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La tête vide

Cette année le cours d'allemand hebdomadaire et le cours de grec quasi mensuel devraient tomber le même jour, le jeudi. (J'ai posé tous mes jeudis après-midi jusqu'à Noël: et que faites-vous pendant vos vacances? Euh ben…)

Je me suis donc installée en bibliothèque pour ouvrir une grammaire grecque. C'est terrible, je ne me souviens de rien.

Zut

J'avais téléchargé les documents pour la session de demain. J'avais été surprise que ce soit autour du mythe de Phèdre, que nous avons étudié en deuxième année. Les documents d'accompagnement étaient passionnants, notamment les articles de Clémence Ramnoux et Paul Ricœur pour l'entrée "mythe" de l'Encyclopedie Universalis. J'ai donc passé les quinze derniers jours à potasser les documents.
Ce soir, avant de quitter le bureau, j'ai voulu télécharger les questions concernant les textes.
Les documents sur le mythe avaient disparu. C'étaient désormais des documents sur la psychanalyse que nous devions étudier.
Pour demain.
J'ai tout imprimé et je suis partie ramer.

Yolette de débutants avec Adrien à la barre le bras dans le plâtre. Keski cause !
Je rentre dans la nuit. H. est rentré de Tours quelques minutes aupavant.

Retours

RER bien trop tard parce que j'ai pris un agréable petit déjeuner dans le jardin.
Je dépile paresseusement des mails toute la journée.
Kiné. Assise sur un gros ballon, mouvement du bassin. Je suis nulle.
— Le problème c'est plutôt mon cerveau.
Il rit : — C'est souvent le cas.

Dans le cadre du futur déménagement nous sommes invités à jeter tous les documents inutiles: les documents qu'ils faut conserver doivent être envoyés dans un local d'archives à T***, les autres doivent être jetés. Dans les nouveaux locaux en open-space, il nous restera chacun une "crédence", une armoire d'un mètre de hauteur sur un mètre vingt de large, de quoi conserver trois rangs de dossiers suspendus. L'opération d'allègement est appelée "happy cleaning". Une amie a découvert que cela signifiait douche vaginale dans le langage de la rue. Je n'ai pas osé le répéter, je suis déjà identifiée comme forte tête… Peu à peu je ressens un malaise devant les bennes à papier en découvrant ce qui est jeté. Il me semble voir la colère des salariés qui jettent dans un mouvement d'après-moi-le-déluge, après tout, si-c-est-ce-que-vous-voulez.
Il aurait sans doute fallu prévoir un lieu où déposer les documents "précieux", anciens, vénérables, la mémoire de l'entreprise. Il aurait sans doute fallu prévoir une pièce pour constitué un musée, vingt mètre carrés, quelques documents à mettre sous verre ou sous vitrine.

Arrivée un peu en retard en cours. Diagnostic prénatal (pour éviter de transmettre des maladies génétiques, avec le risque d'un tri eugénique qui rendrait la population homogène génétiquement et donc vulnérable à une épidémie); banques de cordons ombilicaux; euthanasie ou suicide assisté, soins palliatifs: vaste panorama, questions sans réponses.
L'Art de mourir, défense et technique du suicide secondé date de 1919 (pour les gueules cassées, je suppose) suivi en 1923 par Euthanasie - das Recht des Arztes zur Tötung de Fritz Pelckmann dans une toute autre visée. Cet ouvrages va mettre un coup d'arrêt aux velléités de suicide assisté en France.

Document pour s'inscrire en septième année. Nous aurons de nouveau de l'exégèse qui est ma matière préférée.
En huitième année il y aura un mémoire dont le plus difficile est sans doute de trouver le sujet. Je songe à quelque chose sur l'œcuménisme.

Je ne fais plus que ramer

Petit moral ce soir. Je me force à aller en cours en quittant le bureau trop tard. J'essaie d'ajuster les effectifs (population 2015-sorties+entrées = population 2016. Hélas, il y a des doublons, des changements de catégories, des chevauchements de dates, cela ne tombe jamais juste (il y a la date de travail et la date d'effet: comment retrouver la personne saisie en mars 2016 avec une date d'embauche de novembre 2015? etc.)), une CAC (commissaire aux comptes) est là, je reste trop tard, pas le temps de grignoter un bout.

J'écris cela en cours. St Thomas est passionnant, mais l'idée-même d'un cours sur la morale engendre la méfiance: cela sent sa propagande (pour l'instant, ça va).

J'ai fini le premier Delbo, Aucun de nous ne reviendra, je suis à la moitié du suivant, Une connaissance inutile. Peut-être est-ce la source de ma fatigue. Je comprends l'admiration de Guillaume pour la capacité à transmettre le désordre des pensées, le corps qui submerge la raison, la décomposition de l'identité quand ne restent que le froid et la soif.

Yolette dans le petit bras. La Seine a perdu vingt centimètres. Azem, India, François-Xavier, Florent. Je rame bras nus. J'ai mal au bas du dos, au niveau du sacrum. Cela fait mal comme une courbature ou un bleu, je plie les genoux, je ne peux plus me pencher, j'ai du mal à porter un poids lourd (comme le bateau). Je me relève avec difficulté, en me tenant à ce que je peux.
Je suis terrifiée à l'idée de souffrir (un jour) d'une hernie. Dans le vestiaire, une amie prof de gym rit: «mais non, c'est musculaire, pas de hernie au niveau du sacrum, c'est soudé».
Me voilà rassurée.

J'ai tant de retard dans ce blog que je me demande ce que je vais pouvoir rattraper.

Sublime

«Erhaben. C'est le mot de Kant, ce n'est pas neutre.»

Schleiermacher. Les Français (les Francs) sont frivoles (en français dans le texte — à moins que le mot n'ait été incorporé tel quel en allemand). Soudain je comprends d'où JYP tient sa façon de traiter les attitudes qu'il réprouve de «futiles».

Et pourquoi sont-ils frivoles? parce qu'ils n'ont rien compris à l'événement le plus sublime de l'histoire du monde.
— Quel est cet événement ? demande le professeur.
Parce que nous traduisons Schleiermacher à l'institut protestant, je tente : «la Création?» Cela pourrait aussi être le Christ, puisque sa caractéristique est de faire irruption dans l'histoire.
— La révolution française. Au XIXe siècle les philosophes allemands se sont quasi donné pour tâche d'expliquer la révolution française aux Français, de leur donner les moyens de la penser.

Et soudain l'énormité de l'événement m'apparaît, un court instant. Je l'avais entrevue en lisant Eça de Queiroz, Lettres de Paris ou… en contemplant la liste des invités aux mariages princiers d'Angleterre: cela reste malgré tout une fête de famille, et les invités sont des gens de la famille au sens large, des rois ou des princes, pas des présidents. Bifurcation dans l'histoire du monde, deux chemins désormais possibles.

Aristote

Ethique à Nicomaque.
je copie-colle un quart de mes notes, par extraits.

Bonheur : activité de l’âme en accord avec la vertu.

C’est en pratiquant les actions justes qu’on devient juste, les actions courageuse qu’on devient courageux.
La vertu morale est une disposition de la volonté. C’est un habitus que nous accueillerons par habitude. La vertu ne préexiste pas à nature ou aux actes. Disposition constante et répétée : on n’est pas vertueux pour un acte de temps en temps. Disposition de la volonté libre. Comment commencer : rôle fondamental de l’éducation.

La justice : volonté constante d’attribuer à chacun son droit. (définition traditionnelle). Un juste milieu dans la chose. C’est une justice objective. Le but de la justice est le bien.
La vertu vise le juste milieu. Comment comprendre le juste milieu ? (livre II 1106 a 30) Un sens absolu : point identique pour tt le monde. Par rapport à la chose. Un sens relatif : par rapport à nous.
Livre IV : la générosité comme la vertu de celui qui les exerce toutes. Problème : la générosité n’est pas un juste milieu. Un excès. Cependant Aristote va essayer de démontrer que la générosité est un juste milieu. Je ne donne que pour recevoir.

1124b10. Aristote abandonne la question de la générosité pour passer au livre V : la justice comme vertu supérieure. Juste milieu dans la chose. Distingue entre justice générale (légale. Même fonction que la loi) et justice particulière (justice distributive entre les différentes parties de la cité. Justice corrective. Règle les échanges.) La justice particulière se réfère à l’équité. La justice est la plus parfaite parce qu’elle contient toutes les autres vertus.
Triple spécificités : - ne porte pas sur mes passions mais sur mes actions
- ne règle pas mon rapport à moi-même mais les rapports à autrui (ou entre autruis)
- met en œuvre des principes mathématiques : égalité arithmétique (maintenir l’égalité pour avoir l’égalité. Un bien qui vaut deux = deux biens qui valent un) et égalité géométrique (à des mérites inégaux des récompenses inégales. La justice n’est maintenue que si l’on maintient l’inégalité. Justice distributive) .

Définition : la justice est une disposition volontaire et constante à attribuer à autrui ce qui lui revient selon une égalité soit géométrique, soit arithmétique. Aristote se réfère à la loi civile. Résultat de la délibération de citoyens qui se reconnaissent mutuellement comme libres et égaux en droits (homme, propriétaire, époux, chef de famille). Il s’agit de régler des différends. Détermination du bien totalement immanente à la cité. Il n’y a que des applications particulières. L’équité : la jurisprudence. Fondamentalement, pas de distinction entre la loi et la justice. Il n’y a pas de loi naturelle chez Aristote, pas d’écart entre la justice et la loi. Pas de fonction critique de la justice. Ne pas christianiser trop vite Aristote.
De même, le traité de l’amitié n’a pas de rapport à la charité. Les bons comptes font les bons amis. Une logique d’équivalence qui empêche toute notion de surabondance. Aristote : l’homme le plus heureux est celui qui pratique la plus haute vertu, et donc la justice. Le citoyen le plus vertueux est celui qui se tient lieu à lui-même de loi. C’est le philosophe. On retrouve cette idée de St Paul Rm14: celui qui se tient lieu à lui-même de loi.

Ethique et marivaudage

Les deux ne sont pas liés.

Journée de TG.
Etant arrivée en retard, je ne sais exactement quel était le thème de la journée, mais le contenu fut le cours d'un théologien moraliste rédacteur en chef à La Croix sur l'éthique (en suivant Ricœur, les chapitres 6 à 8 de Soi-même comme un autre) et la morale (comme obéissance à la norme ou aux normes).
« Le chrétien est moral, il se réfère à des normes. C'est extrêmement mal vu aujourd'hui, de respecter des normes. Cependant, la norme ne doit jamais avoir le dernier mot. Selon St Thomas (entre autres), le plus grand péché est de ne pas respecter sa conscience. »
Je cite sa définition du libéralisme économique: « offrir le plus grand choix à chacun » et celle du christianime : « répondre à un appel (une vocation) ».

Greiner a beaucoup insisté, comme désormais tous nos professeurs ou presque depuis l'année d'ecclésiologie, sur l'aspect communautaire des pratiques et surtout sur le fait qu'il n'y avait pas de foi sans praxis (pratiques : il s'agit ici de pratiques religieuses, prière, rassemblement, participation aux sacrements, et non de "bonnes actions", qui ne sont pas proprement chrétiennes, évidemment).

Curieuse discussion — à deux doigts de la dispute — à propos du permis de tuer de façon "extra-judiciaire" (traduire: illégale) de futurs terroristes. Deux élèves défendent l'obligation de se défendre au nom de la Real Politik. Greiner fait remarquer qu'au nom du Décalogue il est tout de même permis de s'interroger. Les deux élèves paraissent le tenir pour un doux rêveur.
Pour ma part, je n'étais pas au courant de cette récente polémique. Il me semble d'une part que cette pratique est évidente depuis la prise d'otage de la maternelle de Neuilly et la traque du terroriste Khaled Kelkal. Je regrette que les terroristes soient abattus systématiquement car il me semble que nous nous privons de témoignages importants.
Par ailleurs, je suis persuadée depuis l'expérience des procès de Nuremberg que le procès a une valeur cathartique (écouter, faire parler) et historique (laisser une trace autre que journalistique) fondamentale.
Quoi qu'il en soit, si un chef d'Etat décide des exécutions "extra-judiciaires", il me semble que cela devient son fardeau personnel. Cela fait partie du poids du pouvoir. En aucun cas il ne doit en faire l'étalage: qu'est-ce qu'un chef d'Etat d'un Etat constitutionnel qui se vante de ne pas respecter la loi? Que cette histoire éclate maintenant me laisse soupçonner une manipulation des bas instincts de la population: «Voyez, la gauche n'est pas si molle que vous le pensez, regardez ce que nous faisons pour vous».


Le soir, nous assistons à Villebon/Yvette à trois pièces en un acte de Marivaux au bénéfice de l'association Rétina qui aide la recherche sur les maladies de la vue.
L'ensemble est très plaisant; je suis toujours aussi ébahie à l'idée que des auteurs du XVIIIe siècle faisaient jouer de telles satires devant la noblesse: quels portraits peu flatteurs! Quels penchants féministes! Et quel recul au XIXe siècle: Balzac, Hugo ou Flaubert n'ont jamais atteint ce niveau de mordant.

La dispute : les femmes sont spontanément coquettes et égocentriques, les hommes sont fraternels tant que les femmes ne les poussent pas à la querelle. Cependant l'un et l'autre sexe est volage et inconstant, sans que la responsabilité puisse être rejetée sur l'un ou sur l'autre.
Cette pièce tient de l'expérience de laboratoire, mi-Ecole des femmes, mi-Barjavel. Un très beau jeu de miroir, au sens propre et figuré. Les acteurs masculins jouaient à merveille les benêts sautillants.

La colonie : une sorte de Lysistrata. Les femmes d'un navire échoué décident de faire sécession si le pouvoir des assemblées n'est pas partagé. La meneuse souhaite même qu'il y ait des femmes avocates!
Malheureusement le camp des femmes se dispute beaucoup, et par-dessus tout, les femmes n'ont pas appris à se battre: il leur faut compter sur les hommes pour se défendre. (Finalement, sans doute n'est-ce pas pour rien qu'en France, ce sont les guerres mondiales qui ont fait avancer la cause des femmes.)

Les acteurs de bonne foi était moins intéressante: une pièce dans une pièce, classiquement, avec des acteurs ne sachant plus où s'arrêtent leur rôle et commencent la "vraie" vie.

Philosophie morale

J'ai passé une grande partie de la journée à chercher Laudato si (encyclique papale sur l'environnement), déplaçant et auscultant des piles de papiers et de livres.
Il faut me rendre à l'évidence, je n'ai pas dû l'acheter, je ne l'ai pas trouvé (il est téléchargeable, mais je voudrais le lire sur papier et dans ce cas, je préfère avoir un livre que l'imprimer moi-même).
Passé chez l'encadreur déposer ma baleine.

Le cours du lundi a lieu exceptionnellement aujourd'hui. Grande retenue dans les vœux: on dirait qu'avec la conscience de l'ère Trump qui s'annonce (et Dieu sait qui en France), personne n'ose vraiment prononcer les mots de « Bonne année » (en tout cas pas moi).

Premier cours de philosophie morale. La professeur (jeune, très belle voix un peu grave) a trois cours pour nous parler de la vertu à travers trois auteurs. Elle a choisi Aristote, Augustin, Descartes.
Elle commence pourtant par Kant. La nouveauté de Kant: la vertu comme but en soi et non comme moyen d'atteindre le bonheur, soit une sorte d'héroïsme de la vertu, ce qui amènera Nietzsche à retourner la proposition : la vertu en tant qu'effort héroïque de la volonté est une preuve de la volonté de puissance et devient par là-même un vice.
Cours très structuré, très agréable à suivre.

De façon tout à fait inhabituelle elle nous demande de lire les livres I et II de L'Ethique à Nicomaque pour lundi prochain. Plus Laudato si pour samedi et Schillebeckx pour l'oral du 20.
C'est reparti sur les chapeaux de roue.

O. est en train de jouer quand je rentre. Nous dînons très tard.
H. est parti ce matin.

Le fils prodigue

Le thème de cette année est "De l'avantage de lire en grec" : il s'agit de se rapprocher des mots et de leurs racines (sous-entendu: de s'éloigner des traductions auxquelles nous sommes habitués — c'est tout l'enjeu de traduire des textes que nous connaissons par cœur : leur redonner une fraîcheur perdue).

Aujourd'hui nous avons étudié "Le fils prodigue" (Luc 15, 11-32). Je vous livre quelques remarques de cours (sans utiliser l'alphabet grec que mon blog ne permet pas).

(Auparavant, un commentaire sur Luc 15, 8-10, "la drachme perdue": c'est le seul endroit du nouveau testament où cette unité de valeur, la drachme, est utilisée. C'est sans doute un reste du passage des Grecs, un mot qui date de l'époque de Jésus. A l'époque de la rédaction des évangiles, on utilisait "denier" (on trouve aussi talents)).

Luc 15, 15. kollao : traduit ici par "s'engager auprès de" (trouver un emploi). Vient de coller, glu, verbe très fort. Certains exégètes contemporains en ont tiré parti pour émettre des hypothèses sur les relations entre le fils prodigue et son employeur.

Luc 15, 16. to keration : la graine de caroube : a donné carat.

Luc 15, 18. amartano : littéralement, rater sa cible; d'où moralement, rater son but; d'où pécher.

Luc 15, 20. splagcvizomai : remuer par les sentiments. Pour les Grecs, splagxa, c'est les entrailles. Dans Homère, ce sont les entrailles des bœufs du soleil que font rôtir les compagnons d'Ulysse. Alors que pour les Hébreux, le ventre, c'est plutôt celui de l'amour, la mère, la terre. Ici, il a fallu trouver un terme grec pour traduire une notion hébreue.

Luc 15, 23. thuo : sacrifier. Le sens a glissé pour devenir tuer. On sait que ce mot avait un contexte sacré car thus, c'est l'encens.

Ajoutons que Diogène ne vivait pas dans un tonneau («car le tonneau, c'est grec») mais dans une amphore.


Ces quelques notes pour essayer de rendre compte de l'atmosphère de ces deux heures mensuelles, qui sont une source de joie renouvelée.

Déplacé

Nous continuons à traduire le premier discours de Schleiermacher.
Je note deux ou trois remarques.

Les deux bêtes noires de la théologie libérale sont les juifs et les catholiques: les juifs parce qu'ils ont rejeté le Christ, les catholiques parce qu'ils ont travesti son message. Rome et Jérusalem.
La conséquence est que les deux sont souvent mêlés dans les comparaisons négatives et les accusations de Schleiermacher. Mais aujourd'hui, au début du XXIe, les traducteurs de l'allemand n'osent plus traduire «juifs» par «juifs» mais utilisent «hébraïques». «Alors que la théologie libérale n'était pas antisémite. L'antésimitisme n'est apparu qu'à la fin du XIXe

A un moment je me moque de la catho (comprendre "l'institut catholique de Paris") en disant que le grand mot des professeurs est "déplacé", l'important, c'est le déplacement: «comment ce texte vous a-t-il déplacé?», «est-ce que vous avez été déplacé?». Je pensais faire rire mes congénères protestants avec cette remarque, mais à ma grande surprise, ils m'avouent qu'ici aussi, à l'IPT, le même mot est utilisé. Le prof suppose que ce vocabulaire remonte à l'époque de la grande vogue de l'école de Palo Alto.

L'anaphore de St Jacques

TG sur la prière eucharistique. Etude de l'anaphore (offrande) de saint Jacques. (Il faut bien avouer que j'adore tous ces mots : anaphore, épiclèse, euchologie, scrutin,…)

Cette anaphore est une prière eucharistique orientale des premières siècles chrétiens. Le dossier que nous avions à préparer l'étudiait à la fois par rapport aux autres prières contemporaines, au catéchisme de Cyrille de Jérusalem, mais aussi à la prière juive du vendredi soir: différences et ressemblances.

