Billets qui ont '2016-08-04' comme date.

Saint Michel, Saint Malo, Saint Brieuc

Je suis totalement rassurée: il est facile de voyager avec O. Nous avons la même condition physique, la même résistance à la fatigue, le même mépris du temps (météo), le même amour de la voiture décapotée. Et il ne râle pas si je perds un quart d'heure sur Candy Crush! (smiley confus)

Visite du Mont-Saint-Michel, une demi-heure trop tard pour éviter la cohue. La visite que j'aurais souhaité faire, la visite "approfondie" qui permet d'accéder à Notre-Dame-sous-terre, n'a lieu que le week-end et jours fériés. J'explique à O. le développement de l'ensemble, comme en spirale autour du rocher avec construction de renforts sous certaines salles pour leur assurer une assise (la fantastique salle des gros piliers est la plus représentative, mais elle n'est pas la seule). Il est mal à l'aise, il paraît faire une quasi-phobie face à la foule.
Programme pour les vingt ans à venir: j'achète Abbayes et monastères de France, ne serait-ce que pour avoir une liste facile à consulter.

Pourquoi, au pied d'endroits comme le Mont-St-Michel, rien ne prévient les personnes qui ont du mal à marcher et les couples avec poussette qu'il vaudrait mieux ne pas monter? (La jeune femme croisée portant la poussette à bout de bras et déjà épuisée au bout d'une volée de marches… mais hier aussi, sur l'île de Tatihou, des personnes qui n'auraient sans doute pas dû venir jusque là. On dirait que l'idée d'adapter ses sorties à ses contraintes et ses moyens a totalement disparu. J'ai l'impression d'une société devenue capricieuse, au sens où les enfants sont capricieux: la raison sommée de plier devant le désir.)
Il y a une majorité d'étrangers, souvent sportifs, avec des enfants d'une dizaine d'années.

Il s'est remis à pleuvoir. L'appli météo du téléphone ce matin indiquait trois jours de pluie (jusqu'à samedi), je décide d'investir dans un ciré — rouge et pas jaune (jaune c'était pour la chanson de Renaud, rouge c'est pour mon total look aviron de Neuilly).
Bientôt il s'arrête de pleuvoir.
Direction Saint-Malo à nouveau par "le chemin le plus court" et les routes minuscules au son de la musique du Grand hôtel Budapest. Nous rejoignons tangentiellement la côte. Crêpe au Vivier-sur-Mer. Le cuisinier-serveur(-propriétaire?) est charmant. Un couple franco-italien s'installe avec ses garçons blonds d'une dizaine d'années qui chipotent sur un peu tout et réclament du Nutella (mot qui ne nécessite pas de traduction), tant et si bien qu'O. se penche vers moi et murmure: «Qu'on me donne leur assiette!»
Et un instant j'imagine la tête des mômes s'il se retourne et leur prend leur assiette en disant: «moi, je vais le manger».

Saint Malo. J'aurais dû acheter un ciré plus tôt car bien entendu il ne pleut plus (suis-je bête: c'était pourtant évident). Remparts. Marée basse, la plage est tentante, nous contemplons des ados qui s'amusent dans une piscine qui s'emplit et se renouvelle avec la marée (cela me rappelle le cinquième tome des Filles de Malory School. Ce genre de piscine m'avait fait rêver.) Centre de la ville. Deux enfants de dix ans à deux moments différents se font très sérieusement remonter les bretelles par leur mère. Scènes intemporelles entre La gloire de mon père et La guerre des boutons. (Tout n'est pas perdu, tout ne s'est pas perdu.) Errance en s'éloignant de la foule, rues les plus anciennes avec façade en bois, médaillons de Jacques Cartier et de sa femme, maison natale de Chateaubriand (le panneau devant l'hôtel le cite: «je suis né dans une chambre face à la mer» et cite la rectification de sa sœur: «la chambre de notre mère donnait sur la rue». Mais qu'importe? La femme de Chateaubriand a écrit ses propres souvenirs qui eux non plus ne coïncident pas toujours avec ceux de l'illustre…)

Nous reprenons la voiture. Il fait si beau que nous pouvons décapoter. Nous gagnons Saint-Brieuc par "la route des tracteurs".

De Lisieux à Jullouville par Bayeux et Tatihou

Retour à l’écriture dans la voiture. 20h15. Nous venons de quitter Cerisy que je voulais montrer à O. (Nous nous sommes garés près des Escures (écuries) où j’ai eu ma première chambre, je lui ai entrouvert la porte arrière de la bibliothèque d’où il a aperçu les chaises en rang devant le petit bureau (tandis que dans l’enfilade des ouvertures brillait la lumière de la salle à manger), je lui ai montré la fenêtre de ma dernière chambre dans l’orangerie dont la porte était fermée (personne ne dort dans l’orangerie? Il doit y avoir peu de monde. Le colloque sur la textique tenu par Ricardou est-il annulé, ou se tient-il malgré tout grâce à quelques fidèles?), il a vu la pelouse-prairie, le bocage et les vaches qui constituent l’horizon. Je lui ai fait remarquer le silence, l'absence de lampadaires: nuit et silence, je ne dors jamais mieux qu'à Cerisy.

La voiture a des éclaboussures de boue rouge jusqu'aux vitres: tout à l'heure Waze s'est trompé et nous a fait tourner sur un chemin défoncé autour d'une centrale électrique ou équivalent (des pylones entourés de murs). L'eau cachait la profondeur des flaques et la voiture s'est plusieurs fois enfoncée brutalement dans les ornières. La plaque avant est couverte de pétales d'ombelles de carottes sauvages: O. s'est trouvé face à face avec une voiture au sortir d'un de ces virages impossibles sur route étroite et a donné un coup de volant vers le fossé (plus de peur que de mal).
Nous repartons.

