Billets qui ont 'fail' comme mot-clé.

Un petit déjeuner fautif

Je voulais m'inscrire à l'un de ces petits déjeuners professionnels organisés autour d'un thème par des entreprises (souvent des cabinets de conseil) qui se constituent ainsi un carnet d'adresse de clients potentiels. Puis j'ai oublié, puis j'ai envoyé un mail hier vers quinze heures et j'y suis allée ce matin sans attendre la réponse, me disant que je m'ajouterai manuellemaent sur la liste des participants.

Le lieu de rendez-vous était dans l'un de ces centres de conférence que les entreprises louent pour avoir de grandes salles. Quand l'intervenante a commencé à parler, je me suis dit que je m'étais trompée de petit déjeuner, et pire, que le sujet de celui-ci ne m'intéressait pas du tout: c'était une veille sur les tendances de la formation professionnelle dans le monde (intervention organisée par Opcalia). (Je n'ai jamais pris la formation professionnelle très au sérieux, et cela doit être très français, car l'intervenante a confirmé que nous étions connue pour cela: ne prendre la formation que pour une obligation légale et non pour un investissement. (Apparemment une loi est en train de tenter de moderniser et de changer cet état d'esprit).
(A la pause, j'ai vérifié à l'accueil: il n'y avait pas d'autre petit déjeuner d'organisé ce matin. Au bureau, un mail m'attendait pour me prévenir que celui auquel je voulais assister avait été annulé.)

J'ai tout de même pris quelques notes. Apparemment la grand'messe internationale de la formation est organisée par l'ASTD. Il y a trois ou quatre conférences par ans dans des grandes villes américaines, rassemblant environ neuf mille personnes dont 40% d'Asiatiques (une dizaine de Français). Ces conférences rassemblent quatre cent cinquante exposants; leur liste à trouver sur le site de l'ASTD permet d'avoir une idée de ce qu'ils vendent et de ce qui se vend.
Le e-learning est en perte de vitesse, les formations sont de plus en plus un mix de formation théorique virtuelle, de préférence des vidéos ne dépassant pas une quinzaine de minutes, et des formations très pratiques en présentiel.

Les formateurs doivent captiver les gens (au sens propre), sinon au bout de dix minutes tout le monde est sur son smartphone (ce qui me paraîtra toujours hautement impoli mais ne paraît choquer personne). La compétence du formateur est remise en cause en permanence par les formés susceptibles de faire des recherches google pendant la formation pour vérifier ce que dit le formateur (!).
De plus en plus, il est demandé de mesurer un ROE (Return on Expectations: prouver que les salariés ont réellement acquis une compétence, par une mesure avant la formation, puis un ou deux mois après (formation à la délégation, par exemple: le formé délègue-t-il davantage après qu'avant?)), voire un ROI (Return on Investment), ce qui est beaucoup plus difficile à évaluer car il n'y a pas de mesure "toutes choses égales par ailleurs" (comment mesurer l'impact d'une formation commerciale si par ailleurs le marché s'est écroulé, il y a eu crise économique, des concurrents ont fusionné?)

Tout ou presque est disponible sur Youtube (l'intervenante ne tenait absolument pas compte des éventuelles problèmes de langues et des niveau des salariés). «Ce que vous avez à faire, c'est repérer sur le net ce qui vous intéresse pour le mettre à disposition des salariés». (Au passage problème du droit d'auteurs: ne pas vendre ce qu'on récupère gratuitement.)
In petto je me suis dit que c'était une piste pour les documentalistes, car trouver la meilleure vidéo sur un thème à partir des tags étrangers servant à l'indexation… pas si simple et surtout très long. Les serious games sont moins à la mode. J'ai noté le nom d'un jeu pour se former à la négociation: The Merchants".

Ce qui est en train d'émerger, ce sont les MOOC (Massive Open Online Course), formations en ligne données par les professeurs de grandes universités, formations gratuites devenant payantes si l'on veut obtenir une certification. (Le modèle économique de ces MOOC n'est pas encore stabilisé: comment diffuser gratuitement des cours en ligne pendant que les étudiants en présentiel paient dix mille dollars l'année?)
Il existe des légendes: les MOOC auraient permis de repérer des ingénieurs nigériens ensuite invités en Californie, etc, etc. (Notes: éclatement des frontières, faites vos MOOC, mettez vos vidéos sur internet, mais attention, pas toutes vos compétences, car que vous resterait-il à vendre?)
En France, deux sont très connues: une formation de Lille en gestion de projet, une du CNAM en management.

J'ai noté par ailleurs une liste de noms et adresses:
coursera
edX
udacity
Carnegie Mellow
Stanford
classe to go
coursebuilder, proposition Google pour créer des MOOC à usage interne (des SPOC).