Je reste stupéfaite de voir à quel point cette prière a traversé les siècles inchangée (juqu'à Vatican II, l'Eglise utilisait une prière fixée… par Ambroise de Milan). Rendre vivante la tradition, adapter pour conserver, la tension est permanente (j'avais aimé ces mots de JH Newman cités en cours et dont je n'ai pas la référence exacte: «il faut beaucoup changer pour rester fidèle».)

Il est sidérant de constater à quel point chaque mot compte, est pesé, renvoie à un geste ou une histoire (la lutte contre les arianistes, les marcionistes, etc.) Rien n'est là au hasard ou pour remplir les blancs, tout signifie.
Qu'est-ce que ces études ont changé? A cette question qui me laisse coite, je peux peut-être avancer aujourd'hui: elle a redonné du poids aux mots, moi qui après ma (dé)formation à Sciences-Po ne croyais plus au sens, persuadée que tout était tordable à volonté, entre politique et marketing, pour démontrer n'importe quoi (et même les chiffres se manipulaient): non, il reste des lieux où et des gens pour qui le monde et les mots ont un sens, qui utilisent les mots pour dire quelque chose de précis qui coïncide avec une foi. Cela a fait, cela fait, reculer le cynisme.

Chauffage

Ah non, je me suis trompée : chauffage rallumé ce matin au petit déjeuner, et non dimanche.

Après-midi de congé (tous les mardis après-midi pour l'allemand). Je rends Conrad à Malraux, je ne prends pas Les veines ouvertes de l'Amérique du Sud car j'ai prévu d'emprunter des Schillebeeckx (à l'ICP) et ça ne tiendra pas dans mon sac (mais je ne les emprunterai pas car j'ai un livre en retard ce que je ne savais pas. Je suis agacée: un retard, c'est autant de jours d'interdiction d'emprunter que de jours de retard. Zut.)

Allemand (à l'IPT), traduction de Schleiermacher. Complet contresens sur les deux phrases que je devais traduire du fait de mon absence la semaine dernière. Les contresens me donnent toujours l'impression de frôler la folie. Un contresens, c'est très effrayant.

J'ai fini Janouch. Je prends sans vraiment y penser, parce que c'est un livre de poche et donc dans l'étagère devant la cuisine, Harry Potter 5 en allemand.

Chinois

— Le copte, c'est comme le grec, sauf qu'on y comprend rien.



(Le copte utilise l'alphabet grec pour translittérer les hiéroglyphes. L'évangile de Thomas a été écrit en grec mais il ne nous en reste que la version copte.)

Rentrée

Ce n'était peut-être pas une bonne idée d'aller ramer sous le crachin avec ma sinusite. J'ai eu froid. J'espère que je serai remise pour ce week-end.
Double canoë avec Isabelle. C'était sa première sortie sur l'eau. J'ai l'impression de voir utiliser une nouvelle méthode, une nouvelle pédagogie: au lieu de faire sortir les débutants en yolette, ils sortent en double canoë avec un confirmé et ils ont droit à un cours particulier. C'est sans doute mieux pour prendre confiance, il est plus facile de s'arrêter chaque fois que nécessaire et de prendre son temps (car la précipitation est le grand ennemi — avec les démonstrations de force, la brutalité).
C'était amusant, il me surprend toujours autant de constater combien un faible coup de rame, gentle, peut propulser un bateau. Sport de glisse.

C'est la rentrée, c'est la rentrée, c'est la rentrée, tralala itou. Ça me manquait, le fait de ne plus avoir de devoirs en retard est libératoire. Nous comptons les rescapés, nous sommes une vingtaine réunissant deux promos (les sixième année (moi) et les septième). Beaucoup de mes coreligionnaires d'origine (quatre ou cinq!) ont pris une année de respiration, pour finir les devoirs non rendus et valider des langues.
La vie sacramentelle. Parfois le mot utilisé est sacramentaire (difficile nuance au fond de la classe avec les oreilles bouchées). Je n'ai pas osé demandé la différence. Avec les années, je suis devenue convaincue de l'importance des rites, de leur dimension cathartique.
«Un sacrement n'est jamais privé.»


Progression dans la modernisation de la station des Halles: escalier vu du quai du RER D.



Fatiguée

J'attends au café d'aller en cours. Je me suis endormie sur la grammaire grecque (au café). Je confonds définitivement tous les temps. Trop tard. Encore demain, puis on verra l'année prochaine. Je n'ai pas retrouvé mes cartons de révision rédigés en janvier. On verra cet été. Encore un devoir sur table, une dissert de philo, un travail écrit à rendre parce que j'étais absente un samedi, et ce sera les vacances. Dernière ligne droite.

J'ai terriblement mal aux yeux. Couchée beaucoup trop tard. Vingt-quatre heures et davantage de pluie: le toit ne fuit plus, c'est une certitude.

Week-end studieux

Mon genou me fournit le prétexte nécessaire à ne plus sortir de la maison du week-end. Je ne photographierai pas l'arrivée du printemps.

Blogage, devoir de grec (sacré Paul: je me demande si toute la théologie chrétienne n'est pas établie sur des erreurs de traduction. Style tout en balancements: je ne suis pas ceci mais je suis cela, ce n'est pas cela mais c'est ceci, etc) et Grégoire de Nysse. Normalement l'oral de patristique a lieu le 21 avril, mais ma tutrice a eu la gentillesse de me relancer (normalement c'était à moi de le faire et j'en avais abandonné l'idée) et je me suis engagée à lui envoyer quelque chose ce week-end avant de la rencontrer mardi.
Engagement que je suis en train de ne pas pouvoir tenir malgré des heures de lecture de Grégoire. Trop court. Tout cela est assez frustrant et mauvais pour l'estime de soi.

Origène

«D'après la légende, Origène aurait commenté tous les livres [de la Bible] trois fois1», nous dit le prof. Et in petto, je me dis que c'est mieux que Chuck Norris, qui a compté jusqu'à l'infini deux fois.

Légende, car de l'œuvre monumentale d'Origène il ne reste que des morceaux ou des traductions plus ou moins fidèles (traduction en latin à charge de Jérôme, à décharge de Rufin (la fin d'une amitié).
(Il est possible de retrouver encore des manuscrits. En réalité, rien n'est moins clos que la recherche biblique ou patristique, susceptible d'être relancée à tout moment par une découverte archéologique ou philologique.)

Qui a dit (Strauss, r-Camus, Taubes?), et était-ce à propos d'Origène, qu'il fallait vraiment être hors du commun pour réussir à parvenir à la postérité à travers ses ennemis, quand on voit comment ceux-ci déforment votre pensée? Impossible de remettre la main sur la citation exacte.


Note
1 : par commentaires, par homélies, par scolies.

Patristique

Différence entre patrologie (essentiellement un travail d'édition (traduction et philologie) et patristique). Définition de la patristique: un auteur antique (pour les catholiques, les orthodoxes reconnaissent des pères de l'Eglise jusqu'au XIXe), orthodoxe (non hérétique), reconnu par la communauté et reçue par l'Eglise (contre exemple : Tertullien ou Origène. Appelés alors écrivains ecclésiatiques).
Le dernier père (majuscule ou pas?) en Orient, Jean Damascène, mort en 750; le dernier père en Occident, Isidore de Séville, mort en 636. (Je me souviens de la première fois que j'ai croisé le nom d'Isidore de Séville dans une note de bas de page du livre de France Yates, (L'art de la mémoire) et de l'incompréhensible ravissement qui m'avait saisie alors). Le De Trinitate de Saint Hilaire de Poitiers, une œuvre de génie (vous avez compris que je jette ici de mémoire des bribes de cours).

Le mode de validation du prof me fait sourire. C'est la première fois dans toutes mes études que je vois un prof vouloir s'assurer que nous avons lu un auteur et non ses commentateurs (je veux dire que tous les profs nous disent de lire les auteurs, mais en réalité, c'est l'habileté à citer les commentateurs (en philo, littérature, théologie) qui est récompensée. Après mon bac je l'ai compris tard; je lisais Proust pendant que les autres lisaient Barthes, ils avaient raison — eux, ils savaient, ils maîtrisaient le discours et le sous-discours). Ce professeur ne donne pas de bibliographie. Irénée de Lyon, Tertullien, Origène, Athanase d'Alexandrie, Grégoire de Nysse: nous choisissons deux à cinq pages d'un de ces auteurs, nous venons à l'oral avec deux exemplaires du texte choisi, nous présentons sans note, puis il pose des questions pour s'assurer que nous avons lu l'ensemble du livre et l'ensemble du cours.
C'est excitant. La perspective de devoir enfin lire un père de l'Eglise (car l'obligation devient une permission: tant de choses à lire que toute lecture non obligatoire devient de l'oisiveté) est excitante. Il va falloir feuilleter un peu pour choisir. Par expérience, je sais que j'ai moins de mal avec les auteurs traduits du grec que du latin. Un petit penchant pour Athanase. A vérifier.



Agenda
Eric et Vincent à la maison pour trois jours. Session de programmation. J'ai l'impression de revenir quinze ans en arrière. Que j'aimais cela, cette ambiance de réflexion et de débats.

Un écrivain

Journée sur "le Père". Je n'ai pas travaillé et je m'ennuie car je ne comprends pas les subtilités, tout me paraît identique.
L'animatrice du TG paraît très stressée à l'idée que chaque groupe devra rendre compte de ses travaux et elle dirige et bride considérablement la parole.

Les travaux dans le bâtiment central de l'ICP nous oblige à nous replier sous un barnum dans le château. Plusieurs années sont mélangées, nous retrouvons également ceux qui étaient avec nous l'année dernière, maintenant en année 6, qui ont cours avec les années 7. Discussion à bâtons rompus et verres de rouge — je bois trop. Nous parlons bâteau, marine — je sympathise avec un homme qui ressemble à un cavalier militaire mais s'avère marin. En fin de discussion il m'encourage à faire du droit canon — et pourquoi pas: je ne pourrai pas faire d'exégèse, c'est trop tard, je ne travaille pas assez les langues, je ne pourrai pas faire de théologie, je ne comprends l'utilisté de ce découpage de cheveux en quatre par rapport à la foi (le spirituel pur m'intéresse davantage, la méditation des Ecritures), alors pourquoi pas le droit canon? (ou rien. Peut-être que ce n'est pas ma voie, mais ai-je une voie? je finis par désespérer de trouver.)

En sortant je vais à Gibert Barbès: Emmanuel (Régniez) y présente son dernier livre, Notre château. Il pleut, il fait nuit. En sortant du métro, je suis abasourdie: je suis dans un quartier noir, totalement noir, même pas (ou même plus) mélangé d'Arabes. Comment avons-nous pu laisser cela se produire? Nous n'aurions jamais dû laisser cela se produire, il faut absolument que les couleurs de peau soient mélangées afin qu'aucune ne dépare, dans aucune circonstance. Sinon cela crée la peur et la méfiance.
Peut-on encore y remédier?

Emmanuel, Tlön. La librairie est grande, lumineuse. Nous nous moquons de la mode du coloriage (j'ignorais que cela avait pris une telle ampleur). Tlön s'éclipse, je discute un peu avec Emm., nous fumons une cigarette à l'entrée du magasin, parlons du risque qu'il devienne célèbre avant sa mort. Il se plaint d'écrire très lentement. Je rentre en mangeant des marrons chauds.

Samedi

Oral d'exégèse à 10h40, donc. Il s'agit d'un exposé sur un extrait (péricope) de St Jean à choisir, présenter, problématiser (le grand mot). Pas d'explication linéaire. J'ai l'impression de revenir en hypokhâgne, ce n'est pas désagréable. Ce qui est infiniment plaisant, c'est la façon dont chaque verset résonne avec des dizaines d'autres, soit dans Jean, soit dans l'Ancien Testament (point de méthode que j'ai déduit sans en comprendre véritablement la cause: éviter de rapprocher Jean des synoptiques, à moins d'être en train de travailler sur ce point).
Lever à quatre heures pour écrire cet exposé. Exposé. («Vous tenez un sujet de mémoire»: je n'en demandais pas tant.) Puis mojito. Puis Les 8 Salopards.

Je n'avais pas revu de Tarantino depuis Inglorious Bastards qui m'avait coûté ma confiance en les cinéphiles. J'avais entendu dire qu'il était lent, un peu ennuyant dans la première partie, et j'y allais en me souvenant de l'hallucinant dialogue sur le pourboire du début de Réservoir Dogs.
Le début de ce film-ci, le Christ, la miséricorde, rappelle l'ambiance de True Grit, le suspense: qui sera du côté du bien, qui du mal, qui soutiendra le faible (mais qui est le faible dans ce film de Tarantino, comment compter les huit salopards parmi les neuf personnages? C'est sans doute la seule question intéressante de ce film), un cheval blanc, sept chevaux noirs, un Noir, sept Blancs et une Blanche (ou sept Blancs et un Mexicain), pas tant la conquête de l'Ouest que la guerre de Sécession et toutes les haines que la paix n'a pas apaisées, mais aussi les morts noirs contemporains de Baltimore et d'ailleurs et «Black Lives Matter».
A l'inverse de ce que j'ai pu entendre, c'est la seconde partie qui m'a lassée. Tarantino doit avoir passé un contrat avec un vendeur d'hémoglobine. Cela en devient ridicule.

Rentrée. Dormi. Mangé des crêpes (c'est bien, les grands enfants. Ça prépare les crêpes, ça achète la confiture, ça fait cuire les crêpes). Beaucoup ri.

Galette

Une élève a apporté de la galette des rois et du cidre en cours de grec.

Fuite en avant

Je commence à me dire que ces cours étaient une erreur. Tout préparer dans la précipitation en lisant le dixième du nécessaire accentue l'impression d'imposture.
La prof est partie dans la narratologie genre hypokhâgne, «le programme du projet narratif est une herméneutique dans un double mouvement d'anabase/katabase»; ce n'est pas désagréable mais elle ne connaît pas l'art de répéter trois fois la même idée sous trois formes pour nous donner la possibilité de prendre des notes; non, elle dicte littéralement son cours. Nous en sortons hébétés, hébétude redoublée (katabase) pour ma part en apprenant que l'oral est prévu le 6 février.

Le 6 février? en casant l'examen de grec 3 mardi en huit et idéalement une rencontre avec ma tutrice avant les vacances de février… (mais cela a-t-il un sens de voir cette tutrice après l'oral ? mais avant, pas le temps de préparer.) Finir le Balzac en cours (je devrais l'abandonner en me promettant de finir plus tard, je sais), lire St Jean, l'article de Culpepper, le livre de Devillers… En trois semaines ? Impossible, je n'ai pas cette discipline, je sature, je finis toujours par papillonner.
Essayons malgré tout.

J'ai l'impression de foncer dans les sous-bois comme un sanglier effrayé. Fini l'espoir de tracer de jolis sentiers rectilignes.


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Par ailleurs, impossible d'appeler "bonheur du jour" le plaisir sadique que j'ai eu à aller m'asseoir en face du chef comptable (de niveau quasi cadre supérieur) qui depuis 2013 met six mois chaque année à nous régler cinq cents euros après de multiples relances (il s'agit de refacturation intra-groupe). Je lui ai apporté un double de mes deux factures (huit cent dix euros tout compris), je me suis assise et j'ai attendu.
— Il va me falloir un peu de temps.
— Prenez le temps qu'il vous faudra.
Quarante-cinq minutes. Quarante-cinq minutes en silence à regarder la nuit tomber dans son dos, deux drapeaux claquer sur une grue au loin, à penser à KungFu et petit scarabée. J'ai estimé que sa fenêtre donnait au sud. Quarante-cinq minutes pour régler deux factures.
— Maintenant cela ne dépend plus de moi. Il faut une double signature.
— Qui signe? Je peux leur porter le parapheur.
— Je ne sais pas…
— Je peux voir votre procédure ?
— Si vous ne me croyez pas…
Il se lève, m'entraîne dans un bureau adjacent, interpelle un collègue:
— Tu peux expliquer à Madame xxx qu'il faut deux signatures?
— A partir d'une certaine somme, cinquante mille euros, il faut une double signature, enchaîne le collègue accommodant.
— Il s'agit de huit cent dix euros, fais-je remarquer d'une voix atone.

En partant, je le fixe dans les yeux et remarque à mi-voix: «quarante-cinq minutes pour huit cent dix euros, je ne connais pas votre salaire mais c'est cher payé.»

Un samedi

- TG sur la Samaritaine. Certains sujets font ressortir les blessures et les obsessions de certains.
- La Procure. Trois livres. Je prépare mentalement l'oral sur St Jean.
- resto italien avec A. A côté de nous, une scène pathétique, et qui dure, dure: un petit garçon de six ou sept ans muet et son père de quarante-cinq à cinquante ans qui essaie de le faire parler de façon pitoyable («Mais souris au moins… Ah c'est agréable de déjeuner avec toi. Tu veux aller où en vacances? Tu veux qu'on retourne à Bali? — Non. — On peut aller en Argentine.» etc)
- achat d'un kimono, en soie, cousue main, venue droit du Japon où va les chercher la commerçante (à l'origine nous voulions juste vérifier s'il y avait du papier pour origami. Mais comment résister au plaisir de A si peu coquette?), d'un opinel marin (pour la même), d'un kilo et demi de thé (trois thés différents), six galettes de sarrasin nature (que nous prenons dans une crêperie — j'ai été surprise qu'ils acceptent), six tranches de jambon, douze tranches d'andouille, six œufs et de trois livres d'occasion.
- sieste
- repas
- coup de fil à ma tante
- L'homme de Rio en classant des papiers. (Je suis dans une phase de rangement. J'en ai marre (du bazar, de la poussière, de l'envahissement)).

Passage de l'élagueur pour un devis : il ne touchera pas aux chênes, le voisin ne va pas être content. Mais il faut couper le châtaignier, malade.

A. dans la voiture. Cours de sciences naturelles: «Les dauphins, les baleines, gardent la trace de leur passage sur terre. Ils sont redevenus marins. Bien sûr, il faudra voir dans cinq mille ans, mais certains loups sont en train d'en faire autant: les biologistes ont repéré je ne sais plus où des poissons abandonnés sans tête. Ils se sont aperçus que c'étaient les loups qui manquaient de nourriture et les pêchaient. Normalement cela n'aurait pas dû être possible vu la température de l'eau, mais ces loups ont développé du poil plus épais et imperméable, et ils ont un pli muqueux plus important entre les orteils. Ils ne mangent que la tête car ils se sont adaptés; les poissons transmettent le ténia (je ne suis pas sûre que ce soit le ténia, un ver très long) et les loups ont "compris", si on peut dire, qu'il ne fallait manger que la tête. Les ours mangent les poissons en entier… — Ils se sont adaptés au ténia? — Non, c'est le ténia qui ne s'est pas adapté aux ours; l'ours mange du poisson avant d'hiberner, quand il hiberne, le ténia meurt. (Je ris.) L'adaptation, c'est extraordinaire. Dans un pays chaud, je ne sais plus, genre désertique, des singes pillent les poubelles pour manger. Eh bien, ils se sont alliés avec des chiens pour les protéger d'autres chiens qui les attaquent. Les chiens qui vivent avec les singes ont droit au traitement des singes, la nourriture, l'épouillage… Parfois quand une mère singe perd son petit, elle pique un chiot, et le chiot n'a pas intérêt à tenter de s'échapper. Ce qui m'a le plus étonnée, c'est qu'ils font pareil aussi avec des chats.»
J'écoute. C'est passionnant. Je lui demande la prochaine fois de noter quelques références, des noms de chercheurs, etc.

