Billets qui ont 'chapeau' comme mot-clé.

Pluie

Ramé sous la pluie (à l'origine, je pensais faire de l'ergo (mètre : du rameur)). Double canoë avec Dominique, Tristan a joué la prudence.

Le soir je fais chercher mon chapeau gris puis (c'est sur mon chemin), je passe à la Procure. J'erre longtemps, rien ne me repose autant. Je trouve un (le?) livre de mon prof d'allemand. Je découvre, ce que j'avais entraperçu sans en prendre la mesure, que c'est un philosophe spécialiste de Tillich: c'est généreux, pour une poignée (au sens propre: cinq) d'étudiants adultes dont trois sur cinq n'ont pas l'intention de devenir pasteur: cette capacité à fournir des cours de haut niveau à des amateurs avides de connaissances sans utilité immédiate me sidère. Quelle chance pour nous, quelle irrationalité (inefficacité, mauvaise allocation des ressources?) pour la société. Ou pas? Y a-t-il un espoir de retour sur investissement à long terme, un retour que personne n'imagine ou ne comprend? (à ce moment-là de mes réflexions, il y a toujours un étudiant terre à terre pour me faire remarquer ces cours, nous les payons).

J'hésite devant le rayon St Thomas. La Somme existe en dizaines de fascicules noirs (repris sous les titres communs: "les actes humains", "la grâce", etc), bilingue latin, ou en cinq forts volumes. Le traité des vertus en petit format n'est pas en rayon, et le gros volume coûte 122 euros… et je ne suis pas sûre de le lire. Tant pis. Je le feuillette un peu, c'est toujours la même découverte et le même souffle coupé devant une œuvre systématique qui a voulu couvrir tout le champ des possibles. Quelle ambition et quelle réussite. Comment a-t-il fait pour écrire autant (à la plume!) Et comment se fait-il que je n'arrive pas à lire ce que lui a trouvé le temps d'écrire?

Acheté :
- Père Matta El-Maskîne, L'expérience de Dieu dans la vie de prière
- frère Didier-Marie, Atlas Thérèse d’Avila
- Une année avec Saint Augustin
(et toujours dans mon sac l'éternel Beowulf que je n'en finis pas d'annoter.)

Je sors sous l'averse, il pleut de plus en plus fort, je suis trempée comme une soupe (j'ai toujours supposé que c'était une sorte de métonymie, qu'on voulait parler du pain: trempée comme le pain qu'on mettait dans la soupe).
J'étends tout en arrivant, je bourre les chaussures et j'enveloppe mes gants de journal.

Paris

Matin : visite guidée des jardins du Palais Royal en traversant la galerie Vérot-Daudat (le café du coin servait au tournage des Maigret) et en terminant par la place des Victoires. Nous apprenons qu'il est de tradition que les directeur et anciens directeurs de la Banque de France aient un appartement dans les arcades du Palais Royal.
Je repère un chapeau orange que je reviens acheter après.

Après-midi: Dallas Buyers Club. McConaughey est transformé, méconnaissable. Très bon film. Ce n'est qu'après que je découvre qu'il s'agit du réalisateur de C.R.A.Z.Y.

En sortant, longue errance dans le quartier Montorgueil. Je cherche une fringue pour l'anniversaire (14 ans) de ma filleule. Je n'ai pas l'habitude et rien ne me plaît (sachant que ce qui compte pour elle, c'est l'étiquette. Le fait que ce soit moi qui offre compte aussi.) Je continue à pied rue de Turbigo, rue des Francs-Bourgeois, rue des Rosiers, désormais il fait nuit, des boutiques ont déjà fermé.
Je trouverai in extremis mon bonheur au "Temps des cerises": je m'étais arrêtée lire sur la façade la plaque rendant hommage aux victimes de "l'attentat de la rue des Rosiers" (du moins c'est ainsi que je l'ai identifié: ce n'était pas sur la plaque, puisqu'elle est rue des Rosiers…)

Je rentre épuisée par ce shopping mais personne n'a remarqué mon retard: H. travaille à la campagne des municipales.

