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Rodin et Vienne

Ayant décidé de ne plus revenir aux "dîners littéraires", j'avais dans le même mouvement voulu faire un effort pour la dernière fois et m'inscrire à l'une des sorties parfois organisées (visite du Sénat, du Conseil d'Etat, etc).
Cette fois-ci il s'agissait d'une visite des jardins du musée Rodin. Suis-je mal tombée ou est-ce toujours ainsi, ce fut piteux. Je suis arrivée en retard, Marie-Paule était seule avec deux "nouveaux"; plus tôt un participant s'était montré agressif et s'était séparé du groupe. Nous avons déambulé sans but et sans explication dans le jardin (Marie-Paule très déçue qui attendait je ne sais quelle rénovation) jusqu'à la fermeture et nous sommes allés boire un verre au café le plus proche.

Une participante nous a rejoints. La conversation a dévié, nous avons appris qu'elle avait vécu vingt-cinq ans à Vienne. J'ai sorti mon carnet et je lui ai demandé si elle avait des endroits à me recommander qui permettent de voir également la Vienne actuelle et les Viennois, et non uniquement l'histoire et l'art.

J'ai couvert deux à trois pages d'indications orthographiées à l'oreille, en comptant sur google pour corriger. Vienne est entourée de forêts et de vignes, de "bains" dans des lacs issus de bras morts du Danube. Les monastères de la campagne possèdent des auberges dans Vienne. Au printemps les abricotiers parfument la région (des abricotiers en Autriche?)
Le Lainzer Tiergarden, refuge des Lipizzans en été.
Steinhof, l'hôpital des fous, mais aussi, je le trouve sur internet, le lieu de l'extermination d'enfants sous la domination nazie.
La Wachau en allant vers Melk (louer une bicyclette et suivre le Danube jusqu'aux abords de la Wachau).
L'abbaye de Klosterneuburg et son trésor au nord de Vienne.
Heldenberg, la montagne des héros, (Radetzky y est enterré) à 53 km au nord ouest de Vienne.
L'Eglise de Wotruba, en béton.
La pâtisserie Sluka.
Les toilettes sur le Graben.
Le cimetière des inconnus où sont enterrés les corps repêchés dans le Danube. Sur wikipedia, l'article n'est traduit qu'en turc…
L'abbaye de Heiligenkreuz possède le quartier (les cours intérieures? l'ensemble immobilier? comment traduire?) de Heiligenkreuzerhof à côté de la cathédrale St Etienne.
La visite des égoûts sur les traces du 3e homme (le film passe à Vienne depuis sa sortie).
Sirbu, une guinguette dans les vignobles.
(guinguette ou bar à vin: heuriger : heuer, de l'année. L'empereur Joseph avait autorisé les vignerons à vendre leur production de l'année).
Prendre le tram pour Stammersdorf et ses guinguettes.

Il faudra choisir dans tout cela.

Et puis d'autres notes sur Rome et même sur Paris.
Puis le jardin Catherine Labouré, derrière l'hôpital Laënnec (l'ancien hôpital Laënnec) puis le restaurant, les conversations…

Littérature grecque

En regardant google agenda hier en cours, je me suis aperçue qu'il y avait ce soir un "dîner littéraire" dont le thème était Grèce et littérature. Curieusement je ne reçois plus de mails d'invitation depuis quelques mois. Il a d'ailleurs fallu que je refournisse mon mail sur le formulaire d'inscription, il a dû être écrasé.

Je me suis donc inscrite et j'ai choisi en catastrophe ce que j'allais présenter: quelque chose de court (puisque personne n'emprunte de gros livres), quelque chose que je connaissais puisque je n'avais plus le temps de lire un ouvrage de fond tel que j'avais eu l'intention d'en amener lorsque j'avais pris connaissance du programme en début d'année (Antoine Meillet, Aperçu d'une histoire de la langue grecque, dont Antoine Compagnon avait parlé dans son séminaire sur le structuralisme, ou finir Autour de Platon, le merveilleux livre d'Auguste Diès).

Pas Cavafy, tout le monde allait l'amener, pas Odysseas Elytis, je ne sais plus où la plaquette se trouve dans la maison, pas Lacarrière ou Romilly, trop évidents, Tristano meurt conviendrait-il à ce thème?
J'arrête rapidement mon choix sur deux volumes minces et en outre bilingues (une page sur deux à lire…) d'épigrammes antiques dans la collection Orphée, La Couronne de Méléagre et La Couronne de Philippe. Mon inscription est terminée.

Tous ces scrupules étaient inutiles: j'ai été la seule à ma table à repartir avec des livres présentés. Les gens viennent, commentent ou pire racontent interminablement le livre qu'ils ont amené (parfois un livre de bibliothèque (Hypérion d'Höderlin) ou pour la première fois ce soir des feuilles photocopiées) et repartent sans se préoccuper de ceux des autres.
Je ne reviendrai pas l'année prochaine — ni jamais. Je vais juste récupérer mes deux livres encore en circulation.

Point positif : quelqu'un a présenté une revue éditée par la librairie grecque Desmos. Il faudra que j'y passe.

Tout cela a fait naître un irrésistible désir de Grèce.

Embarras

Coup de téléphone d'un bookcrosser à midi. Il souhaite me rencontrer. C'est ainsi que tout avait commencé avec Paul (enfin, pas par un coup de fil, par une carte postale paniquée de ma part quand je m'étais rendue compte qu'il allait être choqué par le livre que je lui avais prêté, Le voleur de bible. Je ne sais plus comment nous sommes revus ensuite).