Trois parts

Matinée sur Cana, Jn 19, 25-27 et Ap 12.
La professeur : «Ah oui, "spectre de fer"… Regardez dans Genèse 49, la bénédiction de Jacob, je n'y avais pas pensé».
Ces professeurs qui non seulement connaissent la Bible par cœur, mais les chapitres ou les versets, et font des associations à partir de quelques mots, scrupuleusement traduits par les mêmes mots à des pages d'écart… Comment fait-on? Suffit-il de lire beaucoup, souvent? — Mais je ne retiens pas les chapitres ou les versets.

Lire avec des yeux neufs. Quasi impossible (sauf quand je traduis. Alors tout me paraît neuf). Lire les noces de Cana et découvrir pour la première fois — grâce aux questions posées — qu'il n'y a qu'un nom propre dans la péricope. Apprendre que ce récit n'apparaît que chez Jean. Etc, etc. Apocalypse 12 fait écho à la Genèse, au moins en partie.


Suite du colloque. Des envies d'Arabie et de Moyen-Orient, une nostalgie de ce que je n'ai pas connu. Comment peut-on être nostalgique de ce qu'on n'a pas connu?
Photos de Jérusalem et autour datant d'avant 1920. Plaques de verres. Trésor des communautés religieuses.

Starbucks (pour attendre. J'adore leur café au lait de saison, au potiron, au pain d'épice…) en lisant Les aventurières du Sinaï.
Le pont aux espions. Je me souviens de notre surprise à Postdam: il est très court.
Un beau film, mais qui me donne trop cette impression de "catéchisme à l'usage des jeunes Américains". C'est un aspect que je trouve à la fois sympathique et démodé, il me manque un peu de cynisme, c'est vraiment trop gentil.
La douleur est de voir la façon dont est traité l'espion russe et de songer à Guantanamo (Essential Killing en forme de gifle).

Les héroïnes du jour

L'année dernière, j'avais découvert l'existence de Constantin von Tischendorg.

Cette fois-ci, je découvre Agnes Smith Lewis et Margaret Dunlop Gibson : «Mais si, vous savez bien, les deux sœurs qui parlaient vingt-quatre langues à elles deux… C'était des jumelles, elles avaient été élevées de façon très particulière par leur père…»

Cela à propos du Siracide (L'ecclésiastique, à ne pas confondre avec L'Ecclésiaste), dont elles ont découvert des versions majeures en syriaque.
Le Siracide reste un livre mystérieux (voir l'article de Maurice Gilbert : «Où en sont les études sur le Siracide?»)

Mais pourquoi ce genre de femmes sont-elles toujours anglaises? Elles n'ont même pas un article dans le Wikipedia français (article en trois langues: anglais, hébreu, néerlandais).

Détails

Double skull Herbinet avec Jean-Pierre. Ça tangue.
Martin-pêcheur et concert de cor sur la rive.
Il fait toujours aussi doux, aussi beau.

Oublié à la maison les feuilles de grec que je voulais travailler en bibliothèque. Commencé St Jean à la place.
Tartare-frites au café. Enfin les dîners reprennent : j'ai cru que justemement l'année où je pouvais enfin y assister une demi-heure, ils n'auraient plus lieu.
Nous avons quitté les querelles byzantines pour la théologie médiévale (christologie scolastique). A vrai dire tout cela me dégoute un peu: que de spéculations et surtout de conclusions sans aucun moyen de les vérifier, de les assurer par l'expérience objective (et surtout que de personnes jugées et rejetées à partir de telles conclusions… J'y vois une forme d'orgueuil démesuré. Est-ce l'effet de la nouveauté, comprendré-je mieux quand j'en saurai plus?)
Science infuse. Combien de fois ai-je entendu «je n'ai pas la science infuse»? Découvert ce soir que cela a un sens précis: science infuse, science des anges qui n'ont de connaissances que ce qui est nécessaire à leur mission.
(Et pour donner un exemple des "conclusions" dont je viens de parler: Jésus avait trois sortes de connaissances : la science acquise (expérience humaine), la science infuse et la science de la vision béatifique. Mais pourquoi s'être ainsi creusé les méninges? Qu'est-ce que cela apporte? Conclusions inutiles et invérifiables.)
Enfin bon.
Anniversaire de la chute du mur, de F, de l'extraction de mes dents de sagesse.
Anniversaire d'Imre Kertész.
Mort d'Apollinaire.

L'Enéide

Ligne 12 entre Concorde et Sèvre-Babylone, vers 18h30.

Jeune homme en manteau, debout dans le métro, lisant l'Enéide

J'ai failli ne pas aller ramer, mais il fait si beau que cela aurait été péché.
Belle sortie en quatre. Peter, Gaël, François.
— C'est le dernier quatre qui reste, si nous le cassons, je pense que nous ne ramerons plus jamais!
— Et ben ça va, t'es optimiste!


Grec :
zugmos: d'où zeugme, «un pont entre deux sens», proposai-je.
— Oui. (Elle dessine au tableau) Ce qui lie. C'est un joug. (Elle continue), d'où sun, avec, sun zeugmos, lié avec, portant le joug ensemble, le conjoint, suzugos. Et syzygie, c'est vraiment le soleil qui a rendez-vous avec la lune.
Plus tard (Matthieu 4,13)
Parathalassian, c'est plus qu'au bord de la mer: Capharnaüm-sur-Mer, Capharnaüm-les-Bains.

Mes drôles de dames

Mon moral est un peu remonté hier en constatant que parmi les cours flottants qui nous sont proposés, un est professé par Yara Matta. «Figures et ministères de femmes dans le nouveau testament», le genre de sujet que j'évite spontanément: je déteste ce que je ressens comme un hochet destiné à nous expliquer que nous sommes reconnues dans l'Eglise et que notre sort n'est pas à plaindre alors que la réalité est que, quelles que soient l'opinion et la valeur des hommes d'Eglise qui nous entourent, la structure nous laisse dans les marges en préférant penser à nous comme à des mères que comme à des personnes à part entière ("citoyen de seconde zone", diraient les homos). Mais bon, si c'est Yara Matta qui est le professeur, j'y vais sans hésiter. Je regrette encore d'avoir écouté les conseils qui en première année nous avaient déconseillé de suivre son cours sur les Psaumes au prétexte qu'il valait mieux attendre d'avoir fait le cursus sur l'Ancien Testament: l'année suivante, ce cours n'existait plus et j'en ai un regret profond.

Anne-Sophie Vivier-Muresan spécialiste de l'islam (signe des temps, cette année son cours est recentré sur l'islam en France), Anne-Catherine Baudoin spécialiste de grec et Yara Matta, exégète bibliste, un trio exceptionnel. Quelle chance de les avoir comme professeurs.

Si je m'inscris en grec III (mardi soir toute l'année 19-20h), en cours flottant (mercredi jusqu'à Noël 20-22h) et en lecture grecque (un jeudi par mois, neuf jeudis au total, 19-21h), il va y avoir des semaines où je vais être en cours quasi tout les soirs (enfin, deux ou trois fois: en octobre, novembre et décembre).

L'anniversaire de Marignan

Aucun rapport avec la suite, simplement j'ai entendu cela ce matin à la radio et je voudrais m'en souvenir.

Pour une raison mystérieuse, je m'étais mis en tête que les cours ne recommençaient qu'en octobre, heureusement qu'un mail d'une amie s'étonnant de mon absence lundi dernier m'a avertie de mon erreur (pas de regret, j'étais à Cerisy).

J'arrive pour six heures, pensant travailler deux heures en bibliothèque, mais celle-ci ferme, les horaires d'été s'appliquent encore (je n'ai que le temps de rendre trois livres, un lu à moitié (JH Newman), un acheté depuis (Auguste Diès), un non lu (Hermann Gunkel)) et je me retrouve au café.

Un coreligionnaire (j'aime avoir l'occasion d'employer ce mot à bon escient) me rejoint. J'espère ne pas l'avoir trop démoralisé. Il faut dire que je commence l'année avec difficulté. Pas d'enthousiasme, pas de goût, pas de désir — même pas celui d'abandonner. A lui qui essaie de me motiver en me disant que nous avons fait la moitié du parcours (quatre années sur huit), je réponds que dans l'escalade d'une montagne, la seconde moitié est la plus difficile — qu'en fait chaque pas est plus difficile que le précédent. Tout cela manque tant de chaleur, je voudrais un prof, un prêtre, n'importe qui de n'importe quel statut, qui vienne nous parler de foi et non de raison. Ras-la-casquette de la raison. Si j'étais raisonnable, je ne suivrais pas ces cours. Et la raison, c'est tellement banal. Un peu de folie, nom de Zeus.
C'est le moment de la traversée du désert, celui où il faut continuer sans plus croire à rien, en rien, même pas qu'il y a un autre côté du désert. Juste s'obstiner toujours dans la même direction. J'ai prouvé des aptitudes à cela par le passé. Mais ça ne m'empêche pas de râler.

Trois jours

- Lundi : plus de cours de latin : je dîne avec mes coreligionnaires pour la première fois depuis septembre. Ils m'épatent, ils sont déjà en train de préparer leur post-bac, dans… quatre ans (oui, parce que nous passons huit ans à avoir un baccalauréat canonique. Consolons-nous en nous disant que c'est l'autre nom de la licence (ce dernier point n'est pas très clair. Je crois que cela tient au régime des équivalences entre le Vatican et l'Etat français)). Le Master se fait en deux ans, et en "journée", c'est-à-dire qu'il faut prendre un mi-temps…
Quand j'arrive chez moi à minuit, la maison est illuminée, la fille de la voisine a un chagrin d'amour et est venue se ragaillardir chez nous.

- Mardi : beurrer les sandwichs… tâches ne sont pas sans noblesse… Plus de sept mille mises sous pli en deux jours (convocation / bulletin de vote / enveloppe bleue / enveloppe T).
O. a validé son deuxième cycle de flûte mais j'ai eu vraiment peur. Il a fait des fautes qu'il ne fait jamais en cours.

- Mercredi : examen de latin. Décidément, je n'accroche pas avec la façon latine de mettre les mots "dans le désordre". Je ne comprends pas comment cela peut suivre la pensée (une pensée) ou permettre de penser (finalement, ça ne m'étonne pas que ce soit des Romains que vienne la langue des juristes!!).
Mais faire du latin fut beaucoup plus facile cette année qu'il y a trente ans. La méthode, le recul? Le fait d'en avoir fait il y trente ans?
Je passe à la bibliothèque récupérer une anthologie de littérature allemande. je n'avais pas prévu qu'elle serait écrite en allemand.
Je trie des papiers en regardant Mad Max 2. Je me demande si l'esthétique "grande folle" passerait aujourd'hui.

Dernier cours de grec (de l'année)

Traduction comparée de Daniel 7 dans la Septante et le Théodotion (choix motivé par le fait 1/ que le passage existe intégralement dans les deux versions qui semblent traduire le même texte massorétique et 2/ que c'est le texte qui parle du "Fils de l'homme").
Curiosité par exemple de rencontrer exousia (autorité) et glossola (langue) pour traduire sans doute le même mot hébreu (la langue ou l'autorité donnée à la bête).

La prof fait une remarque (toujours la même hésitation à donner son nom: je n'ai pas envie qu'elle remonte à ce blog, c'est trop flagorneur, c'est embarrassant (mais pourquoi souhaiter que les gens que l'on villipende viennent lire ce que l'on pense d'eux mais craindre que ceux que l'on encense s'en aperçoivent?)); d'un autre côté j'aimerais bien lui faire de la pub: c'est *nne-C*atherine B*udoin, l'organisatrice de ce colloque).

Elle fait une remarque que je ne comprends pas (je n'étais pas concentrée) mais un élève réagit:
— Je suis contente que vous réagissiez: c'est la thèse qui fait le buzz en ce moment dans le tout petit monde de la patristique. Les évangiles n'auraient été écrits qu'après Marcion, en réaction à Marcion, ce qui les repoussent après 130-140.
— Cette thèse est de qui ?
Markus Vinzent. Quand on essaie de refaire sa démonstration, on s'aperçoit qu'il tord les textes, qu'il cite en excluant une négation, etc. Avec ça, un thésard aurait été recalé. Mais lui organise le grand colloque patristique qui a lieu tous les quatre ans à Oxford, alors évidemment…
— Ce que vous décrivez ressemble à de la malhonnêteté intellectuelle.
— Oui, mais il est professeur, et pas moi.
— Ah, vous le serez un jour…
— Ah, ne me lancez pas là-dessus!

Nous passons au cours, mais je songe le cœur serré à cette réforme qui en supprimant le grec supprime aussi l'avenir de ces professeurs (même si je me demande combien d'élèves faisaient du grec au collège).
J'apprends avec stupeur et inquiétude que même nous, élèves de théologie et d'exégèse, allons être touchés par ce genre de restrictions : si nous ne sommes pas quinze à la rentrée (le cours ne donne lieu a aucune validation et est hors cursus, c'est un plus, un avantage collatéral), il risque d'être supprimé.
Alors s'il vous reste quelques notions (ce n'est pas un cours de débutants, il faut au moins avoir vu les verbes en -mi), renseignez-vous, venez, je suis persuadée qu'on peut s'inscrire en auditeur libre, comme à presque tous les cours.

Projets

Hier je discute avec Daniel en avalant mes lentilles et mon verre de brouilly (blanc) entre le latin et l'exégèse. Je déclare:
— En tout cas, dans quatre ans, je prends une année sabbatique avant de faire la maîtrise… si je suis acceptée en maîtrise.
— Moi je ne m'arrête pas, sinon je ne reprendrai jamais.

Et aussitôt il me fait hésiter.
J'imaginais déjà cette année pour souffler, aller au cinéma plusieurs soirs par semaine, participer à toutes les randonnées d'aviron (aujourd'hui je ne m'en autorise qu'une par an) (et peut-être aller à des expos avec des amis s'ils ne se sont pas lassés de me le proposer d'ici là), et je me dis que si plusieurs pensent comme Daniel… s'ils continuent tous, je continuerai avec eux, je n'ai pas envie de les quitter. (Mais combien serons-nous dans quatre ans? En première année, nous avions assisté au dernier jour de cursus des huitièmes années, ils étaient douze à seize).

A midi le vent souffle, sortie interdite. Je me mets sur l'ergomètre (ce qui est bien plus épuisant qu'une sortie classique, car sans les problèmes d'équilibre, il s'agit de forces pures). Jean-Pierre vient faire de la retape :
— Tu ne voudrais pas faire la rando "Entre deux rivières"?
— Ça dépend, c'est quand?
— Du 10 au 14 juillet, le 14, c'est un lundi.
— Donc il faut poser le vendredi… OK, je viens.
— Tu ne veux pas réfléchir? Il faudra dormir sous la tente.
— Non c'est bon, je viens.

Ce qui m'inquiète, ce n'est pas l'aviron, c'est le vélo. Ici des photos de l'année dernière et un plan du parcours.

Ruminations scolaires

Tôt le matin je me remets à ma fiche de lecture. Toujours des problèmes de méthode (ce que je fais s'apparente plutôt à des notes de lecture et c'est beaucoup trop long, je n'ai pas le temps de faire cela, il faut que je m'y prenne autrement — mais comment? (je note ici ces questions scolaires car je n'en reviens pas de les avoir encore — en fait je ne les ai jamais résolues). Vers cinq heures du matin, je décide de tailler dans le vif, de reconstituer la démonstration du volume et de laisser tomber le reste (ça devient très court, soudain!) en notant à part les définitions et les citations bibliques.
En cherchant des conseils de méthode sur Google, je trouve un petit livre de Sertillanges, La Vie intellectuelle, inspiré de seize préceptes de Thomas d'Aquin. Mon Dieu, du self-help français en 1921! (Ne pas trop lire, ne pas trop se spécialiser : de quoi me redonner le moral).

Journée comme les journées depuis le début de l'année: tout va mal. Tout s'est terriblement dégradé depuis septembre, les gens et l'informatique ont l'air de ne plus tenir le coup. C'est infernal, on s'emmêle dans les mêmes demandes formulées trois fois à trois semaines d'intervalles à trois personnes différentes, les adhérents s'énervent et il y a de quoi (jeudi, j'écris un mail au délégataire intitulé "JE CRAQUE." Je réussis à attirer leur attention.)

Tutorat encore. Sueurs froides: en voulant imprimer le document envoyé à ma tutrice vendredi matin d'un Starbuck (document terminé en catastrophe sur les genoux — je dois être la seule à synthétiser quelques chapitres d'Initiation à la pratique de la théologie dans un Starbuck à huit heures du mat' avant d'aller à un colloque de langues anciennes — cela me fait rire, j'éprouve une certaine fierté devant cette excentricité, mais en même temps cela me désespère d'être toujours aussi à la bourre, de ne jamais être aussi sérieuse que je le souhaiterais — mais d'un autre côté la proscratination… si j'avais du temps, ferais-je mieux? pas sûr), en voulant imprimer le document, donc, je découvre que mon mail ne contient pas de document attaché.
Mais si ma tutrice ne m'a rien dit, c'est qu'elle a estimé que vendredi, c'était trop tard, que j'aurais dû envoyer le doc jeudi… Je suis à la limite des larmes, morte de honte… si j'avais son téléphone je décommanderais le rendez-vous. D'un autre côté c'est absurde, c'est elle qui aurait dû décommander si elle trouvait que j'avais fait montre de trop de désinvolture en lui envoyant mes notes trop tard, et en outre en oubliant le document attaché…
La mort dans l'âme, j'y vais quand même, et il se trouvera qu'elle a bien reçu mes notes — je ne comprends pas comment est paramétré mon mail, pourquoi je n'ai pas vu de document attaché. Enfin qu'importe, elle se déclare satisfaite: «J'ai été contente de lire cela, vous avez bien avancé». J'en suis heureuse et intérieurement un peu interloquée: je n'ai fait que reprendre la démonstration d'Hervé Legrand, je n'ai même pas pris la peine de changer l'ordre des parties, et elle le sait puisqu'elle a apporté le livre. Je ne m'habituerai jamais au fait qu'on attende de nous de la restitution tout en nous proclamant qu'il nous faut produire «un travail personnel». Je le sais, je le sais, je le sais, mais j'ai un tel sentiment d'imposture et de plagiat quand je travaille ainsi que je m'imagine toujours qu'on attend autre chose.

Il est probable — je n'y avais pas pensé — que je vais pouvoir écrire quelques lignes sur cette différence qui me paraît essentielle, le bon et le bien («Vous pouvez mener une vie parfaitement morale sans amour». Ah mais oui, et mes héros préférés sont les amoraux pleins de bonté (non, ça je ne le mettrai pas dans ma dissert)).

Samedi

- TG le matin. L'organisation des premières églises à partir des épîtres pauliniennes. Le prof toujours aussi passionnant. J'ai l'impression d'un immense cours de culture générale, ouvrant des pans entiers dont je n'ai jamais entendu parler (Adolph von Harnack, bon, je commence à m'habituer, je finis presque par être surprise de ne pas croiser son nom dans un livre, mais maintenant son professeur Rudolf Sohm, qui n'a même pas de notice en français dans wikipedia, sur lequel Congar a écrit un article: "Rudolf Sohm nous interroge encore"), précisant des notions auxquelles je n'avais jamais réfléchi (est-ce que la mission détermine la fonction? (Hervé à qui j'en parle me dit «ah oui, c'est comme chez les militaires qui disent que la mission prime le grade»), des raccourcis éclairants («une analogie ne vaut que par ses différences»)…

Je vais voir Birdman qui m'ennuie imperceptiblement (le complexe d'infériorité Holywwod/Brodway m'est indifférent), je fais huit kilomètres de vélib pour rendre un livre de bibliothèque (c'est important car je crois que c'est là que je me suis enrhumée) et je rejoins Hervé et les V. chez Mariage. Demain les V. père et fille courent un semi-marathon à Vincennes. Ils dorment à la maison ce soir. Pour des raisons de logistique, je n'irai pas ramer. Je vais dormir.



— A quelle heure tu t'es levée?
— Quatre heures et demie.
— Est-ce raisonnable si tu es fatiguée?
— C'est l'inverse, c'est parce que je me suis levée à cette heure-là que je suis fatiguée.

