Billets qui ont 'Dijon' comme ville.

Départ

Changer les draps, les laver, les étendre, faire les valises, nettoyer la salle de bain, passer au pressing, passer à la poste. Départ. 9h30. Route barrée à un kilomètre de la maison: mauvais présage ?

Waze pour atteindre Vézelay. Paramétrage « chemin le plus court », « sans route pavée ni chemin de terre » (nous avons eu des surprises en Normandie il y a un an), sans route à péage (parce que le plus court, c’est parfois l’autoroute, or c’est ce que nous voulons éviter).

Il fait très beau, très chaud. Nous sommes partis presque trop tard, le soleil est difficile à supporter au zénith (réflexion de Gv concernant les décapotables (réflexion importante puisqu’elle m’a permis de convaincre H. à l’époque: « c’est en Angleterre qu’il y a des décapotables, pas à Dubai »).

Déjeuner à Joigny sur les bords de l’Yonne. Très grand portrait de Simone Veil sur la façade de l'hôtel de ville. Vézelay. Nous gérons aussi mal la crème solaire que nos clés : Grenade, Sienne, Vézelay, nous aurons acheté de la crème solaire dans tous nos voyages, les ramenant à la maison, les oubliant la fois suivante, les jetant cinq ans plus tard. J'achète également du Synthol, le produit qui anesthésie les piqûres d'insectes.

33, 5° dans la coccinelle garée à l’ombre, 35° en roulant décapotée. C’est supportable à cause du vent relatif. Nous avons l’impression qu’il fait plus doux qu’à midi, peut-être parce que le soleil est plus bas, ou parce que nous avons eu très chaud en montant à l’église de Vézelay.

Direction Dijon. Epoisses, Pouligny, odeurs de fromagerie, fortes et fades. Blé et avoine mûrs. Vaches dans les prés. Tracteurs. Semur-en-Auxois paraît magnifique.

Nous nous garons dans une rue du centre de Dijon; il y a un hôtel dans la rue même et des chambres libres dans l’hôtel (O. était inquiet). Nous allons dîner place de la halle (qui ne doit pas s’appeler ainsi). Les Dijonnaises sont élégantes, nos voisins allemands de gauche mangent tristement une pizza (et leurs enfants des frites), nos voisins de droite paraissent une rencontre Meetic et la conversation est pitoyable. Je donnerais cher pour ne rien entendre, la jeune femme vantarde et sur la défensive, le jeune homme en chemise boutonnée jusqu’au cou ne sachant plus comment reprendre pied.

Nous avons amené nos cartes de Suisse et faisons quelques repérages.
Hôtel. Coups de soleil sur le nez et sur les bras, crème après solaire. Je pensais bloguer, je m’endors très vite — après avoir, comme il se doit, enlevé l’alèse doublée de plastique et la couette pour n’en conserver que la housse. Demain nous devons faire notre plus longue étape, six heures de route pour quatre cents kilomètres.

Dijon deuxième journée

Patrick m'emmène voir "le puits de Moïse", qui est l'inverse d'un puits, puisque c'est un socle.
C'était le socle d'un calvaire haut de sept mètres au milieu de la nécropole des ducs de Bourgogne. Il ne reste que le socle, avec six prophètes : Moïse, David, Jérémie, Zacharie, Isaïe et Daniel. C'est très beau, délicat et plein de force, restauré avec goût, sans couleur criarde comme il aurait pu être tentant de le faire.

A midi nous perdons malheureusement un temps fou dans un restaurant qui m'a attiré par sa déco (des poils de vache). Nous n'en finissons plus d'attendre, c'est mortel.

Siegfried et Le crépuscule des dieux.
Siegfried est celui que je connais le mieux puisque c'est le seul que j'ai vu en entier. L'oiseau est joué et surtout chanté par cinq ou six enfants. C'est charmant et joliment faux (ou comme dirait ma fille, ils chantaient juste chacun séparément), j'espère qu'ils ne se feront pas démolir par la critique (Philippe me dit qu'il a entendu des commentaires du type «C'est un scandale» de la part de critiques "officiels" qui n'avaient peut-être pas tout à fait saisi avant d'être dans la salle que c'était un Ring raccourci). Cela me met en colère, ce n'est tout de même pas la faute des artistes si ces critiques sont inattentifs.

Le Crépuscule me paraît de loin le moins bon des quatre, c'est coupé, très coupé, sans doute trop. C'est dommage, car étant la dernière représentation, c'est celle qui reste en tête. (Conseil: si vous montez une Tétralogie, commencez par travailler Le Crépuscule, il faut qu'il soit parfait, ce sera la dernière impression du spectateur.) Ici, les liens logique du récit ont disparu, il reste un château désert et en ruine, des personnages en pleine décadence, un Wotan en pleine dépression. On ne comprend pas qui est Hagen, on ne comprend pas la fin de Brünnhilde. Ce qui est clair, c'est qu'une page se tourne, ou plutôt, qu'un nouveau livre se commence, lu par un enfant.