Je n'en ai pas envie. J'avais quarante-six ans d'écart avec Paul, un tel écart ne se reproduira pas. Je ne sais pas qui est cet homme (parmi ceux rencontrés ce soir-là je ne revois pas son visage), je sais que nous n'étions pas à la même table, peut-être veut-il parler de Gottland, je n'y crois pas, je ne crois plus à de nouvelles amitiés, je voudrais juste qu'on m'oublie, que je puisse me réabsorber en moi-même, et disons-le tout net, de ce point de vue vieillir est une bénédiction.

Bon, on verra bien. Mais je m'ennuie déjà à l'idée des conversations poussives, ou à l'inverse j'ai déjà honte à l'idée d'un sujet que je défendrai avec passion. Pourquoi se voir sans rien à se dire?


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La générosité et la bonne volonté chez Descartes

Minuscules péripéties

- Méditation de l'Avent à St Ignace. Ephraim, Jérémie. «Si aujourd'hui on fondait des épées pour en faire des charrues, c'est sans doute qu'on aurait inventé de meilleurs moyens pour tuer que des épées, des moyens qui permettent de tuer à distance, sans voir le corps de l'autre.» Long parcours dans l'Ancien Testament: si je ne savais pas que l'intervenant est protestant, aurais-je trouvé ce parcours si protestant?

- Bibliothèque de l'ICP. Alerte incendie. Six étages à descendre et remonter. Les pompiers amateurs chronomètrent: notre évacuation est trop lente.

- Schleiermacher. Je pose des questions que je suis seule à me poser (car les autres connaissent les réponses). Les Luthériens sont plutôt au nord de l'Europe, les réformés viennent plutôt de la sphère suisse (Calvin, Zwigli, etc). Ces derniers ont essaimé à travers le monde suite à la persécution française, ils sont très répandus. Les protestants comprennent ces deux groupes et les baptistes, etc.
Schleiermacher a beaucoup œuvré à la réconciliation entre Luthériens et réformés (je ne pose pas de question sur les différences de dogmes). C'est ce que symbolisent des statues sur le dôme de Berlin.

«Toujours à nouveau, immer wieder, on dit ça toute la journée en allemand, à son buraliste, à ses enfants, à ses collègues. Toujours à nouveau, ça paraît tellement important en français, alors qu'en réalité, cela indique simplement la répétition, quelque chose comme "sans arrêt", "tout le temps".»
Moralité: en philosophie et en théologie il faut dégonfler les traductions françaises de l'allemand de leur emphase mal à propos .

- Bookcrossing, enfin sauf pour la dame qui n'a pas présenté un livre mais un film, pas sur le thème imposé mais à sa fantaisie, et n'a apporté ni le livre (elle avait songé malgré tout à L'Œuvre au noir) ni le film. En somme une sorte de performance dans l'inexactitude.

Imprévus

A., le pilier juridique parmi les administrateurs de la mutuelle, part en congé maternité vendredi. Elle avait beaucoup insité pour nous voir, ma collaboratrice J. et moi, avant de partir en congé, tant insisté — alors qu'elle ne l'avait pas fait pour son premier enfant — que j'avais dit à J. qu'elle devait avoir quelque chose à nous dire. J., curieuse (c'est ma grande informatrice concernant les rumeurs qui circulent dans les bureaux), avait alors trouvé le moyen de se libérer pour déjeuner avec A.
J'avais vu juste : A. ne reviendra pas, elle suit son mari à l'île Maurice.

La nouvelle date de trois semaines, A. en est encore bouleversée (il faut dire que faire ses cartons pour l'autre bout du monde avec un bébé de trois mois est une perspective qui m'épuise rien que d'y penser).
Ce fut l'occasion de me rendre compte que je confondais plus ou moins l'île Maurice avec Mayotte: non, c'est une île indépendante au large de Madagascar avec l'anglais en langue officielle même si le français y est largement utilisé.

J'ai l'impression de vivre le début de la fin de l'âge d'or de la Mutuelle, A. qui part vendredi, mon patron probablement cet été (en retraite). C'était si facile de travailler avec A. et lui que je ne peux qu'envisager que ce sera moins bien. Mais après tout, cela pourrait être mieux. Dans l'absolu, c'est possible.

Schleiermacher à un rythme accéléré: nous traduisons si lentement que cette fois-ci pour couvrir plus de texte nous n'avons pas traduit le texte original mais lu les deux traductions françaises, Rouge et Raymond, en nous reportant au texte allemand pour comprendre quelle tournure traduisait quelle expression.

Bookcrossing sur le sport. Intéressante intervention d'Alain de Chanterac qui vient d'écrire un livre sur Antoine Blondin (Morand, Cocteau, Montherlant, bien des références que j'aurais dû noter — il reste la ressource de lire son livre).
Je repars avec Born to run, qui fait écho à une conversation de juin dernier.

En sortant, un jeune homme m'arrête, un revenant du temps de la SLRC: Rodolphe, rencontré chez Marcheschi. Evocation de Notes sur les manières du temps, les Demeures, je lui conseille de s'attaquer à L'Inauguration de la Salle des Vents. Quel plaisir de reparler de tout cela, quelques minutes. Quel gâchis.

I did it again

Dîner book crossing, je présente Vingt mille lieues sous les mers.