Rentrée (bis)

Rendez-vous chez le dentiste, pour moi et pour O. Je ne suis pas venue depuis au moins sept ans, date de l'informatisation du cabinet. Le dentiste sort des morceaux de tartre de mes gencives, j'ai l'impression d'être un vieux lavabo encrassé.

J'accompagne O. qui entre en seconde (mon dernier entre au lycée. Les années heureuses, le lycée, à venir). Nous déjeunons rituellement chez Wajda découvert il y a quelques années grâce à PZ. Je ne sais pas si c'est un effet de crise, mais c'est vide.

J'ai rendez-vous avec lui à la sortie des cours pour qu'il choisisse des lunettes et un chapeau. En attendant, je vais au cinéma, profiter du festival Lino Ventura au Despérado.

Et en attendant le début de la séance, j'explore l'étal du bouquiniste mitoyen.
- Kafka, Le procès
- Kafka, Le Château (il manque des pages à mon poche)
- John Cooper Powys, Autobiographie, parce que c'est un auteur favorie de Patrick
- Esprit, décembre 1962: mort de Louis Massignon, un article sur le mur de Berlin, un article d'Althusser, la crise de Cuba, la guerre d'Algérie, un article sur Char, un autre sur Godard
- Mercure de France, avril 1965, Michel Butor, Denis Roche, "le parti pris des mots" par Genette et et et… "Dix poèmes de Mao Tsö-tong"
- Petite Chronique d'Anna Magdalena Bach
- Albert Simonet, Touchez pas au grisbi (à cause des Tontons flingueurs)
- Limonov, Histoire de son serviteur, parce que cet auteur est étrange, mais pas désagréable.

Dernier domicile connu: Paris des années 70, rue des couronnes, Marlène Jobert qui court, qui volète, derrière Lino Ventura durant tout le film, le malaise d'une société toute entière face aux puissants (la police qui devrait protéger la société n'est elle-même pas à l'abri des puissants), la fin sans espoir, pas d'issue.

Petite digression à propos de la première mission de Marlène Jobert, appât à pervers dans les cinémas. La première fois que j'ai connu ça, c'était dans ces cinémas permanents des boulevards qui n'existent plus (1985?). C'était Il était une fois la Révolution. Je ne sais plus ce que j'ai fait, mais je sais que je n'ai jamais fui (quitté la salle) devant ce genre d'attitude.
Cela m'est arrivé à nouveau lors d'Essential Killing et deux films plus récents. Ça me fait rire, je n'ai plus l'âge, on voit bien que les salles sont obscures. C'est étrange, on comprend tout de suite que l'attitude de notre voisin n'est pas saine, mais cette compréhension est intuitive, instinctive, très difficile à étayer sur des faits matériels. Généralement c'est un homme qui s'assied dans le siège à côté de vous alors qu'il y a de la place ailleurs — en tout cas suffisamment pour laisser une place d'écart, comme il est coutume. Puis le coude prend trop de place. Mais est-ce qu'il prend vraiment trop de place, ou est-ce une illusion, de la paranoïa? Qu'est-ce qu'un coude normal? On ne se souvient plus, on n'a jamais fait attention.
Désormais je simplifie: soit je demande «Pourriez-vous me laisser un peu de place? votre coude me gêne», soit si mon sac le permet (sil est souple), je le mets sur l'accoudoir en tampon et je m'installe. L'homme met entre trente secondes et trois minutes à changer de place. Généralement il quitte la salle, me confortant dans mon diagnostic: je n'étais pas paranoïaque, le film ne l'intéressait pas.

Je récupère O.
Vélib. Choix de lunettes, d'un chapeau, de chaussures. Les deux premières emplettes prennent une heure chacune (confusion devant le choix), la dernière dix minutes (le magasin ferme).

