Billets qui ont 'examen' comme mot-clé.

Derrière moi

L'oral est passé (question après l'exposé: «comment expliqueriez-vous à l'homme de la rue la différence entre Thomas d'Aquin et Schillebeckx?»)

Bavardage avec une jeune esthéticienne venue des îles. Elle et ses amis n'utilisent que des assiettes et des couverts jetables quand ils dînent ensemble.
— Ce n'est guère écolo… et je n'aime pas manger dans des assiettes en carton.
— Oui, mais après il faut laver, et puis j'ai peur qu'on me casse ma vaisselle.
— Oh mais c'est de la vaisselle Ikéa, hop, on rachète.
— Oui, mais il faut y aller… Mais moi non plus je n'aime pas la vaisselle jetable. Quand les copains me donne une assiette en carton, ça va encore, mais des couverts en plastique…
— Lancez une nouvelle mode, amenez votre assiette et vos couverts quand vous allez chez vos amis.

J'ai passé l'oral. Demain carte de vœux, billets de blog, le dernier Jarmush, une sortie sur la Seine, des livres lisibles… Demain est un autre jour, je vais me coucher, je suis debout depuis trois heures, oral oblige.


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Investiture de Trump. Pourquoi cela m'affecte-t-il autant, après tout je ne suis pas concernée. Mais d'une part je le suis, évidemment; et d'autre part je ne peux m'empêcher de ressentir de la honte, une honte collective, commune, une complicité à faire partie d'une humanité capable d'élire un type qui s'est moqué d'un handicapé, qui a fait rire des plus faibles, qui a pour ambition d'écraser et non de protéger (voir le discours de Meryll Streep qui exprime cela parfaitement). Je suis accablée de me prendre cette vérité en pleine poire. Je la connaissais, bien sûr, mais je l'évitais, je l'oubliais. Réveil brutal, KO debout depuis novembre.

Baisers volés

Tellement en retard pour mon oral que j'ai posé une journée de congé. J'ai tout repris sous un autre angle. Article "symbole" de Ricœur dans Introduction à la pratique de la théologie.

Regardé Baisers volés de Truffaut. DVD double face, au dos Antoine et Colette. Témoignage sur un monde disparu, pressage de vynil et pneumatique.
Il me semble qu'une réflexion de la jeune fille reprend exactement ce pour quoi Facebook s'insurge aujourd'hui: « Tant mieux si c'est éclairé, ça vous évitera de me tripoter ». Omniprésence du désir masculin, lourd, obsédant; impression de chasseur et de gibier. Un film pareil ne serait-il pas attaqué aujourd'hui pour cette traque qu'il montre comme évidente, naturelle ?

Est-ce que cela a changé quelque chose pour vous ?

Comme l'oral "officiel" avait lieu pendant nos vacances en Espagne, je le passe en séance de rattrapage à l'église St Julien le pauvre (rite grec melkite) dont notre professeur est le curé (autant dire que la période est épuisante pour lui: Pâques, baptêmes, mariages, examens…, tout cela à caser dans un seul emploi du temps).
Nous sommes plusieurs dans ce cas-là; nous attendons notre tour assis dans l'église en chuchotant. Nous tentons de nous rassurer mutuellement, nous dédramatisons: «ne t'inquiète pas, même s'il regarde sa montre et semble s'ennuyer…» (mais quelle drôle d'idée aussi de demander à un professeur qui a écrit sa thèse sur Grégoire de Nysse d'interroger des étudiants qui ont eu douze heures de cours de patristique et ont lu un livre pour préparer un oral d'une demi-heure).

Grégoire de Nysse justement, Sur les titres des Psaumes. Je parle de sa bienveillance (et c'est vrai: je pense que la lecture de Grégoire de Nysse remonterait le moral de n'importe qui (pour info, c'est l'un des premiers à avoir envisagé un enfer vide (apocatastase, puisque Jésus a vaincu et vaincra) — après Origène, mais lui sans se faire condamner, simplement censurer dans certaines traductions ou copies d'époque); je décris sa thèse qui est que l'ensemble du psautier serait une progression en cinq étapes vers la béatitude, l'accès au sein de Dieu. Je ne sais pas répondre à une question plus générale, mais dans l'ensemble ça se passe plutôt bien.

Nous allons ensuite prendre un pot devant l'église, à trois ou quatre étudiants. Je les connais peu, ils ne font pas partie de ma promotion initiale, ce sont des "quatrième année", je suis en cinquième.
Et soudain, l'un d'entre eux demande: «qu'est-ce que ça a changé pour vous, cette formation?»
Panique à bord. Ils ont tous des choses positives à dire: ils écrivent plus, ils lisent plus, etc.
Pas moi.
Je lis moins, j'écris moins. Je me suis coupée de mes amis, je suis embarrassée de faire état publiquement de ma foi (même si je m'y force). Je ne suis pas à la hauteur de ce que je voudrais être ou faire (c'est de l'orgueil, sans aucun doute). Qu'est-ce que cela a changé? La découverte de noms, de domaines inconnus. L'apprentissage du grec. Mais est-ce que cela compte vraiment au quotidien? Qu'est-ce que cela a changé? Je ne sais pas. Il me semble avoir plus perdu que gagné, je me dis que je dois m'y prendre mal, il y a quelque chose que je ne dois pas voir ou faire.
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