Lecture grecque

En ratant le cours il y a un mois, j'ai raté l'introduction à l'évangile de Pierre, un apocryphe dont je crois comprendre durant ce cours-ci que nous n'en possédons que des fragments en grec mais l'intégralité en éthiopien.
J'aimerais pouvoir expliquer l'abîme de perplexité dans lequel cela me plonge: quel est l'alphabet éthiopien? Comment sait-on ce que veulent dire les mots éthiopien du deuxième siècle? Comment est-il possible de traduire?

Traduire le grec est un grand émerveillement, j'ai l'impression d'introduire la pointe d'un couteau dans la jointure entre deux os, entre le sens et la langue, de sentir le jeu, le vide, le suspens. Tout texte traduit par soi-même prend un nouveau sens, une nouvelle réalité, au fur à mesure des mots dévoilés.
La professeur commente les points de grammaire, le vocabulaire, avec des remarques dont je me souviendrais sans doute:
— Les verbes de perception sont toujours suivis du génitif, le grec part du principe qu'on ne perçoit qu'une partie de la sensation, sauf pour la vision, qui est pour eux le sens le plus complet.
— Quand je vois les disputes entre exégètes sur le thème "les amis autour de Pierre, mais alors, ça veut dire que Pierre n'en fait pas partie", ils auraient dû faire un peu plus de grammaire grecque, "oi peri Petrou", c'est Pierre et ses amis, c'est la façon de dire Pierre et ses amis".
— "Mathetria", vous ne voyez pas ce que ça veut dire? Vous voulez être condamnée à lire la littérature féministe sur le thème? Bon, oui, disciples, c'est un peu dommage que ce soit un épicène en français.

La description de la résurrection dans cet évangile fait très manga, avec croix lumineuse qui parle et suit Jésus soutenu par deux hommes (la tête des hommes touche les cieux, celle de Jésus les dépasse). Je me dis que les textes retenus pour le canon ont peut-être été choisis pour leur sobriété; ils décrivent l'absence, le creux.

Hérésie valentinienne (il y a eu une hérésie valentinienne?), livre de Barthélémy (en réponse à la question: «quelle est la plus ancienne description de descente aux enfers?» Réponse donnée tout à trac, à vérifier à l'occasion).

Dormir

Je viens de découvrir (je n'y avais jamais fait attention) que le réalisateur de My own private Idaho est Gus Van Sant.
Je rêve de revoir ce film à cause de la narcolepsie.


(Zut, je m'aperçois ce soir en regardant mes mails que j'ai raté un de mes bien-aimés cours de grec. D'un autre côté, je n'avais pas du tout le temps d'y travailler, ce n'est pas pour rien que je m'étais autopersuadée que le prochain cours était en mars.)

Tuteur

Les études de théologie que je suis étant réservées à des adultes ayant une vie professionnelle, elles prévoient pour nous aider à reprendre un rythme estudiantin des "tuteurs", des personnes attribuées à chacun de nous et destinées à nous aider dans la méthode et, tout au moins au début, à vérifier que nous lisons assez et que nous lisons bien (que nous savons lire, prendre des notes, comprendre des structures (à vrai dire, je suis de moins en moins sûre du dernier point. Cette année est une année de doute, je ne comprends pas, je ne saisis pas, je ne vais pas y arriver, etc (ne pas penser et s'obstiner, politique du bœuf de labour, jusqu'à ce que tout le champ y passe (parenthèse hors sujet)))).

Les deux tuteurs que j'ai eus jusqu'ici exerçaient en dilettante. J'arrivais avec une liste de livres lus, mon répertoire thématique Clairefontaine de citations et nous discutions agréablement de choses et d'autres. Les seuls conseils que j'ai eus ont été, du premier, de dater mes lectures, du second, de lire Beauchamp. Tout cela n'était pas très utile mais sympathique, surtout que je recueillais de fort bonnes notes en fin d'année.

Cette année, et pour les quatre années qui restent, m'a été attribuée une femme austère à la réputation effrayante, ayant fait sa thèse de doctorat sur la mystique de St Jean de la Croix. Lundi soir j'ai vu arriver dans ma boîte mail la demande de lui envoyer "l'ébauche du travail que j'allais lui présenter mercredi" (aujourd'hui) (nous étions convenus que cette séance de tutorat porterait sur l'oral d'exégèse ayant lieu en avril). Bien entendu je n'avais rien, n'ayant jamais travaillé ainsi avec mes tuteurs. Rentrée de cours à minuit, travail de quatre heures du matin à huit (heureusement Olivier commençait à dix heures), premier envoi mardi matin avec promesse d'un second, rebelote dans la nuit de mardi à mercredi, envoi mercredi midi du choix de ma péricope et d'une ébauche d'analyse (ayant choisi un sujet sur l'épître aux Colossiens, il m'appartenait de délimiter un extrait (péricope) de l'épître pour répondre au sujet).

J'appréhendais de la rencontrer. Elle m'a reprochée de lui avoir envoyer la péricope trop tard, qu'ainsi «il lui était difficile de m'aider». Et effectivement, elle m'a aidée. Elle avait apporté des photocopies de dictionnaire, m'a indiquée par quoi il fallait commencer, a articulé une problématique, m'a donnée des pistes («les impératifs de Paul renvoient toujours à des affirmations, trouvez lesquelles»; «quelle est la question théologique posée par Nostra Æetate?» Je balbutie quelque chose. «Non, ça, c'est la réponse»). Elle a défriché, donné des principes, je me suis sentie moins démunie face à ce truc fuyant et incompréhensible qu'est l'ecclésiologie («le corps mystique du Christ»: mais y a-t-il quelqu'un qui comprenne vraiment ce que cela veut dire?)
Elle a terminé en me disant que dans les deux mois à venir je pouvais être amenée à changer de problématique et de plan au fur à mesure de ma réflexion, qu'à la fin de mon travail mon approche du sujet aurait sans doute changé, que «j'aurai été déplacée».
Et cela m'a fait rire en me rappelant une boutade de première année. Qui avait dit que dans cette maison, le leitmotiv était «le déplacement» accompli par tout travail? (la façon dont ce qu'on pense à priori avant de commencer est transformée par le travail accompli: ce qui compte, c'est la mesure de ce déplacement, c'est d'avoir conscience de l'écart et être capable d'en rendre compte). Je l'avais totalement oublié, voilà que cela ressurgissait.

Je suis sortie de la rencontre ravigotée. Je me sens comme un pied de petit pois qui aurait trouvé sa rame.

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Agenda
Le soir The Haunting Melody avec la classe d'Olivier. Beaucoup somnolé, des bribes de musique passant dans mes songes. Je ne suis pas emballée mais cela pourrait intéresser mes amis mélomanes (ou musicologues? réflexion sur les musiques qui tissent nos vies bon gré mal gré).

A propos de Lumen Gentium 36, un prêtre oratorien

«On voit ici l'ampleur de ce qui est demandé aux laïcs ! Je ne suis pas laïc, je suis bien content.»

Projet

— Cela coûte très cher, un procès en canonisation. Si vous voulez faire canoniser votre grand-mère, vous avez intérêt à en parler à vos cousins avant.

La permanence d'Israël, une question pour l'Église

TG sur les rapports des Juifs et de l'Eglise. Comment interpréter la permanence d'Israël. Je dois avouer que cette question ne m'a jamais effleurée: il me semble tellement humain de refuser de se convertir, par fidélité.
Mais en fait, comme je mets en ligne ce billet deux semaines plus tard, le TG suivant a fait naître quelques réflexions: le Messie était destiné aux Juifs, et "nous", l'Eglise, les chrétiens, sommes finalement la preuve d'un échec. Comment vivre avec cette preuve que nous n'étions pas élus, mais que nous sommes un pis-aller? Cela peut-il expliquer la rancœur chrétienne envers les juifs? Mais cela ne peut-il pas être le contraire, une cause de rancœur juive puisque nous leur avons volé leur héritage?).

Histoire de l'écriture de Nostra Ætate dans le contexte politique de l'époque. Vatican II comme le lieu d'une diplomatie intense. Moyen-Orient, déjà. Les évêques des pays arabes, soucieux de ne pas monter les autochtones contre les chrétiens par un soutien trop clair à Israël. Différence entre Israël-peuple de Dieu et l'Israël politique de 1962. Et cependant le même. Et la résonance de tout cela aujourd'hui… Mais après tout, c'est aussi pour cela que j'ai entrepris ces études. Comment se douter en 2011 que l'urgence ne ferait que croître (mais en réalité, c'était prévisible. La forme que cela allait prendre (Daech ou Charlie) ne l'était pas, mais le fond était perceptible).

Phrase extraordinaire sur le décret dans un extrait de René Laurentin.
Plus profondément, le texte sur les juifs, qu'on tenta d'intégrer successivement à la liberté religieuse, puis à l'œcuménisme, puis à l'Église, puis à l'ensemble des religions, révéla sur chacun de ces terrains une incidence significative. Chassé de partout, le Décret primitif De judaeis a partout provoqué une réflexion et porté des fruits. On pourrait d'ailleurs en dire autant du problème connexe de la liberté religieuse qui fut rattachée successivement aux schémas sur l'Église et sur l'œcuménisme et révéla, dans les deux cas, un point névralgique, sinon essentiel.

R. Laurentin, «Histoire. Les origines (1960-1962)», L'Église et les juifs à Vatican II, p.28 Paris, Casterman, 1967
«Chassé de partout, le Décret primitif De judaeis a partout provoqué une réflexion et porté des fruits»: quelle phrase extraordinaire, qui peut s'appliquer exactement aux juifs. Personne ne l'a relevée durant le TG.

En sortant j'achète un Thomas Bernhard d'occasion, par hasard.


Sieste. Puis rangement, encore.

N'empêche

Que Charlie hebdo soit l'occasion de prôner d'arborer le drapeau français (lors de la manifestation de demain) et de remercier la police et la gendarmerie et que les assassins de journalistes soient abattus dans une imprimerie ne manque pas de sel.

Et mon fils qui me dit superstitieuse quand je parle de karma…






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Agenda
Le matin cours de droit canonique. Passionnant. "Pour le salut des âmes" avant tout. Protection du "for intérieur".
Le soir Le Père Noël est une ordure au théâtre. Très drôle.

Avant Noël

Matinée loin d'internet pour tenter d'en finir désespérément avec cette dissert de philo que je n'écrirai jamais, je crois. Enfin, le plan est fait. «Nous fuyons ce qui est important». Je ne vais tout de même pas rater ce cursus pour une dissert de philo, après une en exégèse et une en théologie? Eh bien il se pourrait que si. (Mais non. «Essaie encore, petit scarabée.»)

Derniers cadeaux de Noël. Il reste l'engrais pour les orchidées à aller chercher. Claude revient demain, mais qu'allons-nous faire demain soir, avec les tendances intolérantes de plus en plus prononcées d'Hervé? C'est stupide, nous devrions être en famille (élargie), la seule fois où nous avons manqué à cette règle a été d'une profonde tristesse (il y a longtemps, plus de quinze ans). En famille ou à l'église (ou les deux), sinon ce n'est pas Noël (ou rien, ce qui est aussi une possibilité. Plutôt rien qu'une pure fête de la consommation).

Divers

Le plus important : l'escalier du quai central du RER à Yerres est rouvert. (Si, c'est important). Et il est plus large que le précédent : incroyable, ils ont PENSÉ à NOUS.

J'ai appris que César parlait grec, spontanément (il aurait prononcé ses derniers mots en grec, ai-je bien compris mon voisin?). Plutarque rapporte «Elton, eidon, enikésa», en précisant que cela rend mieux en latin: «Veni, vidi, vici»).
Moi qui croyais dur comme fer à Astérix, j'en suis toute retournée.

Hier, je ne me suis pas contentée de me battre avec mon ipod pendant que j'attendais Olivier au conservatoire. J'ai également appelé ma mère. J'ai eu droit à l'une des nouvelles qu'elle adore, celle de la catégorie (quasi)-people-qu'on-connaît. En général ça commence par «Tu te rappelles de …? Eh bien il …». A cela près que cela tombe souvent à plat car je ne me souviens pas de grand monde. Il y a eu le fils du pharmacien d'Agadir cité parmi les responsables d'un scandale financier; cette fois-ci il s'agit de mon parrain: «Tu sais son fils? Eh bien, il a eu une fille trisomique et il en a fait un livre.»
(Une recherche Google plus tard, il s'avère qu'il s'agit en fait d'une BD.)

Cela fait combien de temps que je n'ai pas revu mon parrain? 1993: nous étions descendu à Talence pour un prêt bancaire, l'achat de notre premier appartement. Février 1993. Il habitait un château des Rotschild (l'un des membres de la famille, lequel?) divisé en quatre entre les deux étages et l'escalier. C'était fantastique, le salon allait d'une façade à l'autre, d'est en ouest, trouées des fenêtres ! C'était immense et inlogeable, petites chambres et salles d'eau ajoutées dans les recoins. J'avais découvert qu'il était inutile d'acheter des meubles pour ces grands espaces vides, il suffisait de disposer adroitement de grandes plantes vertes. C'était très beau et très serein, je me souviens encore de la lumière du petit déjeuner sur la table ronde au pied taillé d'un bloc dans un chêne, table louée avec l'appartement car on ne pouvait la déplacer.
Il a divorcé, Hervé s'est offusqué (deuxième divorce, cinq enfants), nous l'avons perdu de vue. Je lui ai écrit une fois bien plus tard, quand j'ai trouvé son adresse mail sur internet (donc en 2001 ou 2002). Il n'a pas répondu. Mais je ne suis pas très douée pour ce genre de lettre.
(En 2008, j'avais trouvé la page de sa dernière fille sur FB.)
J'aimerais bien le revoir parce que j'ai découvert quelque chose qui m'intrigue: c'est mon parrain, il était présent à mon baptême. Or mon père n'y était pas, il n'a réintégré l'histoire familiale que quatre mois plus tard. Et pourtant, je pensais que mon parrain était un ami de mon père. Est-ce pour cela que ma mère l'a choisi? Ou est-ce par elle que mon père l'a connu? Je suppose que cela doit paraître sans importance, mais ça m'intrigue. Il faut dire par ailleurs que mon parrain détonait parmi les amis de mes parents. Pas les mêmes centres d'intérêt (je n'ai jamais entendu quelqu'un écouter autant de musique que lui) et pas le même niveau intellectuel.
Mais évidemment, il est délicat de reprendre contact à l'occasion de ce livre. Ce serait bizarre.

(A me relire, je corrige: j'aimerais bien le revoir parce que je l'aimais beaucoup.)

Concile, conciliant, conciliation

Hier, cours sur Congar. Note de cours:
On dit que Paul VI partait à chaque inter-session [du concile Vatican II] avec le dossier de la minorité.
Le but n'est pas de triompher d'une école, mais de trouver l'unanimité, une collégialité. Il s'agit de trouver un terrain d'accord.

Très impressionnée par cette idée de se pencher sur les arguments des opposants pour les comprendre, plutôt que les écraser. Beau modèle, mais qui demande beaucoup de patience et un idéal commun avec les opposants.


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Agenda
Sortie en quatre (François, moi, Gilles, Damien). Seine très agitée. J'aurais dû prendre la nage, je n'ai pas osé.
Olivier malade. Aussitôt le souvenir de l'année dernière.
Rentrée décapotée, encore, dans la nuit. Je me rends compte que c'est pour moi l'image naturelle d'une voiture, les premières, celles des années 1910.

Journée de cours

Les Carolingiens. Le pouvoir. Un ministère est un service.
«Les rois ont davantage évoqué l'Ancien Testament que le Nouveau. Evidemment, il n'y a pas grand chose dans le Nouveau, et le moment où Christ est roi, c'est sur la croix, alors… cela rend prudent.»

Faut-il opposer temporel et spirituel, temporel et spirituel étaient-ils opposés? Pape, roi, évêques, empereurs d'Orient et d'Occident, qui nomme qui, qui est nommé par qui, quels sont les rapports de pouvoir ?

Une fois de plus, la théologie montre qu'elle est avant tout un "et", l'art de maintenir ensemble des concepts pratiquement opposés: articuler pouvoir "et" service.

Je rentre décapotée dans la nuit, il fait doux après la pluie du matin.

Cours

Cours de latin. Quatrième leçon. Nous avons vu les déclinaisons une et deux, les adjectifs de première classe, le présent, futur et imparfait du verbe être, le présent des cinq "groupes" (le mot juste m'échappe) de verbes.
Nous traduisons directement des versets du Nouveau Testament (Saint Jérôme). Pour la prochaine fois, du Saint Paul.
Je me dis que ceux qui n'ont jamais fait de latin doivent peiner.

Cours d'histoire, les Carolingiens, la réforme grégorienne. Nouvelle prof, assez étonnante: elle fait partie de ces personnes alertes et vivantes qui ont un physique de vieille fille revêche.

Le soir j'arrive juste à temps (23h02) sur le quai du RER gare de Lyon.
Manque de bol, le train part des grandes lignes. Il faudra attendre 23h32.

Une certaine idée du bonheur

Hier, j'ai assisté à mon premier cours de "lecture suivie de grec" par Anne-Catherine Baudoin, qui était la professeur qui nous avait fait une présentation remarquable ce jour-là (et c'est sur son nom que je me suis inscrite, il a simplement fallu attendre deux ans d'avoir fait Grec I et II).
Il est apparu assez vite que je n'étais pas du tout au niveau: pour le premier cours, comme par définition nous n'avions pas préparé de texte, les traductions se sont faites sur le vif: sueurs froides et panique, je ne sais rien.

Mais à part le fait que cela est très embarrassant, tant qu'elle ne me prie pas de ne plus venir pour manque de niveau, cela n'a aucune importance, le bonheur est trop grand. Peut-être même est-il plus grand du fait de ne pas être au niveau: j'ai le droit d'être ici malgré tout, d'apprendre malgré tout, de participer malgré tout… Tant pis pour l'imposture, après tout cela n'en est pas une puisqu'elle est visible à tous, chic je suis acceptée malgré tout.

Quelques explications sur les codex Vaticanus, Alexandrinus, Sinaiticus. Je confonds, ne retiens pas, n'ai pas le temps d'écrire, mais c'est fascinant. Une vie entière penchée sur des variations, en sachant que l'une n'est pas forcément plus "juste" que l'autre.
Nous lisons et traduisons un peu de Marc directement sur une phocopie de manuscrit. Cela donne l'impression d'être enfin dans la vraie vie. (Ce n'est pas facile de lire un texte écrit en capitales grecques sans césure entre les mots).

J'apprends l'existence de Constantin von Tischendorf, le véritable Indiana Jones, ou presque.
Je corrige, ce n'est pas que nous entrons dans la vraie vie mais le contraire: nous entrons de plein pied dans les mythes.

Premier TG d'ecclésiologie

Je prends le RER plutôt que la voiture, afin d'avoir le temps de terminer ma préparation de TG dans le train.
Du quai, je contemple les wagons arrêtés sur la voie en face (et qui de ce fait la condamnent pour la journée). Beaucoup de travaux prévus dans les semaines à venir.





La composition du groupe se spécialise: une religieuse, une ex-religieuse, une future religieuse. Deux médecins, une infirmière (un ingénieur, un imprimeur à qui je recommande Le cave se rebiffe).

Matinée sur Troeltsch. Finalement "l'Eglise-mystique" serait le ferment qui travaille l'Eglise (chrétienne) de l'intérieur.

Apéritif. J'entends tandis que je sirote un verre de kir devant St Joseph-des-Carmes:
— Nous fuyons ce qui nous est important.



