne.

Dans la tradition "mangeons pour guérir", nous faisons un grand détour pour trouver un restaurant vietnamien — qui sera fermé, bien entendu. Mais enfin, cela nous aura permis de voir le temple bouddhique d'Amsterdam. Nous mangeons donc chinois, une soupe que nous n'aimerons pas (boulettes de viande et côtes de blettes) mais qui ne nous pèsera pas sur l'estomac.

Musée de l'Hermitage pour voir les Van Gogh accueillis ici pendant la rénovation du musée du même nom. Pas de queue (nous avons acheté nos billets devant le Rijksmuseum). Très beaux tableaux, les Tournesols et les Iris sont ici. L'exposition est organisée en thèmes (cinq: la nature, la jeunesse, l'influence japonaise, et je ne me souviens plus). Copie étonnante d'un tableau japonais, vergers au printemps, Bible, tête de mort fumant (elle est ici). Tous les tableaux sont d'Amsterdam, c'est une exposition entièrement domestique qui m'a beaucoup plu.

Puis dans le même musée exposition dite des "Impressionnistes", mais "de la seconde moitié du XIXe siècle français" serait plus exact. C'est d'ailleurs très intéressant, rythmé par des coupures de journaux expliquant les évolutions de la mode dues aux transports en commun (finies les robes à crinoline), le salon des refusés, l'invention du tube de peinture (1841) qui permet aux peintres de sortir de leur atelier, etc.
Cela donne l'impression étrange de se promener "chez soi", d'Haussmann à Versailles en passant par Montgeron ou les plages de Normandie. Soudain je comprends que la peinture du XIXe siècle a été française comme celle de la Renaissance a été italienne et celle du XVIIe hollandaise (oui, cela ne m'était jamais venu à l'esprit avant d'être à l'étranger).

Café et pâtisserie dans un coffeeshop en contrebas de la route; vautrés dans des canapés nous commentons les arrivants (nous essayons de deviner leur nationalité — de jeunes Russes ressortiront en découvrant (sans doute) qu'il n'y a pas d'alcool, d'un couple dont je dis "Lui a l'air très amoureux", H. répond "donc français", ce qui me fait rire (est-ce vrai? très amoureux donc français?)), dans la grande tradition des petits vieux sur leur banc ou des vieilles derrière leur rideaux.
L'intonation de la langue néerlandaise est le même que celle de l'américain, et les mots de la cuisine viennent du français sans traduction.

Le soir Einstein on the beach puis pub irlandais.

Une vraie journée de vacances

Ce matin H. est malade à son tour, avec tout le caractère d'une intoxication alimentaire, (la soupe aux pois d'hier midi? C'est la seule chose que nous ayons mangé en commun, sachant que j'en avais également mangé dans un autre restaurant le mercredi soir, ce qui expliquerait que j'ai été malade plus tôt? (une épice de la soupe que nous ne supportons pas? L'idée m'amuse, ça change des gens malades en allant sous les tropiques)).

Quoi qu'il en soit, nous nous recouchons après un petit déjeuner symbolique (et encore du Coca). Une heure plus tard, je suis en pleine forme et je me mets à mon devoir de grec (en utilisant le logiciel Antisocial pour ne pas utiliser FB).
H. dort, tout est extrêmement silencieux, nous sommes sous les toits, il fait gris, je suis tranquille. Je suis bien.
Bref, je termine ma version. Depuis combien de temps ne m'était-il pas arrivé de terminer un devoir en avance? Cela m'a suffisamment inquiétée pour que je demande à H. de photographier le sujet, pensant qu'en bonne logique qu'il devrait arriver quelque chose à mon devoir, mes papiers, mon cartable, etc. (je suis une traumatisée de la loi du chaos).

Vers dix-sept heures (il fait nuit) nous sortons pour passer à la pharmacie1. Elle est minuscule, il faut prendre un ticket comme à la SNCF ou à la Sécu, il y a dix personnes devant nous. Y aurait-il pénurie de pharmacies à Amsterdam? C'est long, je lis le livre de Samuel, et quand c'est notre tour, c'est long encore (prendre notre adresse, en France, à Amsterdam… La jeune fille parle beaucoup moins bien anglais que celles croisées jusqu'ici).

Nous rentrons et fouillons dans les DVD laissés dans le patio. Un thé, un œuf à la coque, du miel. Nous regardons The Shadow, effrayant en effet, mais pas pour les raisons prévues par le réalisateur (qu'est-ce que c'est que ce navet? Gengis Khan télépathe dans le New York des années 30).
Tous les DVD sont-ils traités ainsi, c'est-à-dire jamais doublés mais sous-titrés? Cela impliquerait que toute la population sache très bien lire (l'une de mes théories est que si les films en banlieue sont en VF, c'est que tout le monde n'y lit pas suffisamment vite le français pour suivre des sous-titres).

