Billets qui ont '2016-06-09' comme date.

Mise à jour

Je n'écris plus — je crois que je suis en train d'oublier comment écrire — non pas que je n'ai rien à écrire, au contraire, des comptes rendus de pièces de théâtre de visites, de TG, mais la flemme d'aller chercher au fond de moi ce que j'en pense pour le décrire précisément: c'est exigeant, pas toujours très exact, et à quoi bon?

Ce matin au réveil la radio annonçait une fusillade en terrasse de café. J'ai attendu la fin de la phrase, du paragraphe, pour savoir si c'était à Paris ou ailleurs, en pensant avec un vertige «c'est nouveau, avant je n'aurais jamais pensé que cela pouvait être à Paris.» Finalement Tel Aviv.

Mes mains sentent l'intérieur des gants en caoutchouc de cuisine. A midi je suis allée au club pour aider à nettoyer. De la boue, de la boue d'enfant qui fait des pâtés de boue avec de la terre et de l'eau, s'est déposée sur toutes les surfaces planes, la moindre baguette de bois ou de métal. L'eau a soulevé une remorque à bateaux, celle-ci n'est pas retombée d'aplomb, un bateau est cassé. D'autres sont gonflés d'eau, lourds, irrécupérables.
Dans l'ensemble il n'y a pas trop dégâts même si chaque dégât est onéreux: les "ergos" (ergonomètres), les appareils électriques, le petit matériel, tout avait été mis en hauteur dans les vestiaires.

Front des grèves : ce matin, encore Boissy, RER A. Olivier n'a plus cours, dernière semaine avant le bac.

Mauvais réveil, mauvaise journée

Réveillée par O. en plein cauchemar, il faut aller à Boissy à cause des grèves, O. qui devrait commencer à dix heures commence à neuf par un petit déjeuner avec ses professeurs, tous mes calculs de délai sont inadaptés, mon horloge interne déboussolée.

Coiffeur. Bibliothèque de l'ICP pour rendre trois livres. Je découvre la grève des éboueurs. Trains, avions, poubelles, terrorisme, tout coïncide pour faire de l'Euro un fiasco. J'espère me tromper, non par amour du foot mais par nécessité économique.
Je rends trois livres, je vais essayer de lire ma bibliothèque cet été. Exception peut-être, Le Buisson ardent de Greisch, la Correspondance d'Hegel et la quête du Jésus historique de Schweitzer.

Fête des Terminales. O. s'est déguisé en Blondin (Le bon, la brute et le truand). — Ça s'est bien passé? — Oui.
Il n'est pas très disert, ce n'est pas étonnant de sa part, mais en réalité, je le comprends quelques instants plus tard, il est malheureux. Il a eu ses résultats d'APB (admission post-bac), tous les grands lycées l'ont refusé, il est déçu, je m'attendais à cette déception (sans avoir osé le prévenir, espérant un miracle) car ses notes anticipées étaient mauvaises. Mais on a beau s'y attendre, cela fait toujours de la peine de voir son enfant avoir de la peine, et je m'en veux: il aurait vraiment fallu surveiller davantage son TPE, son français, ses études, tout enfin. Ma culpabilité, mon sentiment de responsabilité universelle me quitteront-ils un jour?
Eternellement1 je me souviendrai de la remarque d'Hervé, dans une rare occasion d'épanchement du fond de son cœur toujours si difficile à exprimer, apprenant les notes de français d'Olivier (et l'excellente note de Claire, sa cousine): «j'aimerais tant pouvoir être fier d'eux», et ma réponse: «nous n'avons pas beaucoup donné l'occasion à nos parents d'être fiers de nous».
Tout cela n'est-il qu'un retour de karma? Mais pourquoi nos enfants devraient-ils payer pour notre mauvaise conduite?
Je me rends compte à quel point il est vertigineux d'être sur des rails dès dix-sept ans: un lycée ou un autre, un cursus ou un autre, et c'est tout un avenir qui se dessine dans cette société française si conservatrice si fort qu'elle s'en défende.
La seule façon d'y échapper est sans doute de partir, pour un temps ou pour toujours, à l'étranger.

Le soir j'ajoute à mon blues en feuilletant les feuilles d'impôts des vingt ans précédents. Quelle vie en dents de scie, comme j'ai eu peur, comme cela a été compliqué (373 euros d'impôts en 2010, non imposable en 2000: les frasques professionnelles d'H.)

Mais H. est heureux, il revient de l'ambassade des Etats-Unis et prépare son prochain voyage d'affaires. Allons, tout va bien.


1: ou peut-être pas, car c'est à cela que sert écrire, oublier, l'écrit garantissant le souvenir offrant enfin la possiblité d'oublier (il me semble que Nabokov dit quelque chose de ce genre dans Mademoiselle O. en parlant de crayons de couleur. (Non, vérification faite, il dit que les choses racontées changent de substance.))
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