Je suis arrivée très tard après l'aviron et je suis en face d'un "vieux" participant, qui fait plutôt partie des "jeunes" (c'est relatif) et des rares hommes. J'évite en général de me trouver à sa table car il parle fort en disant beaucoup de bêtises (de choses fausses) mais il est la coqueluche de ces dames qui boivent ses paroles.

Tout se passe très agréablement jusqu'au moment où il me demande, arrivé au dessert:
— Et comment choisissez-vous vos livres?
— Si je n'ai pas d'idée j'essaie de trouver un blog ou un site sur Google. La difficulté est de trouver les bons mots-clés.
— Ah oui, Wikipedia… et votre fils informaticien doit pouvoir vous aider…

Et là, grand circuitage dans mon cerveau. Il y a tant de choses fausses dans cette phrase que je suis totalement désorientée: Wikipedia n'est pas Google (et réciproquement); un informaticien ne sait pas mieux chercher sur Wikipedia que n'importe qui (ou si oui, ce n'est pas parce qu'il est informaticien mais parce qu'il sait chercher); et je n'ai certainement pas besoin de mon fils pour chercher, je sais sans doute mieux chercher que lui, en tout cas en littérature…, que quelqu'un de son âge avec ses responsabilités ne sache pas faire la différence entre Google et Wikipedia, qu'il semble présupposer que je ne suis pas capable de chercher seule, qu'il semble penser que pour des recherches sur la littérature il vaille mieux connaître l'informatique que la littérature…

Désarçonnée, j'ai dû répondre avec trop de conviction (je ne m'en rends pas (jamais) compte, mais sa réaction me fait penser que oui):
— Mais enfin c'est absurde, ça n'a rien à voir !
Il l'a très mal pris: "Ne me parlez pas sur ce ton".
Zut. Le but n'était pas de le vexer.

Nous nous sommes réconciliés après que le ton ait monté, lui ne comprenant pas ce que je voulais dire (dans l'utilisation d'un livre, un imprimeur n'est pas avantagé par rapport à un lecteur lambda, ai-je tenté), moi ne comprenant pas pourquoi c'était si grave que je lui dise qu'il se trompait (mais comme je le disais plus haut, personne ne contredit jamais ses assertions, alors que bon…)

Je l'aime bien, et au final ce n'est peut-être pas si grave (l'organisatrice évitera de nous mettre à la même table, j'ai honte). Mais il faut vraiment que je mette en place des réflexes de sauvegarde quand j'entends des bêtises: il faut que j'apprenne à penser automatiquement à autre chose, il faut que j'apprenne à rassurer mon cerveau qui ressent de la panique, comme si l'ensemble de la sphère de la raison se dérobait et qu'il glissait dans la folie.

Grève

Grève, ça faisait longtemps.
C'est le jour que je choisis pour oublier ma carte Navigo. Je rachète donc un carnet de tickets, car c'est aussi le jour que j'ai choisi pour aller chercher des livres à la bibliothèque de l'ICP (c'est la lecture de Sur les psaumes qui m'a donnée des indications bibliographiques).

J'emprunte:
- Epektasis, mélanges offert au cardinal Daniélou (je vois arriver avec stupéfaction un livre de la taille d'un petit Larousse. Chapeau les éditions Beauchesne!)
- M.Canévet, Grégoire de Nysse et l'herméneutique biblique (je découvre la beauté physique des éditions augustiennes, l'encre et le papier)
- Balthasar, Présence et pensée, sur Grégoire de Nysse, un Balthasar qui paraît accessible.

Grève, donc.
Le matin, pas beaucoup plus de monde qu'un jour où deux trains ont été supprimés.

Le soir, ce fut plus comique. J'arrive en courant (pfff pfff) avec deux minutes d'avance sur le quai gare de Lyon pour attraper le dernier train qui part ce soir (21h45). Comme je l'avais anticipé (car c'est habituel mais attention, ce ne doit pas être considéré comme acquis, cela reste aléatoire, arbitraire, dans la grande tradition ératépéessencéef), le train ne part pas aussitôt.
Finalement, il partira avec quarante-cinq minutes de retard. J'aurais pu manger tranquillement mon dessert.

Car ce soir, il y avait bookcrossing, heureusement à deux pas de la gare de Lyon, sur le thème de l'humour et l'ironie chez les auteurs contemporains (l'organisatrice adore ajouter "contemporain". Impossible de creuser les sillons de la littérature classique, toujours elle nous impose les "contemporains".) J'ai présenté Hervé Le Tellier, Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable. Dommage que cette rencontre n'ait pas lieu un peu plus tard, après la parution de Moi et François Mitterrand, à venir dans les prochaines semaines.
Je l'ai présenté en courant et la première car il était déjà neuf heures, nous avions pris beaucoup de retard. Gentiment, le restaurateur m'a amené tous les plats quasi ensemble et je me suis brûlée avec mon crumble aux pêches. J'ai tout avalé et suis partie en courant (sens littéral).

Gossip

Premier dîner "littéraire" depuis septembre: impossible durant le premier trimestre entre cours de grec et cours flottant.

