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Eschatologie

Des eschatas (doctrine des fins dernières, plutôt 19e siècle, qui concerne son propre salut) à l'eschatologie (qui concerne le salut plus généralement, le salut d tous. Préoccupation du 20e siècle.)

Difficile exercice pour la professeur que de faire un cours sur la mort tandis que la femme d'un des élèves est en train de mourir d'un cancer.

Je n'ai pas été très attentive parce que le sujet était délicat, nuancé, difficile — ce qui est un tort, car le sujet était délicat, nuancé, difficile.

Deux livres :
Ratzinger, Les principes de la théologie catholique. Esquisse et matériaux
Jean-Baptiste Metz, Pour une théologie du monde
Karl Rahner, Traité fondamental de la foi

Je découvre (j'avais commencé à le découvrir à l'avant-dernier TG) que les théologiens sont extrêmement réticents à utiliser le mot âme et surtout l'idée d'une âme dans un corps (inculturation grecque), mais sans trop oser l'exprimer (le dire au grand public) car les habitudes sont profondément ancrées parmi les fidèles. Il s'avère que "elle est montée au ciel" ou "il te regarde de là-haut" que nous disons aux enfants pour tenter de les rassurer ou les consoler (mais qui cherchons-nous à rassurer ou consoler si ce n'est nous-mêmes) n'ont aucune légitimité au regard de la doctrine de la foi.

Pour ceux que cela intéresse, voici un texte de la commission théologique internationale sur l'eschatologie.

Extrait (après avoir dépassé les premiers paragraphes très "catholiques" (je veux dire destinés à des lecteurs ayant une sensibilité catholique — culture ou foi)) :
Le phénomène du sécularisme s’accompagne immédiatement de la conviction largement répandue (et cela, certainement, non sans l’influence des mass media) que l’homme, comme toutes les autres choses qui existent dans l’espace et le temps, n’est rien d’autre que de la matière et qu’il disparaîtra totalement avec la mort. De plus, la culture actuelle qui se développe dans ce contexte historique s’efforce par tous les moyens de faire oublier la mort et les questions qui l’accompagnent inévitablement. Par ailleurs, l’espérance est ébranlée par un pessimisme quant à la bonté même de la nature humaine ; ce pessimisme est la source d’un accroissement des angoisses et des afflictions. Après l’immense cruauté que les hommes de notre siècle ont montrée au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’espoir diffus s’était répandu que, instruits par cette dure expérience, ils instaureraient un ordre meilleur de liberté et de justice. Malgré cela, très rapidement, une amère désillusion est survenue : « Aujourd’hui en effet, de tous côtés dans le monde nous assistons à une montée en flèche de la faim, de l’oppression, de l’injustice et de la guerre, de la torture, du terrorisme et des autres formes de violence de tout genre. » Dans les pays riches, très nombreux sont ceux qui sont attirés « par l’idolâtrie des biens matériels (ladite société de consommation) » et qui ne se soucient pas de leur prochain. Il est facile de penser que l’homme contemporain est si asservi par ses instincts et la concupiscence, et si exclusivement assoiffé de biens terrestres qu’il n’est aucunement destiné à une fin supérieure.

Ainsi, beaucoup d’hommes sont dans le doute : la mort mène-t-elle au néant ou à une vie nouvelle ?
Que pensons-nous de la mort, que croyons-nous vraiment, que nous ne confions à personne ?

Irons-nous tous au paradis ?

Titre faisant référence à ceci (pour ceux qui n'auraient pas reconnu).

TG sur l'eschatologie (ie, l'au-delà et les fins dernières).
Cette année, les TG présentent une ambiguïté déconcertante : comme d'habitude nous devons lire des textes et préparer nos réponses aux questions d'un dossier, mais la chargée de TG semble considérer qu'elle doit simplement s'assurer que nous avons bien compris les textes en question et que nous ne devons pas déborder sur d'autres aspects du sujet.

Aujourd'hui il s'agissait des positions de l'Eglise concernant l'au-delà, avec un curieux avertissement : si les théologiens ont la charge de s'interroger, il s'agit pourtant de ne pas désarçonner le peuple des fidèles peu habitué à ce type de recherche (un faux air de "ne pas désespérer Billancourt").

Les deux autres textes provenaient de Karl Rahner et Louis-Marie Chauvet. La position de fond est simple : tout homme peut être sauvé ainsi que le Christ l'a promis par sa mort et sa résurrection.

Les choses se sont compliquées (pour ne pas dire envenimées) lorsque j'ai fait remarquer qu'il fallait que la personne considérée accepte ce salut : qu'en était-il de l'homme ayant passé sa vie au service des autres et refusant Dieu avec colère sur le thème « si Dieu existe, j'espère qu'il a une excuse1 » ? Qu'en était-il de l'homme bon refusant au jour de sa mort ou du jugement dernier le salut proposé2 ?

Je n'ai pas réussi à faire comprendre ma question. Heureusement elle a été relayée et soutenue par d'autres élèves, mais la chargée de TD n'entendait clairement que la possibilité pour l'homme méchant de finir en enfer, ou du moins elle semblait tellement s'attendre à cet argument qu'elle n'entendait pas une question plus étrange : l'homme bon refusant le salut.
J'ai fini par résumer : « Mais enfin, on ne peut tout de même pas être sauvé contre sa volonté ?! »
A cela, pas de réponse. Ce cas ne paraît pas envisagé.

Et pourtant, il existe des gens admirables en colère contre Dieu (auquel ils ne croient pas, un élève a souligné le paradoxe, mais c'est toujours plus complexe que cela : d'une certaine façon ils sont en colère contre son silence). Seront-ils "consolés" contre leur volonté ? Ou leur volonté fondra-t-elle comme neige au soleil ? (Questions très théoriques, certes (smiley), mais puisque nous sommes là pour les prendre au sérieux…)
Et je pense à la préface de Lolita : il y a trois choses que les braves gens conformistes ne peuvent accepter : un noir vivant avec une blanche, un athée menant une vie bonne et heureuse, un adulte convoitant une enfant.


J'ai ensuite rejoint H. au congrès du Modem. Il y était depuis le matin. Il avait présumé de ses forces et nous sommes partis avant la fin, vers quatre heures. Le retour en voiture fut pour lui un calvaire.



Notes
1 : citation dans les premières pages de La Fée Carabine. Plus sérieusement, pensons à Nietzsche infirmier durant la guerre de 1870.

2 : par là je demandais quelle était la position officielle de l'Eglise puis que l'exercice consiste à connaître ces positions officielles et les (nombreux) débats en cours.
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