Je termine donc par des réserves, mais au global, j'ai pris beaucoup de plaisir aux quatre représentations, et, le plus important pour moi, les enfants aussi (qui ayant lu les livrets et les ayant retenus, commentent les coupes avec des mines de vieux Wagnériens, ce qui me fait beaucoup rire (intérieurement)).

Dijon première journée

Peur que quelque chose foire, que le RER ait un problème, que je perde les billets de train… je les vérifie vingt fois dans mon sac, vingt fois je ne les trouve plus…
— Maman c'est bon, tu les avais il y a trente secondes. Arrête!
Je suis contente qu'ils aient eu envie de venir.

Arrivée à Dijon sous la pluie, je malmène tout le monde pour trouver l'hôtel, en fait c'est tout simple, je ne comprends pas les commentaires de Tripadvisor qui décrivait un chemin compliqué dans la vieille ville.
La chambe est amusante (c'est une "suite"), toute de guingois sous les toits, pas une surface verticale ou horizontale. Un peu dangereux pour les grands.

Crypte de Saint Bénigne. Encore les méfaits de la Révolution. Cela me stupéfiera toujours: quelle somme de haine accumulée, comment ou pourquoi cette rage de destruction? La crypte a été dégagée, des chapiteaux et des pierres remplacées. Difficile de savoir si cela ressemblait vraiment à cela, en tout cas le travail a été effectué avec soin et amour (c'est la même chose).

L'or du Rhin et La Walkyrie. Cela n'a rien à voir avec Reims, ou du moins pas grand chose. La salle est immense (enfin, grande; immense par rapport à Reims), très agréable (je la préfère à l'opéra de Lyon, si noir); il y a beaucoup de monde dont une bonne partie parlant allemand.

Le spectacle est très bon, netteté de la ligne instrumentale qui dialogue avec les chants ou les souligne sans jamais les couvrir; netteté des voix qui articulent, netteté du décor, avec une thématique autour du livre et de l'écrit (le savoir comme trésor?).
Mention spéciale pour Siegmund/Siegfried (Daniel Brenna), Sieglinde (Josefine Weber) et surtout Brünnhilde (Sabine Hogrefe).

Les coupes ne sont pas les mêmes qu'à Reims; j'ai l'impression qu'à Reims le récit, sa cohérence, la cohérence entre les personnages et leurs interactions les uns par rapport aux autres avaient été privilégiés, alors qu'ici ce sont les "blocs" musicaux qui me paraissent mis en avant, en particulier les duos (ou plutôt les dialogues). C'est une option sans doute meilleure d'un point de vue artistique, à condition de connaître les œuvres (donc de ne pas utiliser ce Ring réduit pour découvrir la Tétralogie).

Pour le reste, le contenu du livret provoque toujours en moi la même répulsion. Il faudrait que je lise les livrets pour vérifier mes impressions, mais je suis frappée par la dimension punitive du sexe dans ces opéras, par l'importance de la pulsion de viol: Freia emmenée par les géants, Sieglinde mariée de force, Brünnhilde offerte à l'homme qui passe (avant que la sentence soit "adoucie"), Erda utilisant le mot "contrainte" (problème de traduction? "tu m'as contrainte…"), Brünnhilde parlant d'être "contrainte au plaisir et à l'amour" (demain, j'anticipe)… et cela se reflète dans les paroles de Wotan, qui voit l'acte sexuel comme une flétrissure que l'homme impose à la femme, ce qui suppose qu'il a de lui-même une bien piètre image… Freud était nécessaire de façon urgente.

Mais ce qui me choque le plus, c'est la punition de Brünnhilde: Wotan punit la pitié (après avoir espéré peu de temps avant un enfant libre qui exécute ses désirs sans qu'il intervienne…). Cela n'arrive jamais, je pense, dans la tragédie antique, dans la Bible, dans les mythes, dans les épopées. La pitié est le geste sacré qui est toujours respecté. (J'ai cherché des contre-exemples: Antigone? Mais c'est un devoir de piété qu'accomplit Antigone, piété envers un mort, pas pitié envers un vivant). Sans doute va-t-on argumenter que ce que Wotan punit, c'est la trahison de sa volonté par sa volonté (un double de sa volonté, une autre lui-même). Mais cela veut simplement dire que Wotan punit sa propre pitié. Wotan n'a pas la grandeur qui permet la pitié, il est agité de calculs, il ne vit plus au présent, mais dans un futur qu'il craint et tente de prédire (pour l'éviter ou le faire advenir? Ce n'est pas clair, il y a une pulsion suicidaire chez Wotan, et c'est d'ailleurs ainsi que cela se termine). Qu'est-ce que c'est que ce dieu?

Le vrai dieu, celui qui agit selon ce qui doit être, sans chercher à suivre un plan qui favorise ses propres intérêts, sans chercher à calculer les conséquences, qui réagit spontanément au courage de Siegmund et à sa déclaration d'amour ("garde ton walhala, je n'en veux pas sans Sieglinde") ou qui a pitié de Sieglinde et protége la vie sans défense, c'est Brünnhilde.
Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.