Dernier point : un formateur doit être sur linkedin et avoir au moins quatre cents contacts (ratio américain). Il faut avoir également des recommandations, donc à la fin de chaque formation, demander aux formés d'aller déposer un petit mot… (et ça m'a paru étrange, déjà que je trouve étrange que les restaurants ou gîtes nous demandent de le faire sur Tripadvisor, mais le demander pour soi quand c'est soi le produit, et non plus la chambre ou la cuisine…)

Allumer un feu

Allumé deux kleenex pour vérifier si oui ou non la cheminée dans ma chambre est utilisable.

Expérience non concluante. Tant pis, je continuerai après dîner. Je prépare mon feu, une boîte d'œufs, des brindilles, un plateau de fromage en osier, une planche, une bûche, le tout calé en pyramide dans le coin de la cheminée.

Dîner. Bortsch et conversation.

— Ça sent le brûlé, non?
Oui, ce sont les kleenex. Mais sait-on jamais…
Je monte.

Tout l'étage est envahi par la fumée. Les kleenex mal éteints ont allumé les brindilles. La preuve est faite que la cheminée est bouchée. Le feu flambe, j'ouvre les fenêtres de part et d'autre de ma chambre (en pensant que le courant d'air, c'est justement ce qu'il faut éviter en cas d'incendie (mais enfin, le feu est dans la cheminée)), je descends chercher de la litière pour chat (ce qui ressemble le plus à du sable) et j'éteins mon feu.

Il faut aérer toutes les pièces de l'étage. Les literies vont sentir le feu de camp pendant des semaines.

Surtout, je voulais faire du feu parce qu'il faisait froid. 15° dans ma chambre, très mal chauffée par manque de radiateurs.
10° après aération.
Fail.

Grosse fatigue

La même vous déclare qu'elle apprend à ses filles à donner un grand coup pied dans les couilles à un type louche qui s'approcherait («Tu comprends, nous sommes une famille confiante, alors il faut que je leur apprenne à se méfier») et qu'elle est farouchement contre la peine de mort, qu'elle préfère tuer elle-même le meurtrier de ses filles («et qu'on me juge ensuite»).
— Si je comprends bien, tu es pour les milices et contre l'Etat de droit ?...
— Mais non, pas tout... (etc. Ton très offensé).

Il paraît que j'ai été trop virulente, qu'il faut savoir laisser tomber...
Eh oh, j'ai rien fait, et ce n'est pas moi qui ai commencé.

F.

Elle a 43 ans aujourd'hui. Ma seule amie d'hypokhâgne, celle que les professeurs ne m'ont pas pardonnée, d'ailleurs. («Mais pourquoi avez-vous changé de place?» Qui m'avait posé cette question et pourquoi, quand j'avais changé de place pour m'installer à côté d'elle? Je ne sais plus.)

Celle qui était si timide qu'elle riait nerveusement quand la prof d'anglais l'interrogeait — et celle-ci a cru jusqu'au bout que F. se moquait d'elle. (F. était très douée en anglais.)

Celle avec qui j'ai mangé beaucoup de croque-monsieurs.

Celle qui avait lu tout Duras, tout Woolf et tout James — dommage que je n'ai pas suivi son exemple à l'époque, j'aurais pris un peu d'avance — mais les Duras que je lisais lui appartenaient. J'ai encore dans ma bibliothèque son Vie et Destin et le Arendt sur le totalitarisme. Elle m'avait prêté Temps et Récit I dont j'avais entièrement gommé les soulignages à main levée pour les remplacer par des traits à la règle.

Celle dont nous avons corrigé en urgence sur atari (logiciel: "Le Rédacteur") le mémoire de DEA d'histoire (L'assassinat du président McKinley) (et déjà mes tics de relecteur).

Celle à cause de qui j'habite où j'habite aujourd'hui, ses parents nous ayant prêté leur maison en 1992 pendant qu'eux-mêmes partaient en vacances, nous permettant d'échapper à notre appartement quelques semaines et de découvrir cet endroit de la région parisienne.

Celle dont je possède un pendentif, une croix dans un cœur, donné par sa mère à la naissance de ma fille, parce qu'elle ne croyait plus que F. aurait des enfants (puisque ce pendentif était destiné à une fille de F.)

Celle à qui j'ai raccroché violemment au nez un jour de 1995, en décembre sans doute, exaspérée que célibataire sans enfant, elle ne soit jamais disponible pour nous voir et ne fasse preuve d'aucune souplesse dans son emploi du temps.

Celle que j'ai revue dans un café en 2000, après l'avoir rappelée parce qu'elle me manquait, qui m'a avouée qu'elle était lesbienne et qu'elle n'avait pas osé nous le dire, qu'elle avait coupé les ponts avec toutes ses anciennes connaissances.

Celle qui ne m'a plus jamais répondu, que je n'ai pas revue depuis, dont le prénom/nom existe à une dizaine d'exemplaires sur FB — j'ai écrit à toutes, en vain.