Thème :les écrits des académiciens actuels. En précisant "actuels", Marie-Paule m'empêche de me défausser vers Yourcenar, par exemple. J'hésite entre Delay et Obaldia et je choisis Mgr Dagens, en me disant que personne ne présentera Grégoire le grand (et bien sûr, me permettra de lire à propos d'un père de l'Eglise).
Bien sûr, je ne me fait pas grande illusion: un gros livre (pas si gros, cent à deux cents pages de notes en latin et de références à la fin, toujours ça de moins à lire) sur un sujet austère, la spiritualité chrétienne infusant l'Europe au moment des invasions barbares, personne, normalement, ne va m'emprunter un tel livre.
Mais j'essaie: il peut y avoir à ma table de vieux amoureux des humanités, du latin et du grec, qui seront heureux de se plonger dans leurs souvenirs. Il peut arriver que quelqu'un s'intéresse à l'histoire des mentalités (car sans la foi, cela revient à cela).
Mais pas ce soir.

Ce soir, j'ai découvert des acamédiciens dont je ne savais même pas qu'ils étaient écrivains: Dominique Bona?

Je suis frappée que tous les livres présentés à ma table étaient de l'ordre de la biographie ou de l'histoire, y compris de l'histoire très contemporaine: Fou de toi (Paul Valéry), Berthe Morisot, Sauver Ispahan et Globalia, Trop bien élevé, François le Petit (le genre de livre que je déteste profondément), et mon Grégoire le grand.

Les livres (la littérature) intéressaient moins mes compagnons que les potins, une telle a ouvert le bal de la faculté de droit à Rennes avec Bredin dans les années 60, une autre ne s'intéresse qu'aux rapports entre la famille Manet et Valéry (une cousine épousée), la troisième rit beaucoup aux allusions de François le Petit alors que je n'en comprends aucune et m'en moque éperdûment : tout cela sera oublié dans dix ou quinze ans, il faudra d'interminables notes de bas de page pour expliquer qui était qui…

Pour le reste, j'ai assisté éberluée à un condensé de café du commerce : l'association de l'école propose un voyage en Iran, et ces dames de commenter l'obligation de porter un foulard, des pantalons larges et des tuniques longues, et moi de penser à Soumission (mal à propos, puisqu'il s'agit de l'Iran et non de la France), de me demander peu charitablement quelles pensées perverses pourraient inspirer ces dames et à quel point il faudrait être pervers pour qu'elles en inspirent (pour donner une idée, elles s'exclameront: «elle est morte très jeune, à cinquante-sept ans». Euh… pour moi, «très jeune», pour mourir, c'est avant trente-cinq ans, ensuite c'est jeune (avant quarante), puis dommage (avant soixante), puis envisageable mais regrettable (avant quatre-vingt ans), puis «c'est la vie»).
A été commenté également l'imminent remaniement ministériel, la réforme de l'orthographe, la grâce présidentielle de Mme Sauvage («La légitime défense en tirant dans le dos, ce n'était pas tenable. Je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas plaidé les circonstances atténuantes» — ce qui est exact.)

Je les aime bien, ils m'ahurissent: je contemple l'écart qui nous sépare et je me demande pourquoi je n'ai pas compris plus tôt que c'était inévitable et sans importance, que je ne leur ressemblerai jamais mais qu'en réalité je ne le souhaitais pas, je le détesterais; mais que cela n'empêchait pas de passer une curieuse et confortable soirée.

Littérature populaire

Bookcrossing. Peu nombreux, onze. Je me sens plus à l'aise que d'habitude, je ressens davantage le plaisir de retrouver des visages connus. Nous sommes au bistrot d'Edgar près de TGB. Il fait bon, la couleur de l'air est idéal.
Expo Piaf pour un certain nombre de participants.
Je présente Pas d'orchidées pour Miss Blandish. 1938. Ce livre m'a fait penser à Sanctuaire (1931: Chase avait-il lu Faulkner?)
Je repars avec Pierre Benoit que je n'ai jamais lu.
Comme j'écris ces quelques mots jeudi soir, j'ai presque terminé Pour Don Carlos (ah ces livres qui se lisent en trois heures!) Je ne m'attendais pas à ça, noir, gothique, on dirait du Barbey d'Aurevilly.
Cela me donne envie de reprendre Le cinquante-quatrième jour.

Les chiffres et les lois

Hier soir, chiffonné un juriste en comparant le système de Madoff et celui des retraites françaises.

Absence

En une semaine, les roses ont eu le temps de fleurir, malgré le froid et la pluie qui les a abîmées. (Chaque année il pleut au moment où les rosiers fleurissent.)





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Agenda
Ce soir bookcrossing sur le thème de la littérature du Sud-Est asiatique (cela m'a été l'occasion de découvrir cet excellent blog).

Dans les pommes

Don de sang en entreprise. J'y vais pour découvrir à ma grande surprise que je n'ai pas donné depuis… 1996. Comme le temps passe (j'ai un peu honte).

Vérification de numération (j'ai structurellement un petit nombre de globules rouges): c'est OK. Je préviens de ne pas tirer trop vite car je me suis sentie mal la dernière fois (la raison sans doute pour laquelle je n'y suis pas retournée, entre grossesse et allaitement).