H. retourne dormir et je mets la saison 3 de 24 hours que j'ai déjà vue il y a longtemps. Anglais sous-titré anglais (il n'y a rien d'autre). Je comprends par bribes puisque j'écris en même temps, mais ça n'a pas grande importance.


Note
1 : Cela n'a rien à voir avec nos mésaventures alimentaires, il s'agit d'un médicament indispensable au diabète de H. qui vient à manquer.

Flâneries

Beurre de cacahuètes. Je sais que je ne devrais pas, à chaque fois j'en reprends puis je me souviens de la raison pour laquelle je me suis dit que jamais plus (beuuuuhhh…).

Nous croisons quelques instants le landowner, le temps qu'il nous expose ses observations sur la consommation des Européens au petit déjeuner: les Italiens ne mangent rien, les Allemands ne mangent que du pain brun (complet? est-ce que le mot recouvre la même réalité?), les Français plutôt du blanc, il est inutile de donner du bon pain à des Anglais car ils font tout griller (« chez nous, on ne fait griller que le pain trop dur » partage-t-il son désarroi, désireux d'avoir notre avis sur ce mystère anglais).

Pris notre temps pour tout et fait demi-tour devant les files d'attente trop longues. Marché, pris le bateau (à ne pas faire, cela revient trop cher pour le trajet accompli. Mais c'est amusant de voir les éraflures sous les ponts: c'est vraiment étroit), déjeuné dans un petit pub même si je n'ai pas très faim.
Maison Rembrandt (Rembrandt a fait faillite ? Décidément, nul n'est à l'abri !), maison d'Anne Franck, entre les deux, quartier "lumières rouges": cartes postales degusting et quelques filles en vitrine. Choc, toujours: l'image de la pute dans ma tête est celle des filles des films d'Audiard, des femmes adultes un peu vulgaires un peu sarcastiques, pas celle de jeunes filles jolies et menues qui me donnent envie de crier « Ne leur faites pas de mal, laissez-les sortir ! »

Maison d'Anne Franck, la file est longue mais nous avons tourné les talons déjà tant de fois que cette fois-ci nous attendons. Je n'aime pas beaucoup l'idée de cet argent amassé sur le journal d'une adolescente morte en camp, mais la visite démontre un respect profond des personnes et de l'histoire. Des quatres personnes qui ont nourri et protégé les huit qui se cachaient, la dernière est morte en 2010. Les pièces ont été reconstituées, meublées, photographiées, puis vidées: elles se visitent nues. Des modèles réduits et des plans permettent de comprendre comment s'agençaient les pièces. La famille a été arrêtée en août 1944, après le débarquement en Normandie, quand il était évident qu'Hitler avait perdu. Quel est le fou haineux qui l'a dénoncée ? Mystère.
(Il faudrait que je relise le Journal. A treize ans il m'avait paru insipide, mais sans doute qu'aujourd'hui j'aurais davantage conscience de certaines particularités, à commencer par cette contrainte: qu'écrire quand on vit enfermée?)

(Petite surprise en fin de visite: un Oscar, la statuette, sous une vitrine: celui de Shelley Winters, obtenu en 1959 pour le meilleur second rôle dans Le journal d'Anne Franck. Je suis émue, je ne pensais pas voir un jour un exemplaire de cette statuette de si près, sans obstacle.)

Retour. Arcades, échoppes de masseurs où l'on s'installe sur des canapés pour se faire masser bras, jambes, dos, dans la boutique même, à la vue des passants (les Hollandais ont l'air peu effrayés de s'exposer, si j'additionne la façon dont on peut voir l'intérieur des appartements ou des bureaux quand on passe dans les rues et ce genre d'échoppes. Cela me semble une façon efficace de lutter contre le qu'en dira-t-on: « je n'ai rien à cacher, maintenant fichez-moi la paix »).

Tram (je le note, car savoir utiliser les transports en commun me paraît une clé des villes). Nous n'avons remarqué aucune pharmacie de la journée et finissons par nous faire expliquer par un commerçant où est la plus proche de la chambre. L'enseigne bleue est très claire (pas quelque chose d'inattendu que nous n'aurions pas identifié comme "Apotheke"), je suis presque sûre de ne pas en avoir vu aujourd'hui. Etrange. Elle est fermée, on verra demain. J'ai très mal au ventre depuis l'attente devant le musée Anne Franck, je ne me sens pas très bien, nous achetons du Coca et des sandwiches et rentrons à l'appart.

Je suis malade, je m'endors aussitôt, il ne doit même pas être vingt-et-une heure. So much for mes velléités de grec.