Rentrer me prend des heures car je tente l'expérience, pour pallier le manque de trains s'arrêtant à Yerres, de prendre le bus B à Créteil-Pompadour. Las! je ne parviens à trouver l'arrêt de bus que bien après qu'il soit passé.
Je vais alors jusqu'à Villeneuve-Saint-Georges et en attendant mon train qui tarde, emm**, par pure malice, pour m'occuper, (le pauvre) un black petit qui fait des sondages sur notre satisfaction: nom de Zeus, il ne faut pas avoir honte!

En arrivant à Yerres, je photographie les travaux vus de l'autre quai. Il fait très beau.

Lundi : cours

Congar au centre Sèvres. Ça faisait longtemps que je n'étais pas venue là. Un Allemand, un Polonais, un Indien dans les élèves.
Congar. Mon genre. 1790 titres (articles, livres, etc) recencés à ce jour.
Conseil de prof :«Je vous conseille vraiment d'avoir un théologien de référence, un compagnon de route; c'est ce qu'on nous conseillait quand j'ai commencé mes études — moi j'avais choisi Irénée».
«On est toujours un débiteur et un héritier, ça fait partie de l'expérience théologique.»

Latin. La prof est très brouillonne, elle en dit trop, elle explique trop de choses inutiles pour un début, elle perd les étudiants — elle me fait penser à moi expliquant.

Exégèse (après des lundis d'ecclésiologie et de sociologie). Saint Paul. Voilà Saint Paul. Treize lettres, sept authentiques, quatre de seconde main, deux adressées à des personnes.
Saint Paul a été lu pendant des siècles à travers le prisme de la lecture de Luther (la justification par la foi, Romains 1 à 8, on ne lisait pas la suite) lisant Augustin. Cette lecture a été remise en cause récemment, sans que de nouvelles pistes se soient vraiment dégagées. Personne n'ose se lancer. (Et je pense à Marc et «What time is it? Kairos!»).
Je ne doute pas que certains amis seront heureux ou amusés d'apprendre, ordre alphabétique oblige, qu'en haut de la bibliographie figure le Paul de Badiou.

L'oral portera sur une courte péricope. Je penche pour l'épître aux Colossiens.

Lundi

Encore bien ébranlée par hier. Parfois je regrette de ne plus avoir de pulsions suicidaires : au moins cela donne une forme à la pensée. Là rien, dans mon cerveau une impression de plaque mélaminée beige sur fond blanc, je ne suis ni au centre ni au bord, je ne fais rien, j'attends, je ressens le temps et je me demande comment le remplir. Je suffoque, je respire mal, par la bouche, j'ai le cœur qui bat trop vite. Je me demande si ce ne sont pas les symptômes d'une attaque de panique. Tlön et JY m'ont écrit des mots désolés pour regretter "une terrible méprise". Je leur suis reconnaissante de ne pas être montés sur leurs grands chevaux et de ne pas m'avoir dit que j'exagérais — il est possible que ma tête d'hier était à faire peur et qu'ils aient compris qu'il n'y avait pas, hélas, de théâtre ou de sur-jeu dans mes réactions (moi-même j'ignorais que je pouvais réagir comme cela, être aussi malade d'abandon. Quelle faille brutalement —et publiquement— découverte. Je suis très embarrassée)). J'ai mis le billet précédent hors ligne vers 17h hier parce qu'il est violent pour eux et que je les crois; je le remettrai en ligne dans un an, pour mémoire des événements, quand sa publication ne sera plus repérée de la plupart des agrégateurs (idem pour ce premier paragraphe). Patrick n'a pas réagi, silence radio.

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Difficultés de concentration: déterminer ce que j'ai à faire, le faire, quasi au-dessus de mes forces.

La bibliothèque de l'ICP est rouverte, elle m'avait manquée. Les professeurs de cette année semblent bien maîtriser la mise à disposition des documents sur plateforme électronique (ça nous change).
Nous commençons à craindre de voir disparaître tous les étudiants "pas dans la ligne du parti", non que le parti les chasse, mais ils n'ont pas l'envie ou le courage de rester à la perspective de cours moins généralistes (j'appelle généraliste l'histoire, la philo, l'exégèse qui est de l'étude de textes) et plus spécialisés sur l'Eglise, le Christ, les chrétiens. Or ce sont ces étudiants qui apportent à notre promo son grain de folie.

Les rapports de l'Eglise et du pouvoir depuis Eusèbe de Césarée et Théodose jusqu'à Philippe Le Bel. Césaro-papisme et sacerdotalisme. Apparté sur la thèse de Marcel Gauchet: plus l'Eglise et l'Etat sont séparés, plus nous sommes dans un monde chrétien (puisque le Christ lui-même avait prôné la séparation. Doctrine Reddite, rendre à César… J'espère que mon résumé n'est pas trop brutal).

Premières démarches pour qu'O. s'inscrive en conduite accompagnée. J'espère qu'il n'abîmera pas ma nouvelle voiture.

Pique-nique théologique

Journée de fin d'année (un peu tristoune, je ne sais pas ce qui se passe, cette année est morose). Dans mon sac un ordinateur et son chargeur, trois stylos, une carte navigo, mes clés de bureau, un dossier à préparer (que je n'ai pas préparé), une anthologie de textes sur "la question du sujet", un étui de lunettes léopard contenant des lunettes roses, un étui gris contenant des lunettes de vue, une Bible de Jérusalem, des kleenex décorés de roses achetés à Nohant, des clés de voiture, un agenda Pléiade, un téléphone, un rouleau de sopalin, une nappe et une bouteille de Cahors achetée dans le Lot.





Le repas au soleil était malgré tout bien agréable.
Personne ne paraît avoir envie de faire de l'ecclésiologie l'année prochaine.

Jeudi chômé

J'ai pris quelques jours de vacances, d'une part pour me remettre de ma fièvre d'il y a deux semaines (je ne sais pas ce que c'était, mais je n'ai pas récupéré. S'y est ajoutée l'heure d'été, je suppose) d'autre part pour ranger la maison.
Mais en fait, comme j'ai des cours tous les jours à Paris, cela ne m'en laisse guère le temps.

Rangement le matin. Teinture pour cheveux. Je déteste ça, ça m'ennuie et surtout je crains que cela ne m'empoisonne au sens propre.

Je vois Lisa. Elle m'amène le programme de la maison Heine. A noter le 1er mai une conférence sur l'Ukraine, le 27 Faye sur Heidegger (ce qui recoupe le cours d'hier). Ce sont des mardis, je ne pourrai pas y aller.

Nebraska. J'ai rarement vu autant de vieillards dans un film. Sans spoiler, il est possible de dire que d'un certain point de vue ce film illustre que la foi fait advenir les miracles.

Dernier cours d'allemand théologique. Une fois de plus j'ai découvert combien j'étais ignorante. Parfois je me dis que je serais tout de même beaucoup plus tranquille à ne pas bouger dans un coin plutôt qu'à m'intéresser à ce que je connais pas: car à chaque fois ce sont des pans entiers du réel, totalement inconnus la seconde précédente, qui s'ouvrent devant moi. C'est déstabilisant. (Mais comment parvenons-nous à nous comprendre avec si peu de références communes? ou tant de références non en commun? C'est un miracle que je ne m'explique pas (il y a une citation de Nabokov à ce sujet dans la partie commentaires de Pale Fire: "je voudrais que vous vous étonniez que ce soit compréhensible". (à peu près, de mémoire))1.

Vélib. J'attends les compagnons de l'Oulipo devant le restaurant en commençant Béton de Thomas Bernhard. Ça a l'air vraiment bien. N'est-ce pas lecteur qui me le conseillait?

Dîner. Dominique déchaîné parle de cinéma. Je note pour mémoire I want to go home et Week end.

Ce soir deux mauvaises nouvelles, contradictoires: condamnation de RC, élection de Finkie.





Note
1 : ajout du 10 avril 2015 : référence précise ici.

Réorganisation

Matinée à cataloguer les livres achetés ou reçus depuis septembre. Partie en retard, arrivée en grec en retard. Je fais mentalement un plan de rattrapage pour avoir une chance de réussir à avoir la moyenne à l'examen fin mai. Je suis dans le pur bachotage. Cela fait un moment que j'ai décroché, depuis le subjonctif, à peu près (j'ai fait une erreur que je répète régulièrement: j'ai abandonné mon plan de travail parce que j'ai cru trouver une meilleure méthode dans un nouveau livre…: et j'ai donc abandonné mon plan de travail sans adopter la nouvelle méthode (parce qu'évidemment, à la reprendre au début c'était trop facile, donc j'avais l'impression de ne rien apprendre). Cela m'est arrivé très souvent dans le passé, un manque de patience devant des résultats qui ne se concrétisent pas assez rapidement. Cette tentation de trouver une façon d'aller vite sans travailler le fond… Malédiction!)

La responsable du Cycle C (baccalauréat de théologie en formule "soir" (cycle A pour les étudiants à temps plein en journée)) est venue nous expliquer un réaménagement des huit ans de façon à conserver suffisamment d'élèves dans les cours et les TG. Il s'agit de mailler les promotions N-1, N et N+1 en fonction des cursus:
On laisse de côté la première et la dernière années qui ont des statuts particuliers. Il reste des années qui vont par deux dont on peut imaginer qu'on puisse suivre indifféremment la 1 ou la 2 en premier :
parcours biblique 1 et 2
christologie et ecclésiologie
agir chrétien et xx (je ne me rappelle plus).

Normalement nous aurions dû suivre christologie l'année prochaine. Nous allons plutôt rejoindre les élèves de N+1 (actuellement en christologie) pour faire avec eux l'année d'ecclésiologie (en 2014-2015).
Puis en 2015-2016 nous ferons la christologie avec les élèves de N-1.
Et rebelote pour les deux années suivantes. Ainsi les cours et TG bénéficieront d'une assistance plus nombreuse. Ce projet nous a été présenté d'un point de vue pédagogique (émulation, dynamique de groupe, connaissance des élèves des différentes promotions) mais nous avons tous compris les économies de professeurs que cela représentait.

Cours sur Kant avec une nouvelle professeur. Nous l'avions vue en septembre 2012 (oui, 2012), je ne l'aurais pas reconnue. Intéressante, passionnée. Que puis-je connaître, que dois-je faire, en quoi m'est-il permis d'espérer?, soit la vérité, le bien, le bonheur. (J'ai toujours une fascination pour ces formules ramassées, même si je sais bien qu'il faut s'en méfier — trop simplificatrices).

Samedi

TG sur Kant dans la matinée. Sur quoi fonder les vérités transcendantales?

En attendant H., je passe à la Procure. Je finis par avoir honte de tous les livres que j'achète et me dépêche de payer avant qu'il n'arrive.

- Jean-Claude Michéa, Les mystères de la gauche. J'aime bien Michéa depuis son livre sur Orwell.
- Judith Butler, Qu'est-ce qu'une vie bonne?
- Charles Taylor, Les sources du moi, pour la dissert de philo, en remerciant Compagnon qui me l'a fait connaître.
- Emmanuel Lévinas, Difficile liberté. Parce que lorsqu'on a un prof lévinassien, il faut au moins citer Lévinas en conclusion, même s'il ne l'a pas donné dans la bibliographie.

Je retourne voir Dallas Buyers Club avec H. qui veut le voir.
— Dieu, aide-moi.
— Mais Il t'aide. J'ai le Sida, papa.
Plus frappée encore que la première fois par l'illogisme absolu qui consiste d'interdire à des gens condamnés à court terme de prendre des médicaments au prétexte que ceux-ci sont mauvais pour leur santé!

Encore une robe. Pas celle que je préférais au niveau couleur, mais la mieux au niveau forme. Or il faut toujours choisir la forme.

Trois piliers

Fin des cours avec ce prof. Dommage, je l'aimais bien. Hume.

«Il faut vous y faire, en philo, il y a trois piliers: Platon, Descartes, Kant.» (Cela me paraît trop simple pour être honnête. Mais Platon plutôt qu'Aristote, tant mieux.)
Lui est lévinassien.

Fatigue

Encore du quatre sans barreur : trois fois d'affilé, Noël!

Pensées: au dégagé, renvoyer les mains, deueux troiois quaatre, descendre la main droite (babord) pour éviter de plumer, en faire autant à tribord pour éviter que le bateau ne penche, préparer sa pelle tribord de façon à la plonger sans mettre la main au fond du bateau, ce qui évite de surcompenser en relevant la main une fois dans l'eau (défaut identifié par Stéphane), appuyer sur les deux jambes en sentant la poussée se propager cuisses mollets talons (talons ou pointes de pieds? j'essaie les deux, d'un coup à l'autre), penser à tirer la main tribord horizontalement comme on ouvre un tiroir, ne pas plumer babord, et c'est reparti pour le coup suivant, deueux troiois quaatre, "recovery" disent les Anglais pour le "retour" qu'il faut ralentir sans buter sur l'avant de la coulisse en fin de course…
ou:
tenter de se détendre, regarder autour de soi, les arbres, les cormorans, oublier que l'on rame, espérer que le corps va savoir, instinctivement, si on l'oublie (et ce n'est pas si faux)
ou:
tenter l'exercice zen qui consiste à se dissoudre, ne plus faire qu'un avec la nage en cessant de penser.

En tout cas, j'avais tort la semaine dernière d'accuser le vin de ma faiblesse: c'est l'aviron qui me rend comateuse. Il faudrait que je change de jour pour ramer, mais quand? Pas le lundi, pas le mercredi. Le jeudi je fais normalement de la salle le soir en attendant O. Le vendredi? Le problème du vendredi, c'est que si je me rate, il ne reste plus de jours à la semaine pour compenser.

Le CAC est jeune, j'en profite pour l'informer et le former, lui montrer la réalité qui se cache derrière ses demandes scolaires. "Matérialiser les contrôles": oui, mettre un grigri en bas de pages qu'on ne lit pas. J'essaie de lui rappeler les finalités de ces contrôles (efficacité et lutte contre la fraude). J'espère que cela lui permettra de poser des questions sensées dans ses missions suivantes (je rêve (ce n'est pas qu'il soit bête, mais c'est qu'il n'est pas payé pour ça. Son boulot est de dérouler une liste de contrôles, de suivre une procédure.))

La philosophie de Pascal. Le moi haïssable et le même moi appelé à la grandeur.

Marie-Laure devrait me donner une méthode de calcul de la taxe sur les boni de liquidation. Ça y est, j'ai enfin un "réseau professionnel"! (Activer son réseau, ça me fait toujours doucement rigoler.)

Je ne rate plus mon train car je vais gare de Lyon en Vélib.

Erreur

Ce n'était pas une bonne idée de voire un verre de vin avant mes cours — après avoir ramé le midi et presque rien mangé. Je me suis sentie mal toute la soirée.

Le présent et le médio-passif des verbes en -mi (il n'y en a que cinq —et leurs composés— utilisés dans le Nouveau Testament). «La semaine prochaine nous verrons le futur; c'est très facile, et la semaine d'après l'aoriste, c'est une horreur.»
635 mots représentent 87 % du NT. Dans un sens c'est décevant (quelle pauvreté) dans un autre c'est encourageant (il devient tout à fait possible d'apprendre cela par cœur).

Divine surprise

Premier TG de philo ce matin. Je pensais avoir la même prof que l'année dernière, et par exception aujourd'hui, pour des raisons d'absence, une autre professeur ayant officié l'année dernière et s'étant fait violemment détestée par son groupe (un homme pondéré avait ainsi écrit sur la feuille d'évaluation de cette professeur: «Nous avons tous compris que Mme X. n'avait pas besoin de préparer les TG tant notre niveau était bas et que cela la dérangeait de se lever pour venir nous faire cours […]». (Plus tard quand je lui en ai reparlé, il m'a avoué que finalement il n'avait pas rendu la feuille rédigée en ces termes).
J'allais donc en TG avec un peu d'appréhension.

Je m'étais trompée, je n'avais pas compris et mal écouté: je change de groupe donc de prof cette année, ce qui fait que du même coup j'ai échappé à la remplaçante redoutée! Alleluia! Le professeur de cette année est mille fois plus intéressant que celui de l'année dernière; décidément la philosophie n'est intéressante que lorsqu'elle ressemble à une longue conversation, chaleureuse, malicieuse, tourmentée, sombre, vivante.

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Agenda
Acheté une robe et des chaussures orange. Regardé des chapeaux. Ai fait réactivé ma carte vélib qui n'était plus disponible depuis mon changement de carte Navigo.
Only Lovers Left Alive. Film lent, envoûtant. Jarmush réussit le tour de force de maintenir une tension narrative dans un récit (une diégèse) languissant. Triste, calme, nostalgique, engagé. Beaucoup d'amour pour les livres, la musique, la nature. Oui, beaucoup d'amour dans ce film.

Descartes

Toujours en philo, au lycée, en Deug, au centre Sèvres, Descartes est le rocher, le point de départ, celui que l'on ne contourne pas mais auquel on s'arrime (en philosophie antique il n'y a pas une telle unanimité : hésitation entre Platon et Aristote).

Il reste qu'en lisant les Méditations métaphysiques (je doute de tout, mais pas de moi qui doute, car même si je suis trompé par un mauvais génie, il faut bien qu'il y ait quelqu'un à tromper, etc (j'en suis à la troisième)), la question qui me taraude à chaque fois que je recommence la philosophie revient en force: pourquoi les hommes philosophent-ils? Pour accéder à la vérité? Mais à quoi bon une vérité qui n'accroît ni le bonheur (ce qui me rend heureux) ni la bonté (le bien que j'apporte autour de moi)?

Et puis cette "vérité" me paraît manquer d'envergure. Jamais il ne me serait venu à l'idée de dire que deux plus trois fait cinq est "vrai". Je dis: «c'est juste». Juste: es stimmt, cela résiste à la vérification (on laisse ici de côté l'aspect conventionnel des mots: ce qu'on appelle deux et ce qu'on appelle trois). Ce qui valide que ce soit juste, exact, c'est que lorsque j'utilise ce résultat comme fondement d'autres raisonnements, j'arrive de proche en proche à quelque chose qui coïncide avec la réalité: si deux et trois ne faisait pas cinq, les Portugais n'auraient pas pu cartographier le monde et nous n'aurions pas atteint la lune, nous serions passés à côté.
C'est juste. De là à dire que c'est vrai… Ce n'est pas à ce genre de domaine que j'applique le mot de vrai. (Ici il faudrait que je réfléchisse. J'essaie. Processing.)

J'ai découvert récemment quelque chose qui doit paraître évident à tout le monde, je suppose: qu'à un mot correspond plusieurs contraires, que le contraire du noir n'est pas le blanc mais toutes les autres couleurs. Quelle est le contraire de la vérité? l'erreur, le mensonge, la fiction? l'erreur manque la vérité de façon involontaire, c'est sans doute le plus difficile à déceler et corriger; le mensonge sait où se trouve la vérité, mais veut tromper: le pire d'un point de vue moral, mais moins grave que l'erreur du point de vue de la Vérité; quant à la fiction, elle est ailleurs, d'un certain point de vue, elle est toujours vraie, une licorne n'est pas fausse, ce n'est ni un mensonge, ni une erreur, simplement elle n'existe pas, vous n'en rencontrerez pas (ou vous pouvez comme Russel soutenir que que jusqu'ici nous n'en avons pas rencontrée), mais cela n'a aucune importance tant que vous n'utilisez pas la licorne comme fondement concret de vos actions quotidiennes (non pas l'idée de la licorne pour vous donner du cœur à l'ouvrage, mais le besoin de crins de licorne pour jouer du violon).

Je me souviens avoir été déçue en commençant à lire Le discours de la méthode, quand j'ai découvert que ce qui me paraissait le plus intéressant, le plus digne d'intérêt, c'est-à-dire la mise au jour des principes qui permettraient de conduire sa vie droitement en toute occasion, avait été repoussé à plus tard: trop difficile, je laisse tomber pour l'instant, dit Descartes qui conseille de se conduire comme tout le monde et de ne pas faire de vagues (ce qui n'empêche pas d'avoir ses doutes): quelle déception. C'est cette partie-là qui m'intéressait.
Peut-être est-ce celle-ci qu'il faut appeler, ou qui s'appelle, "sagesse".