Déjeuner au self, cafétéria, je lis les documents destinés à préparer le TG de dogmatique. Papillons noirs et bouffées de chaleur, je déplace le tabouret de bar contre le mur, je m'appuie dos bien droit, je respire lentement. Je me réveille au sol, je ne sais plus où je suis, je rêvais, cela ne ressemble pas à mon lit, à la mine bouleversée de la jolie Asiatique en face de moi je comprends que je suis tombée du haut du tabouret et que cela a dû être spectaculaire, j'ai la lèvre fendue par mes dents et le genou écorché, j'espère que ma robe n'est pas trop remontée dans la chute, je rassure et remercie tout le monde, me rapproche de la table, range mes papiers, respire, vide ma tasse et me réveille une seconde fois au sol.
Cette fois-ci pas moyen d'y couper, on apelle "la sécurité", fauteuil roulant, je suis embarrassée de me donner en spectacle, il fallait boire beaucoup et ne pas enlever mon bandage qui faisait compression, me dit l'infirmière.
Je dors deux heures à l'infirmerie et réussis à ne pas me faire ramener chez moi en taxi (j'ai à faire à Paris).

Il reste la fascination pour ce moment du réveil et l'impossible reconstitution du moment de la perte de connaissance. Aucun souvenir, rien, comme s'il ne s'était rien passé. Impossible à prévenir, puisque foudroyant et imprévisible.

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Agenda
Bookcrossing. Restaurant Hôtel du Nord. Thème "les prix littéraires", j'emmène Frédérik Pajak, Manifeste incertain, tome 3.

Bookcrossing

Le thème était "l'écrivain avec qui vous voudriez dîner", sur quoi j'ai fait remarquer que si je lisais un romancier, je n'avais certainement pas envie de le rencontrer.

J'ai présenté Logiques du brouillon. Trop théorique pour eux. Et pourtant Daniel Ferrer est le plus passionnant et le plus fin des convives. Je repars avec Trois femmes puissantes.

J'observe les défauts et les mauvaises manières de tout ce petit monde et je m'y sens de plus en plus à l'aise. Certes je sens bien que ce parti pris d'observation, par la distance qu'il instaure, me détache, mais ça n'a pas d'importance. Les livres mêmes que j'apporte m'isolent. Et cela m'amuse. Le vieux monsieur en face de moi feuillette mon livre et s'exclame comme si je n'avais rien compris: «Ah, mais ce sont ses livres sur Joyce qu'il faut lire!» (Euh oui. Mais si vous n'arrivez déja pas à lire celui-ci, ce n'est peut-être pas urgent d'essayer.) Il me demande: «Vous aimez les lectures difficiles?» A la table d'à côté un nouveau venu présente Le roi pâle de David Foster Wallace. En contemplant l'épaisseur du livre, je me dis qu'il n'a aucune chance [qu'on le lui emprunte] (mais n'est-ce pas tricher par rapport au thème, peut-on dîner avec un mort?) D'autres n'ont rien amené, arguant: «mais je croyais que nous parlerions d'un auteur». Oui, enfin, cela fait plus de quinze ans qu'il s'agit de bookcrossing, avant même que le terme existât: plus difficile de crosser quand il n'y a pas de book. Mais puisque plus personne ne crosse vraiment… Pourquoi sont-ils là? Pour voir du monde? Pour un sentiment d'appartenance? (Et pourquoi suis-je là? Ah oui, pour m'entraîner à la conversation (ou au silence), pour m'obliger à lire sous contrainte, pour découvrir des auteurs, pour changer de monde, après le boulot, l'aviron, la catho.)

En rentrant, je finis Le curé de Tours. Après Une tébreuse affaire, deuxième histoire de vengeance, deuxième récit exposant des rouages et des tactiques juridiques encore en vigueur aujourd'hui.
Je ne savais pas que Balzac avait fait dans le comique. Pauvre abbé, naïf, égoïste et gentil. (L'égoïsme a un statut étrange dans cette nouvelle, c'est quasi une qualité si je comprends bien les derniers paragraphes.)

Tout va très mal, Madame la marquise

Je lis Satori à Paris que j'ai récupéré hier soir au bookcrossing (thème: Paris. J'ai présenté La marquise sortit à cinq heures).

Ce livre me fait tellement rire que je vais sans doute le recopier tout entier.

Ainsi donc, la Bibliothèque Nationale qui ne communique aucun livre, les avions bloqués en bout de piste, les trains bondés, c'était déjà vrai en 1965? Ce ne serait pas dû au fait que nous sommes devenus trop nombreux (comme le soutient Hervé)? Well, well, well.
(Hélas, pas de notation sur le métro, cela m'aurait intéressée.)

Cela me fait rire mais ce n'est pas drôle, car si c'est une donnée permanente du caractère français, cela veut dire que cela ne va pas changer.

Book crossing

Retour à ces rendez-vous mensuel. Thème facile: "un été, un livre". J'ai amené le Marie Stuart.

Admirable cours de savoir-vivre et de gentillesse (est-ce la même chose?) de la part de ma voisine, qui relance plusieurs fois par des questions ciblées le discours de la vieille dame en face de moi qui présente longuement son livre — ça n'en finit plus —, nous racontant absolument tout (j'en ai oublié le titre: un gros roman de 2013 racontant la vie d'une rue anglaise), fascinée par l'argent étalé dans le récit.

Son voisin me lance des coups d'œil goguenards, il s'ennuie. Lui présente Un été avec Proust, tiré de l'émission de France Culture. Visiblement il n'est pas convaincu et pose la question qui le taraude: y a-t-il réellement des gens qui lisent Proust, ou est-ce réservé à un petit nombre de spécialistes? Je lui assure que oui, il y a des lecteurs, «mais La recherche n'est pas un livre que vous lisez pour passer à autre chose, c'est la lecture d'une vie, vous y revenez régulièrement, vous ne le lâchez jamais plus».
(Je repartirais avec son livre pour que celui-ci ne reste pas sur la table. Pour moi c'est une lecture facile, je commence à bien connaître Proust, mais comme dirait Barthes, à chaque lecture on découvre des passages qu'on a jamais lus.)