Evidemment je pourrais aller sonner chez sa mère, qui d'après l'annuaire est sans doute veuve.

Mais cela n'a guère de sens d'insister.

Constat

Le feu flambe. J'appuie mes pieds contre le pare-feu : «Tiens, je vais faire sécher mes chaussons.»
Je me plonge dans mon livre.

Quand je relève la tête, je constate qu'un mince filet de fumée s'échappe du chausson droit. Je le retire précipitemment de la grille, l'enlève, le retourne. Le tissu a l'odeur de brûlé moite qui sélève de certains repassages à fer trop chaud.
— Mais la semelle brûle! Et en plus il n'a même pas séché!
— Décidément, ta vie est un échec.

Timidité

J'ai regardé par la fenêtre grillagée de la porte les deux silhouettes qui discutaient.
J'ai fait un pas en arrière pour ne pas être vue.
J'ai regardé la sonnette qui donnait accès au sanctuaire, ne laissant aucun espoir d'une entrée discrète.
J'ai fait demi-tour et je suis partie.

Désordre

La maison s'enfonce dans l'informe.
Il faudrait que je songe à sortir le sapin de Noël (une semaine qu'on a enlevé les décorations, il perd toujours ses aiguilles aux milieu du salon).

Il faudrait beaucoup de choses.

Roissy, 21 heures

L'aéroport est presque désert. Nous franchissons une dernière fois la douane, machinalement, bonsoir, carte d'identité, merci, au revoir.
Je quitte le guichet par la droite ; devant moi, de l'autre côté de la ligne que je m'apprête à franchir et donc en France, une femme d'une cinquantaine d'années s'agite, très visiblement ashkénaze avec ses vêtements marrons, beiges et violets, ses bas épais et son béret enfoncé jusqu'aux sourcils, elle parle à quelqu'un derrière moi :
— Regarde encore ! Mais qu'est-ce que tu en as fais ? Tu l'as laissé dans l'avion ?
Je me retourne, un petit homme barbu, poils gris, aux yeux tendres et perdus, fouille désespérément dans sa sacoche, désespérément et sans méthode me semble-t-il; il a sans doute glissé le précieux passeport à un endroit inhabituel "pour ne pas le perdre", ou peut-être même que c'est sa femme qui l'a, "pour ne pas que tu le perdes", il semble tellement sans défense. Ils paraissent sortis tout droit d'une nouvelle de Singer. Je franchis la frontière.
Nous attendons les bagages, la technique du cougar pour ne pas avoir froid, la technique du tigre pour ne pas avoir chaud, les chaussettes gore-tex, l'homme est toujours de l'autre côté de la frontière que très respectueusement sa femme ne franchit pas, murmurant ses conseils et ses imprécations par-dessus la ligne, la douanière est une jolie jeune fille, la banque Palatine finance vos projets, je regarde le guichet; la douanière est sortie du poste, son arme de service pend sur sa hanche, elle fait la bise à ses collègues et se prépare à partir. Le petit vieux cherche toujours, mais en France; visiblement, de guerre lasse, la jeune fille l'a laissé passer. Sa femme continue à le morigéner, il a les yeux perdus dans le vide, toujours pratique elle part à la recherche des bagages.

La Suisse

Vieille habituée des Darwin awards, je n'étais pas enthousiaste à l'idée d'emprunter une ligne nommée Darwin Airline.

En débarquant à Lugano, l'air sent la laiterie et la bouse de vache.

Ayaan Hirsi Ali et Peter Leeson

Le blog d'Ayaan Hirsi Ali, l'ex-députée hollandaise dans une situation pire que celle de Salman Rushdie, puisque son propre pays ne veut pas assurer sa protection.
En étudiant le sujet hier, j'ai découvert que le maire de Bruxelles avait interdit une manifestation qui souhaitait une minute de silence le 11 septembre "afin de ne pas embarrasser la population musulmane de la ville". Le maire n'était pas sûr de pouvoir assurer la sécurité des manifestants, a-t-il argumenté (ce qui n'est déjà plus la même chose que "ne pas embarrasser la population musulmane").

Dans un autre genre et sans rapport : le site d'un économiste anarchiste.

Et pendant que j'y suis à inaugurer cette nouvelle rubrique, j'en profite pour rappeler que Rémi a déménagé de Prague à Dubaï. Cette mésaventure m'a bien fait rire.

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Mise à jour le 3 juillet 2014: la page d'Ayaan Hirsi Ali.
Concernant Rémi (Diligent), il est désormais plus actif sur Facebook que sur son blog.

La relaxation, c'est plus difficile qu'on ne pense

J'apprends qu'il existe dans ma bonne ville des cours confirmés de relaxation.
Il y a dix places en cours pour les confirmés, douze pour les débutants : il faut croire que certains n'atteignent jamais le niveau confirmé.

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