En route

Lever à six heures pour faire mes bagages. Je ne comprends plus très bien ce que j'avais noté dans mon carnet à mon retour l'année dernière: comment ça, ne pas prendre le pull gris, est-ce qu'il ne faisait pas si froid que ça en altitude, finalement? Je ne me souviens plus.
Je boucle tout. Le soir je m'apercevrai que je n'ai pas pris un objet de base: le sac plastique qui sert à tout, sac poubelle, paillasson pour les chaussures dans la tente, etc.

Croissants, train pour Montargis à 9h. Place Den Xiapoing, qui a étudié dans le Montargois (??!!)
Détour par Orléans pour aller chercher une pièce de planeur (sachet délicatement posé dans l'embrasure d'une fenêtre où il fallait le récupérer: nous n'avons vu personne. Quelle confiance et quelle organisation) puis voyage sans histoire jusqu'à Sisteron. J'ai écrit un ou deux billets, classé des photos et mis à jour à partir des photos prises hier les photos dans mon annuaire téléphonique (le temps passent, les têtes changent).

En arrivant devant l'emplacement devant ma tente, un sentiment de soulagement monte en moi, quelque chose lâche. Je ne savais pas que j'étais autant sous contrôle.
Dîner au Zinc, à dix. La conversation languit, je somnole, les autres rient (ce qui m'agace: n'ont-ils jamais été fatigués ?)

Mon billet le plus snob

Mort de Bernard Pivot.
Je n'ai jamais regardé une seule de ses émissions.
Ni Dallas, ni Le grand Echiquier, ni tant d'autres.

De Pivot, je me souviens de la semaine chez Mollat où j'ai vendu des dizaines d'Homme de paroles (Claude Hagège) en pensant que moins du dixième des acheteurs allaient le lire. Passer à la télé, passer à la radio, ça fait vendre des livres.
Mais ça ne dit rien des livres. Ça avantage ceux qui savent parler, ou ne savent pas boire.

Mais bon. Le chiffre d'affaires des libraires en bénéficie. Et avec Pivot, c'est un gros morceau de notre enfance qui s'efface, la semaine même de la fin des Chiffres et des Lettres.
Il nous reste Drucker et Alain Delon.



*******
Agenda
Repassé jusqu'à minuit pour qu'H. ne se promène pas à poil pendant mon stage à Sisteron.

Courges antiques

Dernier cours de grec. Cette année, j'ai beaucoup peiné. A plusieurs reprises j'avais si peu préparé mes textes que j'ai songé à abandonner. Mais si on n'y va pas une fois, le pli est vite pris de ne plus y aller du tout, il faut donc se forcer, ne pas céder, à la paresse, à la fatigue, à la honte ou la lâcheté.

Nombres 11,5: sikuas traduit par concombres.

«En fait, on ne sait pas exactement ce que c'est. Une courge, un concombre. C'est quelque chose qui a grandi à la lumière: ça évoque les Manichéens. Vous savez que les Manichéens ne mangeaient que des légumes poussant au soleil: en absorbant des particules lumineuses, ils espéraient s'unir davantage à la lumière. Quand on rencontre des courges dans St Augustin, les Manichéens ne sont pas loin. Vous savez qu'Augustin a été manichéen, ça laisse des traces. C'est comme un végétarien qui arrête d'être végétarien: il lui reste des réflexes.»

«Irénée aussi a parlé de courges, pour se moquer des gnostiques, en recomposant un monde avec des super-melons et des supers-concombres

Où va se nicher l'érudition. Pour ma part je songe aux courges de Cerisy sur les poutres de la bibliothèque.

Triste purée

Aller retour chez les parents d'H. Son père est rentré de l'hôpital. Il est amaigri, mais en moins terrible état que la description que m'en avait fait H.

La première chose qu'il me dit, assis sur le canapé à côté de moi, c'est: «si je me penche pour ramasser quelque chose, je suis essoufflé. J'ai des métastases dans les poumons.»
Il attend un rendez-vous à l'hôpital, il attend un protocole de chimio.
Je ne dis rien. De la chimio à 82 ans? Est-ce possible? Est-ce souhaitable?

Journée calme. H. a amené des steacks hâchés, de la purée maison, de la salade de fruits maison également. Sa mère est contente car son père mange tout. Elle répète plusieurs fois: «il a tout mangé, c'est la première fois depuis qu'il est rentré de l'hôpital.»

Ils déclarent qu'ils vont faire la sieste après le repas, mais à ma grande honte, je crois bien que je suis la seule à m'être réellement endormie, sur le canapé. D'où me vient cette torpeur invincible?

Plus tard discussion générale, arte, google earth, les petits-enfants… Nous parlons beaucoup trop.

Départ vers sept heures, dîner au Mange-disques à Villenauxe-la-Grande (j'adore le nom de cette ville). Nous repartons dans le soleil couchant. Des orages violents se déclenchent au sud puis au nord, éclairs sans interruption.
Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.