Ma voisine de droite présente A l'encre russe qui l'a déçue (mais alors, pourquoi le présenter? C'est étrange) et un autre poche que j'ai oublié. Je repartirai avec le Rosnay en me disant que j'en aurai au moins lu un, avant de m'apercevoir en l'ouvrant que je suis incapable de lire ce genre de phrases sans force.

Le dernier participant est un trentenaire venant pour la première fois. Il présente une autobiographie de Miles Davis. Comme elle est écrite en anglais je l'emprunte en me disant que personne d'autre ne la prendra. En toute innocence (je veux dire qu'il ne connaît pas encore les travers de ces réunions) il cite Deleuze sur Proust, Perec et La vie mode d'emploi à propos du livre de la vieille dame. Les autres sont un peu perdus. Il m'emprunte Marie Stuart.

Comme nous parlons de nos prochaines participations, j'évoque l'impossibilité de venir le mardi l'année dernière; de fil en aiguille, je parle de mon cursus et de la théologie. J'ai toujours la même surprise de découvrir que cela passionne les gens. Le jeune homme est d'origine arménienne (qu'il ne parle pas) et étudie le russe, la conversation glisse sur les orthodoxes et les chrétiens d'orient, nous faisons le tour des lieux de culte parisiens, j'évoque la librairie de St Serge, les autres tables se sont vidées que nous sommes encore à discuter.

J'avais prévu des chaussures plates pour rentrer ce soir, mais je les ai oubliées au bureau. J'arrive à temps pour prendre le bus B à Villeneuve-Saint-Georges (23h46), ce qui est plus rapide que le périple d'hier.

Entorse ou presque

Tombée dans la rue en allant prendre le RER. Entorse ou quasi. Je passe à la pharmacie à La Défense. Voltarène en compresse autocollante, c'est tout de même fantastique.
Je boîte si bas que je me laisse convaincre d'aller déclarer un accident de trajet à l'infirmerie (important si je devais être arrêtée plus tard, paraît-il). A quatre heures et demie, radio (les cabinets de radiologie sont toujours aussi désagréables).
Rien de cassé — je gambade presque de soulagement en sortant.

Deux heures à tuer en attendant le dîner des anciens : My Sweet Pepper Land. Chic, il est encore possible de faire des westerns (des easterns), avec un shérif, une institutrice, une bande de malfrats locale, des chevaux et des montagnes déchiquetées (je ne me moque pas: ça fait plaisir de voir ressuscité ce genre éculé). Il me semble même avoir détecté un hommage à la musique de Dead Man dans les moments cruciaux.

Dîner entre anciens Scienses-Po sur le thème de la littérature allemande (sur le principe du bookcrossing, si vous vous souvenez). Les gens ne se donnent même plus la peine de donner le change:
— Et c'est facile à lire?
— Ce n'est pas le terme. C'est austère. Moi j'aime bien.
350 pages. Trop gros. (Il s'agit de Voyage en Pologne de Döblin).
Sur les six personnes à table, je suis la seule à jouer le jeu (il faut dire que je viens pour ça (les livres), pas pour copiner ou enrichir le sacro-saint "carnet d'adresse") et à repartir avec Remarque en omnibus (les autres ne prennent rien, ne "cross" rien). Je ne lirai sans doute pas les quatre romans — mais un, je vais au moins essayer.

Un bavard

Le thème de la soirée était le Goncourt des lycéens. J'avais choisi Canines d'Anne Wiazemsky, pour rester dans la famille Mauriac, et j'y avais ajouté, parce que cela me paraissait léger, Penthésilée de Kleist traduit par Gracq, de toute beauté (le montage de la pièce est le sujet du livre d'Anne Wiazemsky).

La disposition du restaurant était ainsi faite que je me suis retrouvée à une petite table avec un vieux monsieur. J'ai pensé à Paul, et je me suis dit que la preuve que je vieillissais était que les vieux messieurs rajeunissaient: Paul était de 1921, celui-ci de 1939.

Il a été extrêmement volubile durant toute la soirée, regrettant le désengagement des jeunes face à la politique (l'abstention grandissante), s'insurgeant contre ceux autour de lui toujours en train de dénigrer la France et voulant me prouver qu'au contraire la France attirait les jeunes, etc, etc.(N'allez pas croire, j'aime bien les bavards quand ils sont intéressants, on grapille toujours des renseignements ou des anecdotes, et puis ils m'évitent de trop parler ou de faire des gaffes.)

Je suis repartie avec un livre de Carole Martinez, Du domaine des Murmures, par politesse, sans avoir vraiment l'intention de le lire.
Et puis je l'ai ouvert dans le RER.

La loi c'est la loi

Coup de fil de C. (majeur) qui a emmené son frère O. à l'hôpital pour sa visite de contrôle:

— Tu as un fax? Parce que sans procuration, ils ne me laissent pas le ramener, il reste à l'hôpital.


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Agenda : Soirée adaptation cinématographique avec les anciens Sc-Po. Je présente La Trève pour le plaisir de revoir Le voyage de Primo Levi.
Je continue mon observation de moi-même en situation sociale. Dire ou ne pas dire ce qu'on pense, et comment le dire.
Je ne suis pas sûre d'avoir été très douée ce soir.