Donc question suivante: différence entre philosophie et sagesse? (non, les philosophes ne sont pas sages (ici pensée pour La philosophie comme manière de vivre: cela a sans doute été une ambition au début), du moins pas tous, du moins l'un n'implique pas l'autre: cela peut se trouver, mais il n'y a pas de lien de causalité entre l'un et l'autre, philosopher ne rend pas sage, c'est-à-dire apte à vivre sagement, heureux (pour soi) et bon (pour les autres).)
Alors, pourquoi les hommes s'obstinent-ils à philosopher?

Cohérent

J'aime dans l'apprentissage des langues les mots, les notions, qui n'ont pas d'équivalent d'une langue à l'autre.

La prof protestante n'a pas su traduire spontanément "Magistère" (sous-entendu de l'Eglise catholique tel que défini dans Dei Verbum §10). L'étudiante allemande non plus. Cette notion ne leur sert pas souvent, je suppose.

(Bon, je n'ai pas le courage d'expliquer, mais c'est plutôt amusant.)

Quelques lieux

Premier cours d'allemand théologique à l'institut protestant boulevard Arago. Deuxième cours, en réalité, mais hier O. avait concert de flûte et je voulais y assister.
Nous sommes quatre, la liste comporte huit noms. Deux hommes, deux femmes, deux catholiques, deux protestants, vingt, trente, quarante, cinquante ans, une jeune allemande très blonde aux yeux bleus. J'apprends que Tübingen est le grand lieu (actuel?) de la théologie en Allemagne.

Nous étudions un catéchisme contemporain. Je ne dis pratiquement rien. Je suis à peu près, c'est plutôt facile, mais de là à m'exprimer sur des points de vue théologiques… je n'en sais rien, même en français. J'ai l'impression qu'il faut apprendre les épîtres aux Corinthiens par cœur, tout ce trouve toujours dans les épîtres aux Corinthiens (ceci est ou n'est pas une plaisanterie, à votre guise).

Je prends un Vélib pour rejoindre H. à l'hôtel des grandes écoles au 75 de la rue du Cardinal Lemoine. Demain lui et une collègue de province ont un rendez-vous à Paris; il a pris lui aussi une chambre pour qu'elle ne se sente pas trop perdue. C'est un hôtel que j'avais repéré quand j'étais étudiante, pensionnaire chez les sœurs du couvent écossais au 63 (la toute petite fenêtre tout en haut à droite, c'était la mienne: la dernière chambre, celle que nous étions heureux d'avoir trouvée, Sciences-Po présentant le grand inconvénient (du moins à l'époque, aujourd'hui je ne sais pas) de donner la liste des reçus bien après la rentrée des autres écoles et universités: il fallait se loger dans ce qui restait).

Velib le long de la prison de la santé, j'ai étalonné la boussole pour savoir à peu près dans quelle direction aller, ça descend presque, les rues sont étroites et vides, il fait nuit, ça va vite. Rue des Feuillantines, la librairie "Le Chemin des philosophes" est placardée d'affiches, vitrines désolées. Trop tard, trop tard, pourquoi ne suis-je pas repassée il y a quelques semaines, quand son image m'obsédait?

Rue du cardinal Lemoine, 63, 71 ou 73, plaques à la mémoire de Larbaud et de Joyce. 75, hôtel, pension de famille en 1931, photos de clients sur le piano et les meubles, chambre petite, fleurie, sans télé, silencieuse. Par la fenêtre je contemple sans doute la pièce où fut fini Ulysses, mais laquelle?

Nous ressortons, nous avions envisagé de dîner à la Table russe: fermée pour congés, à la crêperie bretonne de la rue de l'école de médecine: définitivement fermée (zut, je ne l'aurai jamais testée), au Bouillon Racine: complet. Nous échouons à côté, le petit Bouillon dont j'ai oublié le nom.
Rarement nous nous serons autant cassés le nez à la recherche d'un restaurant.

Manon ne lâche pas le morceau

Chaque fois que nous manquons un TG, nous sommes censés rendre le travail par écrit (ce qui est une puissante motivation pour être présent). L'année dernière, jouant sur la nonchalance de mon chargé de TG qui avait aussi peu envie que moi de s'embarrasser d'un travail écrit, j'étais parvenue à y échapper lors de mon absence du 9 février (2013). Mais mardi soir, Manon est revenue à la charge: il faut que je lui rende quelques pages sur le sujet du TG du 12 janvier dernier.

Or le sujet porte sur Gadamer, Vérité et Méthode, Seuil 1976, p. 405 à 411… et le livre que j'ai emprunté (Seuil 1976) n'a que 346 pages.

Bon. Je vais mener l'enquête auprès de mes petits camarades. (Le titre de ce billet reprend l'exclamation de l'un d'entre eux. Le contraste entre le doux "Manon" et le rustique "ne lâche pas le morceau" me remplit d'aise.)

Mercredi

Matinée à la bilbiothèque. J'ai trois heures pour préparer mon oral sur les synoptiques jeudi soir. Nous avons une listes de péricopes, j'ai choisi la triple tradition, et la plus courte, partant du principe que plus le texte est court, plus on est obligé de concentrerson exposé. J'ai donc choisi la parabole sur le sel. Pour rire (de vous ou de moi), je vous donne les trois passages (traduction BJ 1998):
Mt 5,13 «Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel vient à s'affadir, avec quoi le salera-t-on ? Il n'est plus bon à rien qu'à être jeté dehors et foulé aux pieds par les gens.

Mc 9,50 C'est une bonne chose que le sel; mais si le sel devient insipide, avec quoi l'assaisonnerez-vous ? Ayez du sel en vous-mêmes et vivez en paix les uns avec les autres.»

Lc, 14,34-35 «C'est une bonne chose que le sel. Mais si même le sel vient à s'affadir, avec quoi l'assaisonnera-t-on ? 35 Il n'est bon ni pour la terre ni pour le fumier : on le jette dehors. Celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende!»
En fait, c'est surtout le contexte qui fait varier la tonalité de ces versets. "S'affadir" est une gentillesse, le mot grec est "devenir fou": s'agit d'une erreur de traduction entre l'araméen et le grec, ou d'une façon de dire que le sel perd ses qualités de sel?

Déjeuner à l'Antre deux où le patron appelle "Général" un général, vieil habitué du lieu visiblement.

Puis colloque "Eschatologie de la liturgie": cela consiste essentiellement à en chercher la trace dans les textes et les pratiques. Depuis ce jour de 1995 où j'ai lu le commentaire de Rosenzweig par Stéphane Mosès, l'eschatologie est la grande question.
Je n'écoute pas très sérieusement, je griffonne pour mon oral, c'est plus fort que moi.

Vêpres.

Le soir, réunion pseudo-Cruchons ou néo-Cruchons. Au resto. Laurent malade est absent, Aline est montée de ses terres et Jérémy s'est libéré. Nous parlons de tous en évitant les sujets conflictuels. (Enfin non, le mot est mal choisi: il n'y a pas conflit, nous sommes tous d'accord, je crois, sur le fond sur la plupart des sujets (réserve de convention car je ne nous connais pas de désaccord idéologique profond), mais nous évitons de partir dans des débats stériles sur ce qu'il faut faire, aurait fallu faire, ce que nous aurions rêvé…)
Il ne reste que le meilleur: les projets et le gossip.

Projet : un dernier Cruchons à Chartres, avant la vente de la maison (et sa destruction par un promoteur. Cet effacement final de ce qui restait de son propriétaire dont les cendres sont dispersés dans le jardin me laisse en suspens, pleine d'attente: quelle vie romanesque, ce silence, ce vide, cette disparition. Charles, roman.)

Gossips (au pluriel):
— Il t'a unfriendé? Qu'est-ce que t'as fait?
— C'est quoi cette histoire?
— Eh bien il a imprimé des autocollants et il les colle dans les toillettes des mairies.
— C'est pas possible !
— Il les distribue gratuitement, en informant qu'ils ont coûté treize centimes à la fabrication.
— Il faudrait acheter le stock.
— Inutile, il en ferait d'autres…

— Et vous savez quoi? Il se murmure que si Trierweiller est à l'hôpital, c'est qu'elle a fait une scène de ménage, elle a tout cassé y compris ce qui ne lui appartenait pas, qu'il y en a eu pour une fortune… Ils ont été obligés de la shooter, elle ne tenait plus debout, c'est pour cela qu'elle s'est retrouvée à l'hôpital.
— Mais comment tu sais ça?
— Ç'a été démenti.
(Mais qu'est-ce qui rend plus crédible une rumeur qu'un démenti?)

— Et ça va comment à La Réunion, après le cyclone?
— Oh, ce n'était rien du tout. Ma mère m'a dit, de quoi on a l'air? Franchement, cette femme, elle aurait pu mourir d'une minute à l'autre. Et puis quelle idée de monter sur son toit au moment d'un cyclone!

En ville

Train à Austerlitz, brume, Blois, une toque avec de la fausse fourrure et une tortue cale-porte, anniversaire de maman, Sleepy Hollow (en français car nous avons cru à un défaut de sous-titrage: en fait il fallait cadrer l'image), Blois, quatre jeans, des cartes de vœux («Comment, trente euros de cartes de vœux?» Ça me fait rire quand je vois l'argent dépensé en films nuls qu'on pourrait emprunter), un Montblanc pour un anniversaire en avril.

Blois s'améliore, un bar avec de la Guinness, un magasin Arthur pour les pyjamas, un magasin de chapeaux, un magasin d'antiquités fermé depuis le 31/12/2004 (neuf ans de poussière sur les objets exposés en vitrine)…

Je vais louper la journée d'introduction à la philosophie demain, mais le titre porte sur l'herméneutique, et j'ai dans l'idée que je sais à peu près de quoi il s'agit. Pas grave. En revanche il faudrait que je commence à me préoccuper de mon oral du 23 janvier et de l'écrit de grec du 25 (ça va être sanglant, je suis dans les choux).

Notes de lecture

Agacée de constater que j'ai perdu une feuille de notes sur Russell. La question est, pourquoi prené-je ces notes, sachant que je ne les relirai jamais? L'important est plutôt de noter les pages qui m'intéressent en fin de volume, en une sorte d'index à utilisation personnelle, afin de retrouver rapidement les citations en cas de besoin.
La prise de notes intégrale ralentit trop la lecture pour un intérêt infime.

Mais c'est un parachute psychologique, une façon de me rassurer, que je vais avoir du mal à abandonner. Cela pourrait constituer une "bonne résolution" de l'année.

Journée catholique

TG le matin, qui complète (pour ne pas dire remplace) le cours du mardi (le cours du mardi sur les synoptiques est très lent et peu fouillé, même s'il est amusant).

L'après-midi, réunion des participants au séjour d'Inoï (sessions de juillet et d'août, anciens des années précédentes et potentiels participants futurs). C'est une idée un peu bizarre pour une semaine qui ne se veut ni une retraite ni un colloque, mais cela fait plaisir de revoir certaines têtes (j'ai oublié tous les noms sauf quatre. Heureusement que nous sommes étiquetés). Je regrette l'absence de Leonardo et Marc. J'en profite pour prendre précisément le nom et l'adresse des quelques personnes que je reverrais volontiers hors cadre. En effet, j'ai constaté que j'avais du mal à envoyer un mail sans raison particulière, sans but précis. C'est plus facile sur papier. Or nous avions les mails de tous (sans les noms en face, ce qui rend parfois l'identification douteuse), mais pas les adresses.

J'entreprends La Genèse. Cela me fait sourire d'ouvrir une Bible à la première page. Cela ressemble au début d'un long voyage dont on entrevoit la fin quand on contemple la tranche du livre fermé. La dernière fois que j'ai fait cela, c'était en première. J'en lisais quelques paragraphes chaque soir, ça m'a pris deux ans. Je comprends mieux aujourd'hui l'impression brouillonne que j'avais éprouvée (et ma question informulée: mais que trouve-t-on de si extraordinaire à un texte aussi mal ficelé, aussi incompréhensible, aussi violent?); je ne savais pas à l'époque que ce n'était pas un texte réellement linéaire, mais plutôt tournant en lui-même. Je me souviens de la traversée des Nombres et du Lévitique comme d'une lecture aussi aride et pénible que si j'avais été moi-même en train de tourner dans le désert avec les tribus. Je me demande parfois si c'est un effet volontaire.
Aujourd'hui j'espère la lire en feuilleté: un livre de la Bible, un livre quelconque. A priori, cela devrait demander trois ou quatre ans cette fois-ci.

Week-end désagréable

Samedi: la journée commence mal par un rendez-vous oublié, puis tout cafouille lamentablement.
Dérapage à partir d'une histoire de miel.
Je ne fais rien de ce que j'avais prévu mais finis par me trouver une place dans la maison (depuis que j'ai le Macbook air et que le serveur a été installé à l'étage, je travaille dans le salon, sans bureau attitré). Je rattrape des billets de ce blog.

Dimanche : journée de TG (l'une des raisons du dérapage d'hier: chaque fois que je m'absente le week-end, c'est le drame. Pourtant, je ne vois pas ce qu'apporte ma présence à la maison. Je dois être trop modeste. Les semaines à venir vont être pénibles car j'ai quelque chose pratiquement chaque week-end. Je n'ose même plus en parler.)
— Que tu suives ce cursus religieux me glace. Chaque fois que j'écoute la radio je m'aperçois qu'on s'étrippe au nom de Dieu.
Oui. Non. En fait la démarche entreprise est à l'inverse de ce mouvement: elle part du présupposé que c'est l'ignorance de et dans sa propre religion qui est à l'origine des excès. Mais bon. C'est un présupposé, ce n'est pas forcément juste. Tant pis.

Journée de TG:
- deux exposés magistraux devant l'ensemble de la promo. Nous apprenons enfin le débat au cœur de la crise du modernisme au début du XXe siècle: la remise en cause de l'écriture du Pentateuque par un seul auteur, Moïse. 1/ On aurait pu nous le dire clairement depuis longtemps, je suppose que cela fait partie des choses si évidentes qu'on ne pense plus à les exprimer explicitement; 2/ il est toujours étrange d'apprendre qu'on s'est étrippé (pour une fois c'est métaphorique) sur des questions qui sont aujourd'hui oubliées tellement leur réponse est devenue évidente.

- deux rencontres en groupes constitués. Alors que c'est généralement un moment d'échange, ces premières réunions de l'année sont bizarrement agressives. Notre groupe issu de l'année dernière ayant fondu par suite de défections, nous nous voyons adjoindre cinq ou six personnes venues d'un autre cursus dont je n'arrive pas à déterminer si elles font un complexe d'infériorité ou de supériorité par rapport à nous. Comme me dirait drôlement un camarade à mi-voix: «Je ne m'assois pas à côté de la dame, elle est méchante.»
Ça va me faire mon expérience spirituelle du semestre: laisser parler et me taire. (Ça c'est un exercice difficile! Tant mieux, il faut se donner des défis ambitieux.)

- le moment le plus agréable, le pique-nique et le papotage. Nous sommes des engagés qui nous soutenons pour ne pas déserter avant la fin de la campagne. Stratégie de chacun en terme de cours flottants et langues anciennes, etc.

- Le soir, regardé La Ligne verte.

Songe

«Si vous voulez lire le Targum de Babylone en araméen, il existe l'édition xxx, un peu ancienne, mais excellente.»

Ce qui soutient le rêve, c'est qu'elle est sérieuse, elle paraît réellement imaginer que deux ou trois d'entre nous allons lire le Targum en araméen.





Ce matin la chatte était là en train de réclamer, comme si de rien n'était.

Actualités

En ce moment, ça se passe ici ou ici ou encore ici.

Mes cours ont repris la semaine dernière avec Yara Matta. C'est un pur bonheur difficile à transmettre. C'est un tissu de références et de citations croisées, non plus des allusions obscures et déstabilisantes à des textes en akkadien, égyptien ou assyrien, mais une circulation rapide dans les textes du Talmud, Targum, etc. Circuler de versets en versets via un mot ou un thème lors d'un commentaire rabbinique s'appelle "faire un collier".
Et tandis que Yara Matta nous explique le contenu des offices à la synagogue et leur évolution, la similitude avec la liturgie latine éclate (deux lectures, introduction d'un psaume après 70 (concile de Yabneh), une homélie). Cela ne semble pas avoir deux mille ans mais cinquante ou dix, c'est hier ou aujourd'hui. La liturgie comme immobilisation du temps, éternité. Nos deux traditions si proches sont sœurs et la douleur de la destruction des juifs d'Europe remonte, tant de haine tant de siècles, à l'image des nombreux frères ennemis de l'Ancien Testament, et tout cela alors que nous sommes les mêmes, nés des mêmes récits.
Il y a une douleur et une joie dans ces cours, dans ce cycle de théologie, que je ressens très profondément mais que je ne sais pas exprimer. La façon dont le temps boucle, de l'an zéro aux années 1940, est pour moi une évidence. Nous vivons après la fin du monde, ou d'un cycle.

Deux références:
La traduction du Targum du Pentateuque (Torah en araméen) en français par Roger Le Déaut
et Ephraïm Urbach, Les sages d'Israël, qui, selon les termes de Yara Matta, est «à lire l'été. C'est un gros pavé mais très agréable à lire, qui couvre la période des Tanaïm jusqu'au 5e siècle».

Rentrée

Accompagné A chez l'ORL (bouchon d'oreilles) puis allée au cinéma en attendant "ma" rentrée.

Razzia sur la schnouff. Paris vieux vieux vieux.

Déchiré ma robe en faisant du Vélib. Accroché le volant avec une épingle à nourrice. Personne n'a rien remarqué, j'en serai quitte pour faire du raccommodage.

Premier cours avec Yara Matta. Troisième année, plaisir et peur. C'est devenu une telle source de joie que je redoute l'événement qui m'obligerait à m'arrêter.

Dernier cours

Dernier cours ce soir. Un pique-nique improvisé est prévu à partir de 19 heures, mais je préfère aller au cinéma (c'est aussi ce que je faisais le mercredi avant les cours d'islam).

Broken city, très bien.

A la fin du cours, nous avons la surprise d'entendre O.Artus nous dire : «C'était la première fois que j'enseignais en Cycle C, je suis admiratif que des laïcs ayant une vie professionnelle s'investissent ainsi en théologie, je vous félicite.»
Nous le remercions. (Mon opinion est que c'est un grand timide, tenant ensemble beaucoup d'humilité et une grande assurance.

Matinée déroutée

Comme l'école du plus jeune est en travaux, il doit passer le brevet des collèges dans un établissement inconnu, près de République. Je l'accompagne mais ne peux juger de la dalle mouillée de la nouvelle place puiqu'il pleut.

(Révision deux jours avant au cours du dîner:
Moi: — Tu dois te relire trois fois, en te consacrant à chaque fois sur un contrôle particulier, lesquels?
O. — L'accord du sujet et des verbes
Moi: — Oui
O. — L'accord des groupes nominaux
Moi: — Qu'est-ce que tu veux dire?
O. — Le féminin, le pluriel, les adjectifs
Moi: — Oui. Et?
O: — Euh…
Moi: — les é "é" et les é "er". Quel le truc?
O: — On remplace par dormir ou endormir.
Moi: — OK.
Moi: — Et j'en ajoute un dernier, contrôler futur et conditionnel. Comment tu fais ça?
O. — …
Moi: — En changeant de personne: il fera, il ferait.
C. — Ou alors, tu vérifies si tu peux mettre un subjonctif imparfait derrière. Si oui, c'est du conditionnel.)