Nous rentrons en restant sur la rive gauche de la Seine. Mon idée était de montrer à O les quartiers que j'aime tant, les friches industrielles que j'ai tant suivis durant les grèves de 2009 avec C. Mais tout s'est beaucoup construit. Pont du Port à l'anglais. Je dis à O: «Tu vois, il y a quelque part un idéal de vie qui consiste à habiter ces maisons [meulières minuscules] en allant prendre son café tous les matins au café», je songe à San-Antonio ou Auguste Pichenet, il répond «je comprends» et je sais que c'est vrai.

Dans les petites rues de Villeneuve-Saint-Georges je manque d'écraser un chat roux. Je pile, je cale. Un Arabe hilare me félicite pouce levé, un autre me dit «fallait l'écraser». A la maison, H est furieux, le camion est chargé, A n'avait pas préparé grand chose.

Première neige

8h, messe à Notre-Dame (l'église est bien chauffée); 9h, bibliothèque rue d'Assas (Platon, Phèdre, le père Caffarel sur la prière); 10h30 achat de Dc Martens aux Halles; 11h15, chapeau à la Cerise sur le chapeau; 12h, allemand (raté la première heure. Préparé aucun devoir à la maison); 14h, vingt-deux siècles de littérature grecque en trois heures et quart (professeurs qui ne lisent pas leurs notes, alleluia); 18h, bibliothèque Mouffetard (trois livres en retard); 18h45, salon du livre à l'EA.


Dans mon sac, le matin :
Platon, Le Banquet et Phèdre, GF 1964 (traduction Emile Chambry)
Léo Strauss, Sur une nouvelle interprétation de la philosophie de Platon (à rendre à Mouffetard)
Friedrich Nietzsche, Introduction à la lecture des dialogues de Platon (à rendre à Mouffetard)
Auguste Diès, Autour de Platon (à rendre à Mouffetard)

Le soir :
Platon, Le Banquet et Phèdre, GF 1964 (traduction Emile Chambry)
Henri Caffarel, La prière, rencontre avec Dieu
Platon,Phèdre, GF 1989 (traduction Luc Brisson)
Jacob Taubes, En divergent accord : à propos de Carl Schmitt (rendu par Patrick)
Michel Rocard, Mes points sur les i : Propos sur la présidentielle et la crise (pour H.)

Deux artisans

Je suis en train de dépenser avec très peu de remords l'argent du ménage à des futilités.
  • et samedi, vieux rêve, des (enfin une) reliures.
    Un peu étonnée de me trouver tant de points communs avec la relieuse. Discussion à bâtons rompus sur la peau de chèvre, les bibliothèques en trompe l'œil, Le Contrat de Westlake, les charges qui étouffent l'artisanat (avec ce maudit calcul de charges sur les années N-2 qui condamne toute personne faisant une "bonne année" à mourir de faim les deux années suivantes: du travail indépendant comme bénévolat), la couleur du papier («vous choisissez le cuir, je choisis le papier» (ça m'a fait rire)), l'obsession de laisser les choses en ordre pour le cas où l'on viendrait à mourir brutalement afin de ne pas pénaliser ceux qui resteraient? (Cela ne m'a pas réussi de me faire passer pour organisée. Sûre comme la mort, j'ai oublié dans la boutique ma pochette contenant mes papiers et ma carte bancaire. J'y retourne ce soir.)>*

La tête dans les étoiles

Je suis repassée au bureau des objets trouvés de Beaubourg. Les hôtesses sont très jolies et très aimables (l'un sans l'autre, c'est moins bien).
Elles m'ont laissé consulter sans difficulté le cahier des objets trouvés, ce que des agents plus aguerris ne m'auraient sans doute pas laissé faire. A voir la quantité de pièces d'identité, téléphones et bijoux qui sont déposés aux objets trouvés, on est soudain rassuré sur la gent humaine, quelle honnêteté.

Je n'ai toujours pas trouvé mon chapeau, mais j'ai soudain pensé (trois mois, cela ne m'aura pris que trois mois!) qu'il faut que je téléphone à Flatters, le plus probable est tout de même que je l'ai laissé chez lui.