Retour sur un ancien chemin

Retour sur au club littéraires des anciens Sciences-Po, ce club qui réunit des anciens au restaurant une fois par mois pour présenter un livre sur un thème imposé et repartir avec le livre d'un des participants (bookcrossing).

C'est ici que j'avais rencontré Paul Rivière, il y a bien longtemps (septembre 2000. J'avais présenté Le Voleur de Bible. Par coïncidence, la dernière soirée à laquelle j'avais participé de façon régulière avait eu lieu le 11 septembre 2001 — marche dans Paris silencieux, sous le choc, pour rejoindre le restaurant. (Ce soir-là, Madame Bleu de Chine (comprendre l'éditrice de Bleu de Chine) intervenait).

Ensuite, je n'y étais plus allée que sporadiquement, prise d'abord par mon Deug de philo, puis par la découverte de RC et le forum de la société des lecteurs.
Cependant ce club est resté au long des années le prétexte des rencontres hebdomadaire avec Paul: il venait avec le thème de la prochaine rencontre, je proposais des auteurs, nous discutions. Les livres s'entassaient sur la table de restaurant en pile aussi haute que la bouteille.

Je n'arrive pas à me souvenir exactement de ma dernière participation; avant la mort de Paul en avril 2010. Sans doute en mai ou juin 2009. Je sais que les derniers livres que j'ai présentés étaient Vies politiques d'Arendt (quel thème? l'actualité, la culture? je ne sais plus) et Les gommes (thème: la ville).

Je reçois régulièrement les annonces des prochaines rencontres, et cette fois-ci, un peu par curiosité, un peu par ce que je me sens moins fatiguée que l'année dernière, je me suis inscrite. (Thème: "vos lectures non littéraires". J'ai présenté Souvenirs de Hans Jonas, m'apercevant en le feuilletant que beaucoup de noms inconnus en 2005 lors de ma première lecture (Bultmann, Löwith, von Harnack,…) me sont devenus familiers.)

Le hasard fidèle à lui-même m'a placée en face d'une dame revenant de plusieurs années au Etats-Unis qui enseigne quelques heures à la catho. La conversation a glissé sur le cycle C et a amené la fameuse question: pourquoi la théologie?
— La foi, sans doute. La montée de l'islam et la nécessité de "se connaître soi-même" pour répondre de soi et répondre aux autres. Et fondamentalement, c'est sans doute ce que j'aurais dû faire depuis toujours.

Pourquoi la théologie? Avouons que je ne sais toujours pas ce que c'est: de quoi parle-t-on? C'était un moyen d'échapper à la littérature, qui me paraît artificielle et affectée dès que je m'y penche, et à la philosophie, qui d'une part me dépasse souvent et d'autre part me met en colère, tant il me semble qu'elle joue à l'apprenti-sorcier, diffusant des idées (que l'on pense des conclusions mais qui sont des hypothèses) mises ensuite en pratique dans les cent ou deux cents ans suivants, causant des milliers de morts. (Evidemment, on peut répondre que la religion ne fait guère mieux. La théologie est-elle la religion? Il y a une phrase de Schmitt comme quoi un théologien souhaite la mort de ses ennemis. Bref, à suivre dans les prochaines années).

Un chose est sûre, c'est que cela me dirige où je voulais aller. C'est le chemin qui s'enfonce au cœur de mon obsession, s'il faut appeler ainsi une idée jamais absente, toujours présente: la destruction des juifs d'Europe. La question de Taubes demeure, «Que s'est-il passé?»

Je quitte la soirée avec deux livres, un policier et une sorte de catalogue d'exposition (Le Coup de filet de Camilleri et Moi, Eugénie Grandet de Louise Bourgeois). Le problème avec ces soirées, c'est que vous vous retrouvez avec des livres qui n'entrent absolument pas dans votre programme de lecture (par politesse, vous les prenez: c'est atroce de présenter un livre que personne ne choisit ensuite).

Silence

J'efface ce que j'avais commencé il y a une semaine. Ce qui n'est pas publié aussitôt ne l'est jamais, j'en perds le goût ou le désir.

Il me semble avoir accompli une boucle et revenir aux temps où je ne surfais pas et ne lisais pas de blogs: j'écrivais sur un site, j'en lisais deux, aussi incroyable que cela puisse paraître, je n'avais pas conscience qu'il y avait un "autour", un ailleurs.

Aujourd'hui il me semble que les blogs que je lis retournent progressivement au silence, moins de billets ou plus de billets, disparition. Je me sens gagnée par la même aphasie. Je résiste, mais je me demande bien pourquoi. Par moments j'ai envie de vider mon agrégateur, de fermer l'ordinateur et de ne plus jamais revenir.



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Agenda
Dîner d'anciens élèves. Je n'avais pas envie d'y aller, Paul devait être là, j'ai fait un effort (il ne va pas très bien, il devient tranchant et agressif. Peut-être la période de colère du deuil?)
Il est arrivé avec un petit dossier, le journal de voyage du père d'une petite-nièce qui était parti à la recherche d'Admunsen en 1927. Intéressant et émouvant.

Soirée animée et gaie, beaucoup plus intéressante que la précédente du genre.

