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Expo de collages

Soirée au MPAA pour voir les collages de Françoise.
Elle a réalisé des collages sous forme de cartes postales, envoyées fictivement par Perec, rédigées par ses amis. Les cartes sont suspendues à un parasol formant un grand mobile; c'est joyeux, gai.
L'exposition dans son ensemble, y compris les autres artistes, est très réussie.

Restau indien. On parle Japon et RSI.
M. est mathématicien et c'est toujours lui qui est interpelé au moment de l'addition. Est-ce ce soir-là que M. m'a raconté l'histoire suivante? c'est le moment de l'addition entre oulipiens, on fait appel à Roubaud, le matheux de la bande, qui refuse et se fait prier, on insiste, il finit par accepter et demande:
— Bon alors, on est combien?
— Dix.

Au retour, je vis un épisode un peu étrange dont je ne sais s'il relève du harcèlement (toutes les femmes semblent si promptes à tout qualifier ainsi que je n'ose utiliser ce mot, mais je sais bien que se poser la question, c'est déjà y répondre par l'affirmative).
Je me suis installée dans un coin de RER, sur la première banquette dont le siège près de la fenêtre est en face d'un porte- bagage qui permet d'appuyer les pieds, et effet habituel de l'aviron, je m'endors la tête contre la vitre en attendant que le train s'ébranle.
Trois hommes montent, entre vingt-cinq et cinquante ans, d'Europe de l'Est (ce qui signifie que je ne comprends pas leur conversation). Le plus jeune s'installe non pas à côté de moi, mais contre moi, je sens son poids. En face de biais (puisqu'en face se trouve le porte-bagage), les jambes d'un autre homme me frôle.
Je ne bronche pas. Je ne me recule pas, je n'ouvre pas les yeux, je fais comme si tout était normal, comme si je n'avais rien senti. Une partie de moi les surveille (je ne risque pas grand chose à part l'humiliation, la voiture est pleine), une autre essaie de se rendormir. C'est le chat et le chien, si le chat ne court pas, le chien passe à autre chose.
Le train démarre, la vitre est froide, j'ouvre les yeux, ne regarde personne en particulier, ouvre mon sac, farfouille à l'intérieur. Mon voisin évalue d'un coup d'œil le contenu du sac (livres et affaires d'aviron). Je croise son regard sans l'affronter mais sans le fuir, je laisse le vague du sommeil adoucir ma fermeté. Je mets mon bonnet d'aviron afin de me protéger de la vitre et me rendors contre la fenêtre.
Est-ce le contenu de mon sac, mon bonnet, mon regard ou mon âge qu'il a dû comprendre en me regardant dans les yeux, je sens qu'il se désintéresse. Il s'appuie toujours autant sur moi, mais se penche parfois en avant pour discuter un point ou un autre avec ses compagnons.
Ils descendront à Maisons-Alfort.

Jeudi

Musée Grévin, expositions Albers et Matisse à Beaubourg. Variations encore. Je songe à cette expression devenue mythique à la maison: «Pour faire de jolis pots, il faut faire beaucoup de pots»..
L'intrigant est que les tableaux sur un même thème sont souvent (toujours) peints la même année, il n'y a pas comme chez Degas une évolution s'étendant sur une longue période (pour une même composition, je veux dire): comme si Matisse voulait aussitôt nous montrer plusieurs visions intérieures.

Découvert à mon grand désarroi une nouvelle catégorie d'électeurs du FN: après les extrémistes par conviction, les ouvriers et catégories sociales délaissés, je découvre "l'intellectuel qui fait le malin", qui veut envoyer "un signe" pour signifier que la situation devient incontrôlable dans les écoles, les facs, les banlieues, etc, bien persuadé que "de toute façon le FN ne passera pas".
Certes. Il faudra un jour que je copie certains textes de H.G. Wells du début du XXe siècle (anéantir tous les jaunes): les idées dans l'air rendent certaines idées tolérables, il n'y a pas de neutralité en la matière.

Bateau-mouche, musée d'Orsay.

Tout est dans le titre. Bateau-mouche un peu miteux, je trouve. Il me semble (souvenir vague) que j'ai dû prendre un billet pour les bateaux-mouches seule, en arrivant à Paris. Tous les hôtels particuliers étaient nommés, avec date et architecte, et j'étais désespérée de ne pouvoir les enregistrer au fur à mesure.
Aujourd'hui seuls les principaux monuments sont indiqués, et chaque phrase est répétée en plusieurs langues (anglais, japonais et ??).

Tout cela consiste à revenir sur ses pas, mais des pas quasi effacés. Orsay. Je me souviens d'avoir visité Orsay peu après son inauguration, inauguration qui suivait l'exposition impressionniste de l'hiver 1985 au Grand palais. (Oui je m'en souviens: c'était la première fois que j'allais voir une exposition).
Et puis une exposition Pompon. 1992?[1] Je me demande si ce n'était pas lors d'une soirée privée. C'est amusant d'écrire cela, cela donne l'impression d'une expérience très longue qui en réalité n'existe pas, comme le prouve d'ailleurs l'écart entre les dates.

Le musée d'Orsay d'aujourd'hui ne ressemble plus guère à ce qu'il était, même si je ne m'en souviens que confusément, ne serait-ce que par la manie de découper les grands volumes en petites boîtes pas trop éclairées (pour ne pas abîmer les tableaux? Mais les scènes d'opéra ou de théâtre ne sont pas éclairées non plus, nous assistons à une préciosité de la pénombre.)

Mais je ne me souvenais pas d'autant de tableaux, non, je suis sûre qu'il y avait bien moins de tableaux, de tableaux connus, aimés, presque des compagnons de vie tant ils m'ont accompagnée dans les livres de classe, dans diverses illustrations ou iconographies dont j'ai à peine conscience[2]. Intérêt des "boîtes" dans les grands volumes: cela multiplie les murs pour accrocher des tableaux.
(Je choisis les Pivoines de Manet. (La galerie des impressionnistes n'est pas dans la pénombre, elle bénéficie d'un bel éclairage zénithal)).

(J'ai oublié d'essayer de retrouver le petit meuble de Jean Puyaubert cité dans le journal 2006, je crois.)

Degas, Akseli Gallen-Kallela.
Grand souci de progression et de rapprochement dans l'exposition Degas, fascination de la variation, les quelques toiles d'autres peintres sont très judicieusement choisies. La provenance de certains dessins (très souvent américaine) me fait sourire: Degas à Kansas city, vraiment?
Akseli Gallen-Kallella résonne évidemment avec les Demeures de l'esprit du nord. Très bonne surprise que ces toiles, ne serait-ce que par leur variété de style, de sujets, de couleurs. J'aime beaucoup le visage rougi par le feu de l'homme en face de la cheminée.

Merci à Pierre.



PS: je me suis flambée la frange et les sourcils au calvados en préparant un lapin à la normande.

Notes

[1] 1994 me dit Google.

[2] Les enfants ne reconnaissent rien. Je m'étonne. Rentrée à la maison, je vérifie dans leurs livres de cours: pas un Monet, pas un Renoir, pas un Degas. Ni Millet, ni Fantin-Latour. Rien, aucune image destinée à devenir familière.

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