L'exposition Hergé est gratuite. Dans l'immense hall d'entrée sont peintes sur le sol des insultes (végétarien! (j'ai pensé à writ)), des onomatopées (bing! bang! pif!) et des étoiles comme il en tourne autour de la tête des héros ou des malfrats quand ils se font assommer. C'est un agrandissement exact des étoiles des bandes dessinées, elles sont disposées de la même manière, ce qui fait qu'il reste un vide là où se trouverait la tête du personnage. Je reste quelques temps à observer les touristes qui s'allongent sur le sol la tête dans ce creux d'étoiles et se font photographier ainsi, dans un tourbillon d'étoiles multicolores.

Suis-je un vieux con ?

Hier, j'ai bu deux Guinness avec JM.

— Dis-moi, JM, est-ce que je suis un vieux con ?
— ?!
— Je vais t'expliquer. J'ai oublié un chapeau à Beaubourg, comme je n'ai pas trouvé de numéro de téléphone, j'ai envoyé un mail, «Madame, Monsieur, etc, signé Alice S***.» Ils ont répondu très vite, très gentiment, mais ils ont commencé leur mail par «Chère Alice» : tu trouves ça normal ?
— Ça te choque ?
— Non, ça me surprend, ça me fait rire. Après tout ils ne savent rien de moi, mon âge, qui je suis... Ils prennent un risque.
— Je crois que c'est bêtement l'esprit étudiant, à Beaubourg, c'est le genre.

Hum, j'ai bien l'impression que JM est aussi décalé que moi. Je ne crois pas que ce soit l'esprit étudiant, mais l'esprit du temps.
C'est bizarre cette propension à copiner avec n'importe qui.
Enfin moi je trouve.

Points de vue

Feuilletant Point de vue en attendant le RER, j'apprends que Chloé Bouygues et Yannick Bolloré se sont mariés récemment. Mariage simplissime, ajoute le magazine, huit cents invités, précise-t-il.


Conversation ce week-end sur la terrasse (mes week-ends sont passionnants (je deviens de plus en plus misanthrope)).
Un ami : — Ma grand-mère est abonnée à Point de vue depuis des années. Ça me dépasse.
Moi, généralisant : — Parce que vous préférez les nanas à poil. Nous, on regarde les robes et les chapeaux.


Honnêtement, en quoi Closer ou FHM ou Interview sont-il le signe d'une plus grande évolution intellectuelle ?


mise à jour le 1er septembre 2006
Evidemment, Martin Bouygues n'a pas daigné venir au mariage de sa nièce en juin dernier. Motif? La fille de son frère Nicolas épousait le fils de Vincent Bolloré, son ennemi intime. Rien à  faire : ces deux-là , qui se connaissent depuis l'école primaire, sont irréconciliables. Il faut dire que le raid avorté de Bolloré sur Bouygues, en 1998, a laissé du sang sur les murs. L'empoignade a été d'une rare violence. Bouygues n'avait pas hésité à  embaucher des détectives de l'agence Kroll pour fouiller dans la vie privée de son assaillant. L'industriel breton avait répliqué en faisant appel à  l'ex-inspecteur Gaudino pour dénicher des jongleries comptables dans le groupe de BTP. Depuis, les escarmouches se multiplient. En septembre 2003, Bolloré a été mis en cause par TF1, dans un reportage de «Droit de savoir» sur «les dessous de Saint-Tropez», qui accusait le milliardaire d'avoir bénéficié de passe-droits pour construire sa villa. Furieux, il a porté plainte, persuadé que Bouygues avait donné des instructions aux journalistes. A l'été 2004, quand Bolloré s'est attaqué à Havas, Bouygues s'est empressé d'acheter discrètement un gros paquet d'actions, pour tenter — en vain — de voler au secours du publicitaire. Il y a laissé des plumes, mais quand on déteste, on ne compte pas…
O.D. Capital septembre 2006
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