Je m'inscris à l'ICP pour l'année prochaine. Soudain j'ai peur, l'année me fait peur, le programme m'effraie, j'ai l'impression que je n'y arriverai jamais. Je demande à m'inscrire également en allemand théologique à l'institut protestant (il existe un partenariat), je ne suis pas sûre qu'ils me prennent et s'ils acceptent, je ne suis pas sûre d'avoir le niveau.

Deux examens médicaux, tout est normal, je n'en ai jamais douté (je suis venue ici il y a un mois avec une question, j'ai écopé de trois examens sans rapport avec ma question mais leur permettant de m'inscrire dans leur foutues petites cases "prévention", et je repars avec ma question à laquelle personne n'a essayé de répondre. Je ne pense pas revenir avant six ans, à quoi bon? Ils n'écoutent pas, leurs préoccupations ne recoupent pas les miennes.)

Bibliothèque. Beauchamp. Le soir La marque des anges.

Plaisanterie entre apprentis exégètes

O. Artus pendant le cours: «Wénin a fait le choix d'une lecture totalement synchronique et souvent psychanalytique, mais il ne faut jamais oublier qu'il connaît la Bible en hébreu par cœur.»

A la sortie, nous nous interrogeons:
— Ce n'est pas de la fausse modestie de la part d'Artus?
— Non, lui est spécialiste du Pentateuque, pas de la Bible en son entier.
— Ah oui, ce doit être ça : lui ne connaît que le Pentateuque par cœur, en hébreu, en hittite et en akkadien.

Enfin

Enfin un coup de soleil après un déjeuner en terrasse.

Sinon, gros fail au bureau. Les envois qui devaient être terminés vendredi soir ne le seront que dans une semaine (la mise sous pli est entièrement manuelle! J'étais à mille lieues d'imaginer cela). Nous serons hors des délais légaux. Je me sens vraiment stupide à ne pas m'être méfiée davantage.
Il ne reste qu'à attendre le 25 juin pour me faire descendre en flammes. Bon. Quand le vin est tiré, le lait versé, etc.

Vu mon "chargé de TG". Ça me rappelle ce que mes amis en math sup appelaient "aller à confesse". J'en suis ressortie avec un conseil de lecture: Joseph et ses frères de Thomas Mann "pour cet été".

Je passe à Malraux (la bibliothèque), il n'y a pas le tome (de l'histoire de Joseph) qui m'intéresse. Je prends Abattoir 5.

Retour en Vélib, bords de Seine depuis Bastille jusqu'à gare de Lyon, les berges gardent la marque de la décrue en cours (marques blanches sur les pierres puis plus vertes ou marron plus près de l'eau).

Thèse

Lundi dernier cours de grec. A mon étonnement et mon émotion, la prof nous remercie: nous avons été des élèves formidables, surtout pour une année de thèse. A quoi nous lui répondons très sincèrement que c'est elle qui a été formidable, que jamais nous n'aurions deviné qu'elle était en fin de thèse si elle n'y avait fait allusion une fois.

Je suppose que ses remerciements tiennent aussi au fait que les élèves de l'année précédente ont passé leur temps à se plaindre, tant et si bien que beaucoup d'élèves de ma promotion, effrayés, ont décidé de ne pas faire de grec durant leur cursus (durant les huit ans du cursus, nous devons valider deux langues parmi trois, latin, grec, hébreu. Valider une langue, c'est suivre des cours pendant un an et réussir les examens. Bien sûr, il est possible de se perfectionner ensuite deux ou trois ans dans une même langue, voire plus. (L'ennui de cette façon de faire, c'est que nous absorbons une quantité incroyable de grammaire en un an. Cela n'est possible que parce que nous travaillons sur des corpus étroits, le NT en latin et en grec, la Torah en hébreu.))

Comme je ne peux pas laisser de commentaire sur wordpress sous le nom d'Alice (un bug), je rends ici hommage à ce billet, petit manuel de survie à l'usage des thésards dînant en famille, qui doit pouvoir être étendu à d'autres situations sans attendre d'être en thèse.

Perso, je ne rencontre pas ce problème: les non-lecteurs de ce blog ne savent pas que "je fais de la théologie" (c'est tout de même un grand mot pour un peu de philo et d'exégèse biblique).
A Noël, j'ai glissé que je faisais du grec ancien (dans l'espoir (déçu) d'éveiller la curiosité de ma filleule et de susciter une vocation). Je l'ai également avoué à une rameuse, et cela lui a vraiment fait un choc (pourtant, du grec ancien, ce n'est pas si bizarre, si?). Elle a eu l'air si surprise, me répétant «Du grec ancien, ça alors, mais pourquoi? Ah mais oui, pourquoi pas, ça alors») que je n'ai pas jugé utile d'en dire plus.

Matin

Matinée de TG sur Genèse 1-3. Que de passions et d'emportements.

Je reste stupéfaite de découvrir que dans ce texte pourtant assez court, beaucoup de versets sont comme oubliés, occultés, dans l'imaginaire collectif: le repos du sabbat a fait passer au second plan la description d'un monde végétalien, il y a deux arbres dans l'Eden, un arbre de la connaissance et un arbre de vie (j'avais toujours pensé que c'était le même), etc., etc.

Nous finissons inévitablement par buter sur la question de la liberté et je me dis avec amusement que le péché originel, après avoir été honni pendant des siècles, est en passe d'être accueilli comme le don de la liberté: sacré XXe siècle, il aura vraiment tout retourné!

Sur le chemin du retour je prends un Vélib; de Bastille au pont d'Austerlitz dans les jardins du bord de Seine rive gauche selon mon itinéraire favori je croise le début de la manif pour tous. Je suis à deux doigts de crier aux enfants que je vois «Si on veut vous mettre devant, refusez, n'y allez pas!», mais je me retiens.

Je veux essayer de tenir un Véhesse "léger", parce qu'après tout, il est tout de même rare que je n'ai pas lu chaque jour quelques lignes de quelque chose: pas un jour sans une ligne lue, c'est ce qui pourrait s'approcher le plus de la vérité me concernant. Et je n'ai pas vraiment le temps de tenir un Véhesse "lourd", et puis je crois que cela me gonfle, je parviens à m'ennuyer moi-même.

Besoin de vacances

A quoi reconnaît-on un besoin de vacances? Au fait de décider de compléter dix jours de blog pendant le cours sur Qohélet (oui, le cours intervient après le TG, ce n'est pas heureux); et après avoir fini Gottland, de ne rêver que de reprendre Maudit Karma reçu en cadeau samedi.

Aujourd'hui, j'ai cité Charles d'Orléans dans une réponse à un client («Je suis de tous maulx bien garny, Autant que nul qui soit en France»); je me suis retenue d'utiliser La Fontaine, "La Lice et sa Compagne", dans une autre.

J'ai emprunté un roman polonais sur Jérémie, Les Montagnes de la nuit de Dobraczynski. En le voyant arriver (c'est le charme de la communication en bibliothèque: on ne sait absolument pas ce qu'on commande), j'ai cru à un vieux Signe de Piste. Je ne suis pas bien sûr de le lire mais ça n'a pas beaucoup d'importance. Cela me fait plaisir de le feuilleter.

J'ai découvert dans le catalogue de la bibliothèque qu'il existait un Jérémie par Stefan Zweig.

Oral

Déstabilisée ce soir après un oral d'AT avec O. Artus.

Je ne sais absolument pas ce que j'ai fait, ou plutôt je le sais: à la question «Quelle est votre critique de ce livre?» (Dieu obscur de T. Römer), je me suis jetée à l'eau et j'ai parlé de ce qui me préoccupe depuis quelques temps, pour des raisons de logique: j'ai répondu qu'il me manquait le lien entre ce genre d'exégèse et Dei Verbum. (En d'autres termes, comment peut-on réduire un texte biblique aux influences assyriennes voisines et à un discours de propagande royale, tout en bouleversant la datation de la diégèse en fonction des découvertes archéologiques, et parler encore d'inspiration divine?)

Réponse: «l'Eglise a mis cinquante ans après Dei Verbum à mettre au point la méthode qu'elle a donnée avec Verbum Domini, nous réfléchissons maintenant à l'inspiration, j'étais hier au Vatican en commission sur le sujet.»

Gloups. Ça fait bizarre de s'entendre répondre cela.
Sa dernière question a été: «A l'origine, vous êtes littéraire ou scientifique?»
C'est la troisième personne à me poser cette question depuis que j'ai entrepris ce cursus. Qu'est-ce que cela peut bien changer pour eux? Et si cela n'est pas perceptible, la réponse a-t-elle un sens?

Les premières victimes des musulmans

Cours assez triste ce soir. Que de malentendus et de rendez-vous ratés depuis deux cents ans.

La professeur est agitée d'une colère (avant j'aurais utilisé "indignation") contenue : «Les premières victimes des musulmans, ce sont les musulmans.» (non pas tous contre tous, mais une poignée contre tous. Cela me fait tellement penser aux bolcheviks ("les minoritaires", ça m'a toujorus impressionnée) ou aux SA.)

Que de déceptions chez les musulmans, des espoirs des Lumières à la réalité de la première guerre mondiale.

Mawdudi théorise un islam englobant, qui doit couvrir tous les domaines de la vie. Il est à l'origine du mythe d'une loi musulmane parfaite et cohérente (c'est lui qui est à l'origine de la Sharia'h telle qu'on la comprend en Occident). Il s'agit d'une pensée très moderne, qu'on pourrait appeler un "totalitarisme musulman" (nous sommes dans les années 30).

Saïd Qutb, frère musulman qui a passé dix ans les prisons de Nasser reprend l'idée de Mawdudi1 mais pose que l'Etat islamiste doit être instauré par une Révolution permanente. Nous sommes dans un esprit de guérilla, dans les années 70-80. djihadisme.
apothéose: 1979, révolution iranienne ; années 80 en Afghanistan.
s'essouffle à la fin des années 80. Iran pas la panacée, populations s'essoufflent. Il y alors polarisation des mouvements => 1997 Ben Laden, Al Qaida (il faut faire peur: violence de plus en plus aveugle, de plus en plus nihiliste).

Pour mémoire, le mot djihad veut dire effort. Il y a le grand djihad (lutte intérieure contre ses passions) et le petit djihad (lutte armée).



Note
1 : A l'origine, les frères musulmans n'étaient pas violents.

2572

Le télépaiement était en carafe (serveur down?); pour le premier paiement d'IS de la longue vie de la mutuelle, je suis allée déposer un chèque à la trésorerie rue de Londres (oui, un peu loin de la Défense. Mais le siège social (qui n'est qu'une adresse sans bureau) n'est pas à la Défense (ce qui fait que le courrier officiel met deux semaines à nous parvenir — quand il nous parvient).
Il fallait accompagner le chèque d'un formulaire 2572, je l'ai rempli sur place en multipliant le montant du chèque par trois dans la case "base".
2572? Jamais entendu parler.

Le soir, grec. Je suis dans les choux. Puis Job. Décevant. Frustrant. Je suis fatiguée de ces analyses littéraires et historiques qui tournent autour des textes sans jamais (ou très peu) s'attacher au sens. Mais à quoi cela sert-il?
Ce que j'aime dans Job, c'est le pari avec le diable. Un pari entre Dieu et le diable: oui, la condition humaine pourrait résulter de cela, cela ne me surprendrait pas.
(«Pas le diable, le diable, c'est une création tardive. Faites attention, il faut lire le texte, ici Satan n'est qu'un invité parmi d'autres à la cour d'un grand roi».
Comprenez-vous ce que j'appelle frustrant? Je me fiche que ce soit le diable ou satan, ce qui m'intéresse, c'est le pari. Job a-t-il fait gagner Dieu? Ce n'est pas très net).

Vocabulaire

Sharia'h, c'est à l'origine le chemin qui permet de mener le bétail à la source, la voie qui abreuve.

Le dialogue et la rencontre

J'ai commencé le Pierre Claverie ce matin (malheureusement j'ai dû le rendre à la bibliothèque avant de l'avoir fini alors que je pensais le faire prolonger. Mais il était réservé).

Il est très bien, si ce n'est son style oral un peu déroutant. Il commence par «Ne prenez pas de bonnes résolutions, ça ne marche pas. Ne pensez à rien, promenez-vous, décrispez-vous» (il s'agit du prêche d'une retraite). J'ai pensé à Emerson, Thoreau, les livres de self-help américains et leur naïveté, la sagesse antique et les traditions orientales. Tout cela se croise, en surface c'est-à-peu près la même chose, c'est l'épaisseur d'expériences et de calme, les références utilisées, la façon dont tout cela a été ruminé, au sens quasi propre — mâché, régurgité, ravalé — qui fait la profondeur de certaines réflexions tandis que les autres restent doucement hippies (mais pas si différentes dans leur message).

L'une des dernières phrases lues avant de rendre le livre (à peu près à la moitié) est celle-ci: Pierre Claverie rapporte une réflexion entendue un jour: «Croire que parce que vous êtes quelqu'un de bien il ne vous arrivera rien de mal, c'est comme croire que le taureau ne vous attaquera pas parce que vous êtes végétarien.»

Pierre Claverie raconte la façon dont le fait de vivre en culture musulmane l'oblige à prendre conscience de ses propres présupposés culturels invisibles. Son récit ne dit que rien que nous ne sachions, ce sont les illustrations qu'il donne qui sont savoureuses et frappantes.

A travers lui j'ai retrouvé l'impression que m'avait laissé le Coran quand je l'avais lu en terminale: un Dieu extrêmement lointain, coupé des hommes. Les musulmans ont un Dieu intouchable, éloigné, les juifs ont un Dieu avec lequel ils se collettent (ça me plaît beaucoup, j'aime la lutte de Jacob, Moïse qui refuse la mission, Jonas qui râle parce que Dieu est trop miséricordieux), les chrétiens ont trouvé un moyen terme, le leur (s')est incarné, c'est plus facile pour la rencontre (mais bien plus compliqué pour la théologie).

Cours

Histoire de l'Islam. Ecriture du Coran en partie interractive, sous forme de dialogues: les personnes autour de Muhammad (Mahomet) posait leurs questions à Dieu par l'intermédiaire du prophète (pratique!), ce qui fait que l'un des premiers travaux d'exégèse consiste à reconstituer le contexte (la question posée) dans lequel a été délivré chaque verset ou chaque sourate1.

L'idée m'amuse, je pense à ce texte d'Origène Contre Celse qui permet de reconstituer un livre que nous n'avons plus.





Note
1 : En passant, il est tout à fait faux de dire qu'il n'y a pas d'exégèse coranique. Il est probable que cette idée fausse provient du débat (ou absence de débat) entre les tenants du Coran parole créée ou Coran parole incréée. Aujourd'hui, les derniers (parole incréée) imposent le silence aux premiers, qui souhaiteraient utiliser les outils modernes de l'exégèse occidentale, ce qui conduirait sans doute à la possibilité d'une interprétation adaptée au monde contemporain (l'esprit contre la lettre). (Je résume cinq minutes d'un cours de "découverte", donc tout ce que j'écris peut être le point de départ d'une recherche, non la possibilité d'affirmations péremptoires (prudence, prudence)).

Vendredi Saint

Pas de messe le Vendredi Saint (je ne le savais pas).

Ce qu'aura vraiment changé mon cours d'allemand du vendredi matin, ce sont les deux heures de bibliothèque avant. Deux heures, ce n'est rien, mais ça change tout, deux heures tranquilles entre les livres à réfléchir, à songer, à me perdre. Il fait très beau aujourd'hui.

Je circule entre les rayons, enregistre du regard des usuels (s'ils sont "usuels", c'est que nous devrions tous les avoir tous lus, non?), constate une fois de plus que les livres de la bibliographie ne sont pas empruntés (tant mieux pour moi (c'est tout de même très mystérieux, suis-je la seule à utiliser la bibliothèque?)), cette fois-ci une grande partie de la bibliographie n'est pas accessible aux étudiants de mon niveau (les livres sont dans une autre bibliothèque qui ne nous est pas ouverte à moins d'une dérogation par notre professeur — je ne vais pas me faire remarquer à ce point-là), je photocopie quelques pages de la Septante (notes sur la traduction de l'hébreu au grec), chapitre 8 de L'Ecclésiaste.

Travail avec la concordance. "Devenir" n'apparaît jamais dans Qohélet.
Je pense à C. qui m'a dit hier soir, à sa classique façon étourdie (ce garçon ne pense-t-il jamais à ce qu'il dit? C'est étonnant, de ne pas apprendre la prudence à ce point-là): «jouer à un jeu flash c'est inutile, mais pas plus que de faire de la théologie»; j'y pense en me disant que j'ai échangé le mépris de mes parents contre l'indifférence de mes enfants et que cela m'est désormais, à moi aussi, très largement indifférent.

Tout aussi inutile? Oui, certes, mais je doute que le néant dans lequel on fond et se fond en jouant à un jeu flash apporte autant de bonheur apaisé que la sensation de rejoindre une pensée millénaire, à la fois à sa source et dans l'étendue de temps qui a séparé cette source du moment présent, cette conversation ininterrompue de penseurs commentant l'indicible: «Qui est comme le sage? Qui sait expliquer quelque chose?»

Allemand (cours). Libanais (restaurant). Bureau. Je continue à résorber du retard en attendant mardi de me mettre sérieusement à calculer le montant de l'IS et rédiger la liasse fiscale (je dois contacter l'huissier pour organiser les votes à l'AG. Je ne sais pas ce que je dois lui demander. Réserver les salles, commander le café (ce que j'aime le moins dans mon boulot: commander le café. Tout ce qui est intendance me submerge)).

Je sors tôt et vais voir Queen of Montreuil. (Je devrais peut-être reprendre une carte UGC, finalement.) La fin est un peu bâclée (trop rapide), mais il y a de beaux moments. Jeu sur les langues. Désarroi du veuvage. (Ça m'agace, cette obligation que nous aurions de nous consoler vite. Quand sera-t-il officiellement reconnu que la dernière chose que souhaite une personne en deuil, c'est se consoler vite? Nous avons le droit d'avoir du chagrin longtemps, zut à la fin!)

Qohélet 7, 23

Travail en bibliothèque avant le cours sur l'islam (cours qui nous exhortera à sortir de notre vision arabo-centré de l'islam: les Arabes ne représentent aujourd'hui qu'un quart environ des musulmans).

Travail sur Qohélet 8 dans la concordance de la Bible de Jérusalem (BJ) (concordance: relevé dans la BJ des occurrences de chaque adjectif, substantif, verbe, classés par ordre alphabétique. Citation des versets).

C'est ainsi que je trouve ce verset qui me plaît beaucoup: «j'ai dit: "je serai sage", mais c'est hors de ma portée!»

Clôture du bilan

Hier, raté le cours de grec (le passif) et la moitié du cours sur les "douze petits prophètes" à cause de la commissaire aux comptes (mais on s'est bien amusé, si je puis dire). Les mutuelles sont soumises à l'IS pour la première fois en 2012 (eh oui, avant elles ne l'étaient pas), il faut donc faire un "bilan d'entrée en fiscalité", c'est encore le genre d'opérations qu'on ne rencontre pas bien souvent dans une vie, je suis contente de connaître ça.

Quatrième le jour de présence du certificateur, un jeune homme ma foi plutôt charmant. Nous sympathisons au dessus des PSAP (provisions pour sinistres à payer) et des cadences de règlement.

J'apprends que si la prescription en santé est de deux ans (et trois mois), celle qui concerne les frais hospitaliers est de dix.

Et à part ça… c'est à peu près tout. Demain soir, début de sept cours sur l'Islam (jusqu'au 15 mai).

Osée et Argo

Le matin, Osée. Deux heures d'hébreu, en fait; conséquence d'avoir un professeur bibliste (la fleur, le taureau, le ventre maternel, la compassion, quelques millimètres de différence entre je et il, un jambage plus ou moins allongé).