Amsterdam

A Roissy nous avions été arrêtés quatre kilomètres avant l'aéroport, cette fois-ci le TGV s'arrête peu avant Shiphol dans une grande odeur de brûlé. Je suppose que ce sont les freins, mais plus tard une annonce parlera d'une avarie au moteur.
Nous attendons. Je trie des photos, les renomme. Je perds la notion du temps.
Quarante minutes plus tard nous repartons lentement, nous nous arrêtons. Minutes immobiles. Annonce («Grâce au travail admirable de notre mécanicien nous pouvons repartir» (ce qui doit être vrai)). Le silence dans le wagon est impressionnant. Le train roule, s'arrête, repart, lentement. Les gens font des plans (descendre à Shiphol pour prendre un taxi?), le train accélère, nous avons plus d'une heure de retard, tout semble redevenu normal, nous arriverons à Amsterdam à qinze heures au lieu de treize heures trente.

Il fait gris mais doux. Taxi jusqu'au bed and breadfast. "Adrian" (je suppose, puisque c'est le nom du B&B) nous demande si nous étions dans le train qui a pris feu. What? Il nous explique que les Hollandais ont la passion des feux d'artifice et que certains ont fait partir des pétard dans un TGV qui a pris feu… Voilà qui explique pourquoi aucune motrice n'est venue nous remorquer, il y avait urgence ailleurs. Peut-être même que le moteur n'était pas touché, mais plutôt le secteur électrifié, ce qui expliquerait pourquoi nous nous sommes remis à rouler plus vite à partir d'un certain moment… enfin bref, nous ne saurons jamais.

Le choc de la maison dans laquelle nous entrons, ce sont les escaliers. Je tombe immédiatement amoureuse de ces escaliers impossibles, verticaux, presque des échelles, chaque marche permettant de ne poser que la plante des pieds. On comprend que la Flamande valse à cent ans si elle a monté et descendu toute sa vie des escaliers de ce genre.
Je pense aux échelles de meunier, ce qui correspondrait assez bien aux moulins du pays; notre hôte (landlord) penche pour une explication plus maritime: les architectes des maisons étaient des constructeurs de navire, ils ont pensé les escaliers des habitations comme ceux des coursives. Il est bavard (je pense à Philippe qui n'aime pas les B&B pour cette raison. Bah, c'est un peu ennuyant, mais c'est aussi amusant. J'aime autant savoir comment les gens vivent que visiter les musées. Les meubles passent par les fenêtres, et depuis quelques temps, les brancardiers n'ont plus le droit non plus d'utiliser les escaliers: les gens sont évacués par échelle de pompiers. Fun! (Je me demande s'il faut expliquer par les escaliers que les accouchements ont lieu si souvent à la maison en Hollande!)

Qu'avons-nous appris encore? Que si le vélo était si populaire, c'est peut-être parce que la reine Wilhelmine aimait faire du vélo («Elle se sentait sans doute libre, plus libre que dans ses landaus conduits par des cochers», nous confie notre hôte dont la projection psychologique me fait rire intérieurement), que c'était donc un moyen de locomotion aristocratique «tandis qu'en Turquie par exemple, c'est méprisé, parce que résersé aux pauvres, alors que chez nous c'est noble», et que les immigrés doivent apprendre la langue… et à faire du vélo, «ce qui lutte contre l'obésité». Cette dernière précision m'impressionne: apprendre à faire du vélo, signe d'une volonté d'intégration… Voilà qui est très fort, et un moyen comme un autre de lutter contre le tchador.

La chambre est au dernier étage, à côté du patio aménagé en cuisine/salon. Le frigo est rempli (lait, œufs, charcuterie, salade) à notre disposition; livres, DVD, la confiance règne (je suis si fatiguée de la méfiance française institutionalisée que je note la confiance partout où je passe. C'est sans doute ce qui me manque le plus au quotidien, cette douceur de faire confiance à ces contemporains).

Nous sortons, aller-retour dans la ville, il fait nuit, guirlandes de Noël, canaux. Je propose d'aller voir Jack Reacher. La caissière passe à l'anglais avec beaucoup de naturel, elle nous demande où nous voulons être assis, les places sont numérotées (ceci au titre des little differences). Tous les films sont en VO sous-titrés, et elle nous le dit avec une telle assurance que j'ai l'impression que c'est la règle, même pour la télé: le doublage en néerlandais serait-il inconnu?

C'était une erreur. Enfin, si le but était de voir un bon film, c'était une erreur. En revanche, s'il s'agit d'établir la liste des erreurs à ne pas commettre (la caméra qui s'arrête trop longtemps, le héros impassible, etc), cela peut être utile. On dirait un Clint Eastwood raté.
Dans le contexte de la tuerie de l'école du Massachussetts, ce film prend une autre dimension. Je suis surprise que sa sortie n'ait pas été différée.
Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.