Ce matin, nous avons visité la basilique de Lisieux (avec cours sur la IIIe République, l'ordre moral et le Sacré Cœur). Il pleuvait en sortant, il n'a plus arrêté de pleuvoir. Nous roulons penauds sous la pluie, adieu le cabriolet. Bande originale de Fury Road. Bayeux à midi (le pire des parkings que nous ayons jamais vus, indiquant des places libres qui sont en réalité des places handicapés, obligeant à des demi-tours car il n'y a pas de voie ouverte au bout des allées), crêperie (ne pas perdre le sens des priorités), musée à une heure et demie.

Un jeune homme passe pour prévenir en anglais de la durée de la queue. Fifteen ou fifty minutes? Fifteen, m'assure O. Il reste dans la queue sous le crachin pendant que je vais acheter deux cartes postales pour gagner du temps. Il me rejoint: c'était fifty. Je lui montre un ou deux livres, des cartes postales, qu'il ait une idée de ce que c'est que la tapisserie.
— On y va? Pas de regret?
— Moi tu sais, faire cinquante minutes de queue pour soixante mètres de tapisserie…
La formule me fait rire. C'est bien ce que je pense, surtout sous la pluie. (Plus tard il me dira que deux adultes en ont fait autant, alors qu'il a l'impression que les personnes avec enfants se sentent obligées de rester: mais pourquoi? (Ça dépend peut-être de s'ils viennent de loin, suggérè-je.)

En parfaits touristes cependant, nous passons un long moment dans une petite boutique qui vend de multiples objets ornés de coquelicots, en souvenir du débarquement. (Toujours mon sur-moi cruchonesque me fait des remontrances: comment, préférer des coquelicots à la tapisserie de Bayeux!!?)

Nous montons à l'île de Tatihou sous la pluie, nous visitons l'île de Tatihou sous la pluie (fort Vauban, goélands argentés, bruns et marins, grisards et fleurs. J'ai beaucoup d'admiration pour Vauban. Je devrais prévoir un tour de France sur les traces de Vauban).
L'île peut être atteinte à pied à marée basse (— Une île qu'on peut atteindre à pied…), nous y allons en bateau à roues ("véhicule amphilie"), nous en revenons donc à pied.
Quand j'ai acheté les billets pour le bateau j'ai également acheté deux ponchos de pluie, nous nous sommes changés dans la voiture pour nous couvrir davantage. Il pleut, l'ai-je déjà dit, grosse pluie, pluie fine, ciel gris et vent.
Nous revenons à pied, trempons les jeans, les basketts, les chaussettes. Je n'ai rien prévu pour le froid et la pluie puisque je ne prends jamais les prévisions météo au sérieux.

Je réserve un hôtel en-dessous de Granville, le but étant de se rapprocher du mont Saint-Michel pour demain matin.
Coutances ou Cerisy? Il est tard, la cathédrale sera fermée, je choisis Cerisy.
(Conversation hier entre frère et sœur :
— C'est quoi Cerisy?
— Tu sais bien, quand papa fait la tête et que maman n'est pas là? Elle est à Cerisy!
(note à l'intention de mes honorables lecteurs: ce raccourci est tout à fait faux, mais il m'a fait rire.))

Plus tard, hôtel des pins à Jullouville, à deux pas de la plage: jolie chambre et très bon restaurant.
Nous faisons sécher les basketts sur la fenêtre et pendons le reste un peu partout.

De Yerres à Lisieux par Maintenon et la Ferté-Vidame

H. a des rendez-vous la première semaine de mes vacances, j'ai donc décidé de partir en road-trip avec O. avec deux objectifs: lui faire faire les kilomètres suffisants pour la conduite accompagnée et vérifier que nous nous supportons une semaine avant d'en partir quatre (l'année prochaine si tout va bien).

Nous partons en retard, le temps que je fasse mes valises et que je range un peu la maison. L'idée était de visiter le jardin de la petite Rochelle mais comme nous avions rendez-vous en début d'après-midi chez Fabrice, j'ai très vite su qu'il fallait abandonner cette idée. Nous nous sommes donc arrêté à Maintenon. Il fait doux et bleu, le jardin est magnifique. Je découvre le projet fou de l'aqueduc qui devait amener l'eau de l'Eure jusqu'à Versailles: il aura manqué vingt kilomètres au projet de quatre-vingt.

Nous circulons à l'ancienne, carte Michelin sur les genoux. Après-midi chez Fabrice, gâteau au noix, arbres (il reste des ormes) et étang (les écrevisses prises au piège). Quelques projets scouts. L'enfance en Basse-Normandie paraît peu joyeuse.

En partant nous passons à la Ferté-Vidame (je fais de l'initiation à la littérature par la géographie). Quel étrange lieu de mémoire que ces ruines qui ne sont que les ombres d'un autre château disparu. Nous rêvons devant les ruines d'une ombre.

Nous repartons en réglant Waze sur "chemin le plus court" (et non le plus rapide) et nous accédons soudain au royaume des moissonneuses-batteuses et des tracteurs. Volutes de poussière, routes étroites (— Tiens ta droite! — Quelle droite?) et bonheur.

Lisieux. Il existe de petits lapins nains. Friture d'éperlans (un vice caché).
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