Comment s'appelle les mmmh du cèdre du Liban? Pas les feuilles, pas les aiguilles, c'est autre chose, nous dit le professeur1. (Au secours, monsieur Pic!).
Le Liban, le paradis. Pleurer le Liban.

Puis Argo, in extremis, j'avais abandonné l'espoir de le voir.
Film haletant. Images des années 70 (j'aime). Souvenirs des otages, mais aussi du shah, avant, dans Paris-Match, avec les images de Beyrouth et de Jackie Kennedy. Je lisais au bord de la piscine parmi les orangers mes premiers récits de torture.
Mea culpa américain, la vérité est dite en début de film, rappelée une ou deux fois dans les dialogues.


Film haletant, disais-je.
— Tu crois qu'ils vont s'en sortir?
— Tu sais, l'époque a besoin de mythes, pas d'échec. Je ne crois pas qu'ils auraient tourné en ce moment un film sur un échec américain en Iran2. (Le lendemain, l'oscar viendra appuyer mon analyse).





1 : S'est-il trompé? Je ne trouve rien en ce sens sur Google. Songeait-il à un autre arbre? Il décrivait quelque chose de palmaire, de palmé.
2 : Il aurait fallu un Kubrick pour cela, pensais-je en me souvenant de Dr Folamour.

Cours d'allemand

Question:
— Quel est le peintre en bâtiment le plus célèbre d'Allemagne?
Subodorrant le piège, je propose:
— Hitler?

Oui. "Anstreicher" a pris une nuance péjorative dans certains contextes.
C'est drôle, je n'avais pas retenu qu'Hitler avait été peintre en bâtiment. Je pense à Jean Gabin dans La Traversée de Paris, en train d'expliquer «peintre…» petits gestes du poignet à l'appui, et non «peintre» grands gestes du bras de celui qui utilise un rouleau.

Anstreicher: streichen: étirer, étaler, comme j'ai entendu tant de fois «Tire bien sur ton pinceau».

Pas grand chose

Rien, rien de rien. De la neige. Flâné à la bibliothèque du CE. Pris la biographie de La Fontaine par Orieux, comme si j'avais le temps de lire ça. Deux ou trois cartes de vœux. Les noms de Dieu. Ça m'agace, les attributs de Dieu m'indiffèrent, qu'Il soit parfait et infini, que l'un sans l'autre soit possible ou impossible, m'indiffère totalement.
Seule remarque qui me frappe: Platon mettait le Bien au-dessus de tout et lui subordonnait l'Être (et être infini était une imperfection), les philosophes chrétiens mettent l'Être au-dessus du Bien (je travaille des textes autour de Ex 3,14 «je suis celui qui suis»).

Melville

Quelques notes de cours sur l'AT (Ancien Testament) me font me demander s'il existe un commentaire systématiquement biblique ou bibliste de Melville.

Notes
Ps 74 v13: toi qui fendis la mer par ta puissance qui brisas les têtes des monstres sur les eaux, toi qui fracassas les têtes de Léviathan pour en faire la pâture des bêtes sauvages

Gn 1 utilise le mot «luminaire» pour dire soleil et lune, c'est le même terme (en hébreu) pour les lampes de la Tente de la rencontre (Ex 35, 8, 14; Lv 24,2; Nb 4, 9, 16)
La citation du Psaume se réfère naturellement à Moby Dick (ou plutôt l'inverse ; elle fait peut-être partie des citations reprises en exergue du livre), la deuxième m'évoque Clarel, les lumières tremblantes qui reviennent dans les premiers chants, étoiles ou flammes. Combien d'autres résonnances dont je n'ai pas conscience? 150 chants, 150 psaumes. Coïncidence? Kinbote et Saussure veillent sur moi.

Le soir la neige a fondu dans les rues, il en reste sous les bancs.

J'ai raté un cours de grec au moment de la mort de ma grand-mère et je n'ai jamais vraiment repris le rythme depuis. Examen samedi, ce qui m'inquiète, c'est le temps (je veux dire la durée de l'épreuve, pas la météo!).

Le plus ancien n'est pas celui qu'on pense.

Cours sur l'Ancien Testatment (AT). Je me méfie de cette exploration rationnelle de l'histoire et de la géographie, mais il faut bien reconnaître que cela donne une autre force aux textes, un maillage humain très solide. Chaque ligne entre en résonnance avec toutes les autres de façon très intime.

« On peut tout trouver dans la Bible. Si vous cherchez suffisamment, vous trouverez de quoi justifier n'importe quelle position. Attention à une lecture fondamentaliste. »

Les juifs ont rejeté les textes écrits directement en grec pour ne conserver que les textes hébraïques; épris de retour aux sources, les Réformés en ont fait autant. L'ironie, c'est que les manuscrits les plus anciens que nous possédons sont écrits en grec, tandis que les textes hébreux sont du Xe siècle, et vocalisés (manuscrits "massorétiques")1.

Tristesse d'apprendre que le Codex d'Alep (910-930), qui contenait tout le texte de l'AT, a brûlé en partie en 1947 lors d'émeutes anti-juives.



Note
1 : Avec les Manuscrits de la Mer morte, cela n'est plus vrai : ils sont plus vieux que les textes grecs. Je me place ici à l'époque de Luther.

Dimanche

7h50 - Gel sur la voiture au point que je pense ne pas pouvoir partir (silicone sur les joints).

9h - L'analogie, que peut-on dire de Dieu, (peut-on en dire quelque chose?), la théologie négative.

13h - Un anniversaire, un après-midi de tarot. (J'ai gagné, mais il faut dire que les autres avaient des réflexes de joueurs de belote. Chez moi, le tarot, c'est comme l'allemand, dès que je m'y remets, certains réflexes reviennent.)

20h40 - Casino royale. Je deviens sentimentale en vieillissant, je vais finir par aimer les films avec de jolies jeunes femmes sur les poitrines puissantes des hommes amoureux. (Ou alors c'est la lecture du Banquet qui m'influence.)
(Badinage. James Bond badine.)

Le prof de philo était habillé en bleu

Chaque fois que je le vois il me paraît un peu plus âgé que dans mon souvenir (c'est la troisième fois) (mais comme j'avais commencé par vingt-cinq ans, il est encore jeune), un peu plus fatigué (si pâle et les traits si tirés) et très doux. Contrairement au précédent habité par l'ardeur de son sujet, celui-ci glisse plutôt vers la contemplation. L'un paraissait en transes, l'autre translucide, éclairé par une bougie intérieure.

Ce soir il portait un pull irlandais bleu pétrole qui iradiait différemment son visage. J'ai eu autrefois une prof de philo que je trouvais à son meilleur en col roulé violet, couleur évêque.

Grec ancien

Je suis en train de tomber dans le grec ancien.

H. se moque parce que c'est du faux grec, évidemment, la Septante, ce n'est pas Eschyle. Et encore, même pas la Septante, mais le Nouveau Testament.

En attendant je m'amuse bien. Les trajets en RER en sont raccourcis. J'aime la façon dont le doute remonte de strate en strate, douter d'une construction, douter du sens d'un mot, douter de la graphie correcte du copiste… et remplacer les mots, proposer l'ajout ou le retrait d'une syllable, recréer le texte, mettre cinquante ans à stabiliser une hypothèse à force de discussions entre savants.

Quel travail, quelle ascèse. Tout ce qui approche de la folie me plaît, cet irrationnel le plus pur sous couvert de scientificité.


Philo. Ce soir Saint Augustin. De Trinitate. J'ai l'impression de tomber en enfance, je revois ma première année de catéchisme, tout cela est tellement naturel, tellement immédiat que j'en deviens perplexe. Je devrais faire une recherche, il devrait être possible de retrouver les pères blancs qui faisaient le catéchisme à Agadir. Je donnerais ma main à couper qu'ils étaient imprégnés d'augustinisme.

Désirs ou souhaits

— J'en ai marre de ma tête. Je voudrais retrouver ma tête d'avant.
— Je ne sais pas si la tête d'avant existe.



Je viens de découvrir que le cours d'allemand que je voulais suivre a lieu à l'Institut protestant de théologie. (Aller chez les protestants: quelle horreur!) D'un autre côté la description du cours présuppose "un bon niveau d'allemand", donc ce que je fais par erreur cette année (une remise à niveau) n'est pas inutile, c'est le moins que l'on puisse dire.

Apprendre le grec

Nous sommes nombreux, il manque des chaises, il ne faut pas arriver en retard.

Ce qui m'ébahit le plus, ce sont les étrangers présents. Pour nous, Français (de langue maternelle française), cela présente un avantage certain, car cela se traduit à l'occasion par de la grammaire comparative.

Anecdote: le Grec qui proteste contre la prononciation du grec ancien (réponse du professeur: «Vous pouvez prononcer intérieurement comme vous le souhaitez, vous avez un travail de décodage à faire, mais vous n'êtes pas obligé de rencoder» (apprendre le grec ancien en France quand vous êtes étranger: apprendre à traduire vers une langue qui n'est pas la vôtre (est-ce que cela rend le thème plus facile?))).

Question: est-ce mon passé de germaniste ou le souci de (l'orthographe de) mes enfants qui me rend les cas si naturels? J'ai l'impression de n'avoir jamais cessé de les utiliser, alors que la prof nous annonce: «Vous allez vous rendre compte que vos problèmes seront souvent des problèmes de grammaire française.»
Non. Au moins un problème que je n'aurai pas.
En revanche, latin oblige, la présence d'article m'étonne. Je m'en passerais bien.

Philosophie et littérature

Quand nous étudions Phèdre je pense à Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes, Le Banquet me rappelle Ravelstein, et ce soir, tandis que le professeur s'emballe sur Aristote et nous présente la substance en prenant une table comme exemple (de ce qui est là, ici et maintenant), je songe à la table de cuisine de Promenade au phare.

Ma pensée vagabonde, je n'en reviens pas de tout ce qu'il faut connaître avant de pouvoir comprendre quelques bribes, entrevoir quelques éclats (Ça va tout de même beaucoup mieux qu'il y a quelques années, je me rends compte que j'ai accumulé un substrat de connaissances non négligeable: je dispose de suffisamment d'éléments pour commencer à créer des liens entre eux. C'est une sensation très plaisante). Je m'endors sur Leo Strauss (un de mes préférés, il me fait rire) dans son attaque de Wild (Sur une nouvelle interprétation de la philosophie politique de Platon); son art de distinguer toujours plus finement entre les concepts m'emplit d'admiration, je sais maintenant que ce genre de choses sera toujours hors de ma portée: je comprends tant que je lis, j'oublie dès que j'arrête de lire (exemple: les différences entre philosophie classique et philosophie moderne).
Tout ce que j'entreprends ces derniers temps n'a pas grand sens finalement, toute cette activité, toute cette agitation. Mais au moins j'aurai appris à jouer de la flûte avant de mourir.

La philosophie est amour

Ce soir le prof a glissé dans ce que j'aime et que je ne sais pas nommer: serait-ce l'ivresse? Cette sensation, vers une ou deux heures du matin, quand on écrit depuis plusieurs heures, et que l'on commence à décoller, à dire (écrire) ce qu'on n'oserait jamais écrire si l'on était tout à fait sobre, tout à fait reposé et serein, le moment où l'exaltation (et dans la mesure où l'examen consiste en un oral, je commence à envisager sérieusement de boire un peu avant d'y aller) a gagné. (L'année dernière, j'ai vu Daniel Ferrer glisser vers cet état («cette tache de café sur le manuscrit a vu l'œil de Balzac et elle nous regarde»; et j'ai pensé que peut-être les grands professeurs étaient ceux qui atteignaient ce plan en état de sobriété.)
Ce soir donc, notre professeur de philosophie s'est mis à planer par instants (sur Platon).

De mémoire quelques mots: «Ce qui vous fera réussir vos études de philosophie, ce n'est pas l'intelligence, c'est l'amour. Si vous n'avez pas l'amour (je prends des accents pauliniens qu'il n'avait peut-être pas. Lui est brésilien, accent et infimes accidents de syntaxe compris), vous abandonnerez dès que cela deviendra difficile. L'autre ennemi de l'amour, c'est la curiosité. Le curieux ne s'intéresse qu'à ce qu'il ne connaît pas (serait-ce la définition du donjuanisme?), dès qu'il commence à connaître un peu, il passe à autre chose. C'est l'amour qui permet de tenir dans le temps.» (Ce n'est pas tant le fond du discours qui était étonnant, car il est connu; mais le moment où il est intervenu, la force de conviction, l'évidence avec lesquelles ces quelques mots ont été prononcés.)

A fronts renversés (une fois de plus)

Quand je suis entrée en hypokhâgne, je venais d'un bac C, d'une famille de matheux. Un ami de mes parents s'était exclamé spontanément en apprenant ce que j'allais faire l'année suivante: «Quelle déchéance!».
Quelques semaines plus tard, je regardais muette une de mes camarades de classe (l'une des plus sottes (ce qui est peut-être une explication, je m'en avise)) dire gravement: «N'oublions pas que nous sommes l'élite de la France».

J'ai l'impression de revivre la même situation. Entourée en temps normal de philosophes m'assurant que seule la philosophie conduit à la vérité et qu'entre foi et superstition l'écart n'existe pas (cf. Leo Strauss), je me retrouve dans une salle où chacun semble persuadé que le théologien est "mieux" que le philosophe.

Bon.

(Jean-Luc Marion parle de: urgence kérygmatique // délai herméneutique. Ça me plaît.)



(Front renversé encore: débat entre un théologien et un philosophe, c'est le philosophe qui est prêtre).

Saint Joseph

Des notes en vrac, vite, de mémoire. (En réalité il y en a huit pages manuscrites).

— Il est le patron de la bonne mort, ce qui va sans doute vous étonner.
— Pourquoi devrions-nous être étonnés?
— Parce que la bonne mort n'est pas ce qu'on envisage aujourd'hui. A l'époque [XVIe au XVIIIe siècle], c'est celle qui vous permet de vous préparer, celle qui ne survient pas brutalement.



Durant le Moyen-Âge, le pauvre est une figure du Christ. Mais à partir de 1520, dans les pays du Nord, va se produire une évolution, il va devenir louche, facteur de troubles et être marginalisé. D'abord il s'est produit un rattrapage démographique suite à la peste noire, et nous sommes dans un pays plein, que l'on parvient tout juste à nourrir (et je songe à L'Oeuvre au noir). D'autre part nous assistons à une évolution de l'aumône. Jean-Louis Vivès écrit le De subventione pauperum, il plaide pour une organisation de l'aide et la fin (du moins la raréfaction) de l'aumône individuelle, inefficace (l'aumône individuelle était destinée à assurer votre salut: le pauvre priait pour vous).

Une définition du bon et du mauvais pauvre apparaît: le "bon" pauvre, c'est le pauvre malade ou le pauvre honteux, celui qui voudrait travailler mais ne le peut pas, celui qui a honte de sa misère; le mauvais pauvre, c'est le paresseux (et je souris en pensant que cette distinction avait de l'avenir devant elle).



Avant la révolution de l'imprimerie, il y a eu la révolution du papier, quelques années avant.

Première Bible (catholique) traduite intégralement en français : celle de Lefèvre d'Etaples en 1532. Publiée en petit format, destinée à la pastorale, pour les fidèles. Une transformation de l'Eglise chrétienne était sans doute en cours, la Réforme est venue interrompre le processus et l'histoire a pris un autre cours.

Discussion

Ça marche !

Je n'en reviens pas. Une dizaine d'inconnus réunis autour de treize textes. Et ça marche: il est possible de discuter, possible d'avancer, de découvrir le texte à travers les yeux de son voisin. Je n'aurais pas parié un kopek là-dessus.

Il me reste à déterminer les conditions du succès: un maître du jeu, qui sache résumer ce qui vient d'être, ouvrir de nouvelles pistes et faire respecter la parole de chacun, jusqu'au bout.


Appris : au XVIe siècle, on apprenait à lire, pas à écrire (d'où les croix sur les contrats: on savait les lire, pas les signer).

Malade

Mon médecin est rentré mais il ne peut pas me prendre. Trop de monde. Il présente des excuses, sa voix est blanche.

Institut Arthur Vernes, six heures. Consultation sans rendez-vous. Nous sommes au moins six ou sept à attendre, je ne sais dans quel ordre, posés au hasard sur les chaises. Le silence est profond, impressionnant, comme si nous étions oubliés du monde tandis que la nuit tombe. Cela dure une heure. Je finis Sesbouë et je m'endors.

Virus grippal. Ce n'est pas la grippe, ce n'est rien en fait: dormir et boire. Je sais bien que c'est une réaction à jeudi.

Visite de la bibliothèque sous les toits. Dans la journée elle doit être admirable. J'en profite pour vérifier que JA n'est pas référencé dans la revue Études. (Ouf. Parfois la Terre se remet à tourner sur son axe.)

Histoire. Les peurs de l'Occident. «A fame, a peste, a bello, liberanos Domine.» Je m'ennuie doucement, je me dis que ce doit être nécessaire, ce doux ennui, nécessaire aux courses de fond, pas de précipitation. L'Occident toujours en guerre, au XVIe et XVIIe siècle, la paix une exception, les armées sous la protection d'un saint (et je me dis que nous ne sommes pas si loin de L'Iliade et des dieux de l'Olympe), la victoire comme une justification, la défaite comme une malédiction, un grain de blé en donne cinq, il faut en garder un ou deux pour les semences, et encore c'est une bonne année, si un grain en donne deux, c'est une catastrophe.

(A une époque, il courait le bruit que c'était une question à l'oral de l'ENA: combien de grains sur un épi? J'avais posé la question à mon père, qui avait pris le problème logiquement: un épi mesure quatre à cinq centimètres, chaque grain mesure sept à huit millimètres, ils sont attachés sur quatre rangs… Bref, nous arrivions à un nombre entre vingt et trente. A vérifier.)

Les sorcières, l'astrologie, le purgatoire, les limbes,… une jeune noire, dont je ne sais si elle vient des Dom ou d'Afrique, pose plusieurs questions: visiblement elle n'arrive pas à imaginer que l'Occident ait pu être aussi "attardé". (Et j'ai un peu honte, je me demande ce qu'elle a appris, je me dis que "nous" n'avons pas été honnêtes.)

Je savoure ce que je n'ai finalement jamais connu: un professeur qui lit des thèses, et qui est donc au courant des dernières recherches. Ses affirmations ressemblent à des lieux communs, mais chaque question provoque des précisions bien au-delà de ce que nous attendions.

La défense Lincoln

Bon film comme je les aime, sérieusement construit, sans temps mort. Le titre fait penser à une parade aux échecs, et c'est un peu ça, chaque mouvement ou parole étant destinées à produire plusieurs effets simultanés et généralement contraires, sans que les personnages ne devinent les manipulations en cours (le spectateur, si — mais avec retard).


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Agenda
Pris rendez-vous pour passer un entretien pour le diplôme de théologie. Emue.

Quelques sosies

Le lycée de mon fils propose une "activité" "Histoire de l'Art". Comble de la générosité, elle est ouverte aux parents et aux anciens élèves. Je me suis donc inscrite, bravant le ridicule de mon âge dans une classe d'élèves (tous volontaires puisque c'est hors programme) de seize à dix-huit ans.

Premier constat: toutes les filles sont blondes (sauf une métis), du blond blé au blond vénitien.
Deuxième constat : la prof ressemble à Karine Viard. Elle est un étrange mélange de "parler jeune" (elle est en doctorat et refuse de se poser en professeur) et de précisions («Moyennâgeux, c'est Les Visiteurs — enfin, ça ne vous dit peut-être rien, mais ce film c'est mon adolescence — [ou comment se sentir vieille à vingt-cinq ans], pour le Moyen-Âge on dit "médiéval".»). Elle est enthousiaste, amoureuse de son sujet et c'est plaisant.

La semaine dernière, j'ai rencontré une présidente d'association qui ressemble à Dominique Lavanant à soixante ans (au physique et au moral). C'était moins bien.

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