Appris en vrac qu'il existait quatre bretons (quatre patois bretons), que baragouiner venait de "bara" et gwen ou gwin (tout en phonétique et de mémoire, donc ne pas s'attendre à de la précision), le pain et le vin (baragouiner : demander du pain et du vin), de même, Ardennes était d'origine celte, Ard-wenn ou Ar-dwen, le pays noir

Les faiblesses de la chair

Supplément de L'Express du 29 mai 2008 consacré à la mobilité (en entreprise). Ces quelques phrases concernent les postes à l'international :
Mais attention à la vie de famille, poursuit-elle ! Surtout si l'expatriation a lieu dans certaines régions du monde où, nécessité fait loi, des opportunistes qui y habitent apprécient beaucoup les «Occidentaux», en vue d'une idylle «incidemment» lucratives… «Les divorces vont alors bon train, la vie privée qui existait avant le départ est brisée et souvent la carrière avec», avertit Hélène Lacroix-Sableyrolles. Une grande enseigne de distribution, expatriant ses cadres vers l'Est, aurait d'ailleurs pris la mesure du problème, désastreux d'un point de vue humain, et réviserait avec attention sa stratégie RH promouvant les départs…
Cela me rappelle un récent dîner, aux côtés d'un avocat spécialiste du droit pétrolier. Nous parlions des pays pétroliers, de la richesse et de la pauvreté qui s'y côtoient, j'évoquais le cas Vénézuela que je connais indirectement. La conversation dériva sur les expatriés, mon voisin me confia:
— Les entreprises ont dû mal à garder leurs cadres [occidentaux] dans ces pays-là; les filles sont très belles…

(Oui, oui, c'était la même soirée tact (il vaut mieux toutes les cumuler le même soir) (C'est drôle, il ne me viendrait jamais à l'idée devant un homme d'évoquer un autre homme que je trouverais beau, ou plus beau, simplement par peur de blesser, par gentillesse ou par politesse. Ce n'est même pas réfléchi, c'est instinctif. Parfois j'ai l'impression de ne pas avoir été élevée sur la même planète que mes contemporains. Est-ce une question d'âge, de milieu social, de sexe, de caractère?))

Semaine 21

  • Lundi 19 mai 2008
Paul Rivière m'a invité à l'Ambassade d'Irlande pour la parution d'un livre sur John Law publié par un neveu. Puis dîner avec Claude X (de la BNF) et Paul.
On me recommandre chaleureusement l'exposition Marie-Antoinette, apparemment très émouvante. J'apprends que le roi et la reine portaient le deuil de leur fils aîné quand éclata la Révolution.
  • Mardi
Impeccable: désormais les enfants préparent le dîner. H. est déjà parti quand je rentre à 20 heures; je repars une demi-heure plus tard après avoir avalé deux Knacki Herta (l'inventeur de la Knaki est un bienfaiteur de l'humanité).
  • Mercredi
Repas "littéraire" (réunion d'anciens élèves de tous âges pour un book-crossing autour d'un thème. Inévitable ce soir-là: 1968. J'en ai profité pour lire les deux Arendt publiés cette année-là en France, ''La crise de la culture'' et ''Vies politiques'', titres qui m'ont paru particulièrement révélateurs de l'atmosphère de l'époque (étant entendu qu'un livre paru en 1968 date d'avant 1968)).
  • Jeudi
«L'impressionnisme est le mouvement le plus connu en France à cause des boîtes de chocolat. Il faudrait faire campagne pour qu'on mette Jasper Jones sur les couvercles de boîtes de chocolat; les Français découvriraient enfin l'art contemporain. (Picasso, ça va un peu mieux depuis la Xsara Picasso).»
  • Vendredi
Librairie or not librairie? (fonds de commerce à acheter dans le 5e à deux pas de la Sorbonne) C'est tentant, mais je me demande bien avec quel argent. D'un autre côté, en janvier, mon horoscope me promettait de grands bouleversements cette année. On est déjà fin mai et je ne vois rien venir.
  • Samedi
A défaut de beurrer des sandwiches, j'aurai enfilé des chamallows sur des brochettes (et réussi à en manger deux).
  • Dimanche
J'ai passé le week-end avec cinq blackettes qui m'ont appris un peu de vocabulaire «Comment qu'è t'as r'calée!» (— Ça veut dire quoi, recalé? — Ça vous choque qu'on parle comme ça, Madame? — Pas spécialement tant qu'y a pas de gros mots. J'enrichis mon vocabulaire. Alors, ça veut dire quoi? — Repoussé, elle a voulu l'embrasser, l'autre l'a repoussée. (Je raconte l'anecdote à C. qui traduit (le vocabulaire est très régionalisé): — ah oui, elle lui a mis un vent.)

Dieu est grand, nous sommes passés entre les gouttes.

Vieille France

Dîner. Je suis entourée par deux inconnus d'environ 60 ans (chacun à leur manière, ils m'ont assez vite précisé qu'ils étaient proches de la retraite).

Mon voisin de gauche : — Et vous aviez quel âge, en 1968 ?
Mon voisin de droite : — Si vous aimez nager, Bains de mer de Paul Morand... Morand n'est pas mon genre, mais Bains de mer… c'est un petit livre, une centaine de pages… enfin nager, pas en piscine, non, dans la mer, c'est un plaisir sexuel…

Je n'avais pas été élevée dans l'idée qu'un homme s'adressait ainsi à une femme inconnue dans un dîner conventionnel.
Muflerie ordinaire, de celle qui a oublié le tact, sans aucune méchanceté, ni provocation, ni rien.
Je me sens goguenarde, j'imagine leur tête si moi aussi j'avais abandonné les conventions pour être un peu plus directe.
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