Billets qui ont '2016-03-31' comme date.

Remords

Déjeuner avec Dominique. Il y a des gens qu'on ne souhaite pas croiser tant ils sont une source de remords. (Celui qui pense qu'il vaut mieux des remords que des regrets n'a pas dû goûter aux deux.)
Le temps passe. Deux petits-enfants de plus. Apéritif ET vin : ce n'est plus de mon âge. Mal au crâne pour l'après-midi.

Quand j'arrive gare de Lyon où H. m'attend pour rentrer ensemble en voiture, il me dit que P. vient de lui envoyer un SMS: il est à l'hôpital pour passer un scanner, dos douloureux, son marathon des sables dans une semaine pour lequel il s'entraîne intensivement est une folie (c'est un sujet de conversation depuis quelques jours: course en autonomie dans laquelle on porte son ravitaillement; "chameau balai": tous ceux qui sont rattrapés par les chameaux sont éliminés, jugés trop épuisés (enfin, c'est peut-être un hoax1, ou une tradition en désuétude, car je ne retrouve pas ce point dans le règlement (pour rire, voir l'article 27: un plâtre entraînera deux heures de pénalité)).
Vers vingt-et-une heure, la nouvelle tombe: sans doute un AVC. H. est rongé d'inquiétude, j'essaie de le rassurer: «c'est arrivé à l'hôpital, c'est sous contrôle, tout va bien se passer». Même analyse de sa femme: «Heureusement que c'est arrivé ici et pas dans le désert». Oui, c'est le moins que l'on puisse dire.
N'empêche, quelle série en quelques jours.

Impossible de dormir. Nous regardons un film qui n'est pas fait pour nous apaiser: une histoire d'enfant disparue, de réseau pédophile et de sadisme psychologique, Captives (un choix fait par hasard, nous écrémons depuis quelques jours le filmographie de Ryan Reynolds, un acteur que je n'aime pas (c'est bizarre, les goûts: pourquoi la tête d'Edward Burns "me revient", et pas celle de Ryan Reynolds? Un problème de mollesse des traits, d'énergie transmise, sans doute)).


Note
1: deux jours plus tard: Non, on m'a précisé depuis que P. a montré des photos des chameaux. (Il va mieux. Pas vraiment un AVC, mais on ne sait pas de quoi il s'agit. Visage paralysé. Les médecins lui ont interdit le marathon.)

Roubaud

Le soir je vais écouter Roubaud à la maison de la poésie. En attendant d'entrer dans la salle, j'achète quelques livres à la librairie quasi-portative qui se trouve sur place: Les arbres de Marina Tsvetaieva pour l'étonnant format des éditions Harpo (encourager ceux qui prennent des risques), Conversations avec Kafka de Janouch, Ode à la ligne 29 des autobus parisiens de Roubaud (Minaudier, Régniez, Roubaud, je ne lis plus que du Tripode en ce moment) et Mandelstam, De la poésie. Le libraire me déclare avec satisfaction: «je valide tous vos choix», ce qui me fait sourire: ce n'est pas comme si l'ensemble des livres qu'il vend n'était pas du même tonneau.

Elisabeth, Maurice, Françoise dans la salle. La voix de Roubaud magnifique et ferme, la lecture nuancée et drôle, parfaite. Roubaud raconte la façon dont a été édité son premier livre: livre accepté, puis long silence, puis précipitation de l'éditeur qui veut imprimer immédiatement ce qu'il a en main que lui, Roubaud, considérait comme une ébauche. Mais jeune écrivain, il n'a pas osé protester de peur de remettre en cause l'acceptation du texte et le livre est paru ainsi: «Je me suis dit que je publierai tous mes livres ainsi, non terminés, et ce que je vous présente aujourd'hui, ce sont les compléments à ces livres inachevés». Anecdotes biographiques en éclats.

En sortant, je croise Jean-Paul Marcheschi que j'avais repéré dans la salle mais que je n'aurais pas osé aborder de moi-même (jai si peu de choses à dire). Il me salue et comme il attend des amis, nous discutons assez longuement, des mystiques, de FB, etc. Il montre toujours la même gentillesse et reste toujours aussi discret sur sa situation, tout juste me dit-il qu'il expose actuellement au 3 rue de Thorigny. J'ai le cœur serré, j'aimerais tant qu'il soit reconnu de son vivant. (Si je lui achetais un tableau, ma sœur accepterait-elle de "l'héberger"? Car je ne pourrais pas le prendre à la maison.) J'ai tant de mélancolie en le contemplant, que pense-t-il de RC, de l'évolution de RC? L'avait-il comprise depuis longtemps, cela lui brise-t-il le cœur ou cela lui est-il indifférent? Voit-il Rémi parfois, en discutent-ils? Autant de questions que je ne poserai jamais.

Je retrouve Elisabeth (dont nous conclurons qu'elle n'a que deux états, outrée ou hilare), Maurice, Françoise et des pataphysiciens à deux pas, au Quincampe, une adresse à retenir. Je me permets de dire du bien de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu? (toujours cette difficulté à défendre le cinéma populaire dans une assemblée intello) tandis qu'on me conseille Merci patron.
Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.